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Alba Balestri
La section italienne de la colonne Ascaso
Hommage à Nino Balestri et à ses copains

Alba Balestri
La section italienne de la colonne Ascaso
Hommage à Nino Balestri et à ses copains

Prologue :

« Ce petit travail d’investigation qui évoque « l’épopée » de la section italienne de la colonne Ascaso [1] se situe sur le front d’Aragon entre août 1936 et mai 1937. Il se veut un hommage à Gino Balestri, dit “Nino”, mon père tant aimé, et à ses copains anarchistes qui ont combattu avec lui près de Huesca. Animés par l’enthousiasme et l’espoir de vaincre le fascisme, ils pensaient pouvoir, grâce à la révolution, créer une société nouvelle, véritablement fraternelle et solidaire.

Ma sœur aînée, Luce, avait entrepris, elle aussi, une recherche dans ce sens en 2001 sans l’avoir portée à son terme. Quand je décidai de la reprendre, elle ne m’y incita guère. N’ayant rien retrouvé au sujet de Nino lorsqu’il était en Espagne, il lui paraissait inutile que je continue à investiguer. Mais par la suite elle me fournit tous les documents en sa possession dont le dossier du CPC (Casellario Politico Centrale) du centre d’archives de l’État italien, et me rapporta quelques témoignages de ma mère, Cosetta, ainsi que des souvenirs personnels qui m’ont été fort utiles.

Je dois l’avouer, j’ai voulu avant tout transmettre un peu de la mémoire de Nino, le réhabiliter en quelque sorte, lui qui fut si souvent attaqué, méprisé pour ses idées par des membres de sa propre famille, essentiellement des communistes mais aussi par d’autres, qui l’ont souvent considéré comme un aventurier, un fou, une « tête brûlée ».

Lorsque j’étais enfant, puis adolescente, je me souviens de disputes dominicales d’une grande violence au cours desquelles il se faisait agresser verbalement, où ses récits sur les faits survenus en Espagne étaient contestés. Je le voyais rejeté, humilié et comme il ne maîtrisait pas la langue française, il s’énervait beaucoup ne réussissant à se défendre comme il l’aurait souhaité ; et je souffrais pour lui, ne sachant comment lui venir en aide.
J’aurais dû l’enregistrer à l’époque lorsqu’il parlait de ce « rêve » espagnol qui fut si important pour lui, et lui offrir de son vivant un écrit forcément plus complet que celui-ci ; il en aurait été tellement heureux ! Je regrette de n’y avoir pas pensé à ce moment-là mais il en est ainsi…
Par ce modeste document, j’ai voulu dépeindre un peu le personnage, relater un peu cette expérience, et apporter ma toute petite pierre à une autre vision du monde.

Il s’agit ici de raconter l’histoire trop longtemps invisible, trop longtemps indicible, une histoire collective d’hommes et de femmes debout, dont la devise pourrait être exprimée par ces mots que l’on peut lire sur le drapeau de la section italienne de la colonne Ascaso : “Le monde entier est notre patrie, notre loi la liberté. ” »

Alba Balestri

Nous avions déjà parlé en 2010 [2] de ce travail mené de longue haleine par Alba que nous avons rencontrée, il y a quelques années, à Marseille.
Nous sommes bien contents qu’il ait abouti et qu’il vienne ainsi combler un grand vide. Car à notre connaissance, très peu de livres sont parus en France sur l’activité des volontaires anarchistes italiens en Espagne, au front et à l’arrière [3]. Ils furent nombreux [4] à quitter sans regret leur exil - en France pour la plupart – pour s’engager corps et âme en terre espagnole, et beaucoup trop y laissèrent leurs os.
Le matériau ne manque pas et beaucoup d’ouvrages et articles ont été publiés en Italie [5], mais les traductions ne suivent pas en France.

Un ami, Raúl de Huesca, a le projet de rédiger un travail sur « Los Italianos e internacionalistas en la 28 división Ascaso », et il a accumulé beaucoup de données trouvées aux archives de Salamanque.
C’est d’ailleurs grâce à lui qu’Alba a pu enfin trouver un document faisant mention de Gino Balestri en tant que milicien dans la colonne Ascaso :

Liste de volontaires italiens
Source : AHN, PS Madrid 828/3

Le travail d’Alba nous permet d’en savoir bien plus sur la formation et l’action de la colonne italienne en Espagne, et notamment sur le rapport pas banal qui s’est noué entre les anarchistes espagnols et italiens et les socialistes de Giustizia e libertá. Dès le 23 ou le 24 juillet 1936 à Paris, Carlo Rosselli réussit à convaincre les membres de son groupe de se rendre en Espagne, avec la plupart des anarchistes italiens exilés qui ont constitué un comité Pro Spagna. Tandis que les autres socialistes et les communistes temporisent, le comité recueille des fonds, achète des armes. Un premier départ de la France pour Barcelone a lieu le 29 juillet et ces volontaires rejoignent les anarchistes qui étaient déjà sur place avant 1936. Un accord est passé avec la CNT et la FAI via Berneri, Abad de Santillan et García Oliver. Carlo Rosselli aurait voulu que son groupe soit plus indépendant, mais la colonne italienne constituée le 5 août est encadrée par les anarchistes espagnols. Les « commandants » à l’intérieur de la section italienne étaient choisis par les hommes pour leurs compétences techniques et stratégiques acquises sur le front italien durant la guerre de 14, et en fonction de leurs qualités humaines.Les volontaires italiens rejoignent la colonne Ascaso sur le front de Huesca le 18 août.
La colonne italienne participe de manière efficace à plusieurs combats, et ses actions sont célébrées à Barcelone. Mais à la fin octobre 1936, le décret de militarisation des milices rencontre la ferme hostilité des Italiens. Les divergences entre Rosselli et certains autres de la colonne s’accentuent.
Lors de la bataille d’Almudévar qui commence le 20 novembre, l’offensive est sabotée par la non-intervention de la division Karl Marx dirigée par José Del Barrio. Dans un rapport du 26 novembre adressé à ses supérieurs militaires et politiques, ce dernier a le culot de prétendre qu’il est « impossible de manoeuvrer avec les anarchistes et les trotskystes comme cela a été démontré dans les opérations des 19, 20 et 21. » Il demande que ses « forces soient éloignées du virus anarchiste […]. Nous en finirons avec Huesca en la conquérant pour la cause antifasciste et pour le marxisme, sans l’ingérence des anarchistes. » (Del Barrio, Memorias políticas y militares, Pasado y Presente, Barcelona, 2013, p. 218)
Les coups bas du PSUC, du PCE et du gouvernement central contre les anarchistes vont se multiplier, et tout cela contribue à entraver le front aragonais. D’autant plus que les dissensions entre Rosselli et les anarchistes ont atteint un point de non-retour.
Fin novembre, Carlo Rosselli crée la centurie Giacomo-Matteotti, et Antonio Cieri prend la tête de la Section italienne, maintenant à majorité anarchiste. Le 17 janvier 1937, se soumettant de mauvaise grâce à la militarisation, les anarchistes italiens du front de Huesca constituent le Bataillon international de la Division Ascaso, mais ils conservent leur autonomie interne [6] .
Après trois mois d’inaction dans un hiver aragonais très rigoureux, les Italiens participent début avril 1937 à une offensive catastrophique à Carrascal de Apiés, dans le secteur de Tardienta, où l’aviation sensée les secourir n’intervient pas.
Au bout de huit mois passés au front, la colonne italienne en permission à Barcelone décide de se dissoudre le 27 avril, estimant que les conditions pour mener une guerre révolutionnaire ne sont plus réunies.
Les volontaires italiens vont encore participer à des combats mais cette fois-ci dans les rues de la capitale catalane, lors des journées de mai. Les morts, les arrestations et les persécutions qui suivent cette bataille vont précipiter la fin de la colonne italienne, conclut Alba. Meurtris, accablés, certains reprirent le chemin de la France, dont Nino.

Il faut lire cet hommage riche et émouvant où la trace de Gino se dessine parfois en creux, car peu d’éléments ont été retrouvés sur sa période espagnole.
Par contre son parcours d’anarchiste avant et pendant l’exil et celui de la famille de Cosetta Lami (sa compagne) est très documenté. Le voici dans épilogue d’Alba que nous reproduisons ci-dessous.

Les giménologues, 30 avril 2015

Petite Biographie de Nino et de sa famille (tirée de l’épilogue du livre)

Nino Balestri 1930
Source : Archives nationales, Pierrefitte, fonds de Moscou : 19940434/56

« Gino Balestri naît le 1er novembre 1901 à Bazzano (Province de Bologne) en Italie et prendra vite le surnom de « Nino ». Ses parents, des ouvriers agricoles très pauvres, vivent dans une masure louée par un propriétaire terrien pour lequel Ulisse son père, effectue des transports à l’aide d’une charrette tirée par des chevaux. Sa mère « Rosa » travaille au champ. Elle a appris à lire, seule, en essayant de déchiffrer le journal. Ulisse, par contre, est analphabète. Ils auront treize enfants, dix seulement atteindront l’âge adulte. Nino ne fréquente l’école que le matin, et l’après-midi, dès l’âge de six ans, pour aider sa famille, travaille comme aide forgeron.
Exemples de la dureté des temps :

Pour toute nourriture, ils doivent se contenter le plus souvent de polenta [7] .
À la suite d’une blessure au pied, Nino se verra amputer d’un doigt sans avoir été endormi. Il aimait à me raconter comment de douleur il avait à moitié assommé le médecin du village en lui donnant un grand coup de pied au visage, et qu’en retour ce dernier l’avait violemment giflé.

Nino ayant de bons résultats en arithmétique, vérifie les bulletins de paie de son père et lui fait remarquer qu’il se fait voler depuis de nombreuses années. Ulisse ira alors réclamer son dû et « bizarrement », se fera renverser de nuit par la voiture de son patron ; accident qui le rendra invalide jusqu’à la fin de sa vie. Il mourra d’ailleurs prématurément en 1930, laissant une veuve avec encore quatre enfants à élever. L’employeur, quant à lui, ne sera jamais inquiété.
La misère dans laquelle vivent les siens ne permet pas à Nino de poursuivre son instruction au-delà de l’école primaire. Il deviendra manœuvre puis maçon. Il est initié très tôt aux idées libertaires, probablement par sa tante paternelle, Delfina, et par son frère Giacomo (qui deviendra fasciste par la suite). La plupart de ses frères et sœurs seront antifascistes, Angelo et Maria, anarchistes comme lui.

De 1919 à 1921, se déroule en Italie le « biennio rosso » : occupations d’usine, manifestations, grèves etc. Nino s’y implique activement. Le 4 novembre 1919, il prend part à un soulèvement dans son village avec Celso Persici [8] et sa tante, Delfina, qui, en tête de cortège, brandit le drapeau noir. Les insurgés prennent d’assaut le « Circolo Rosa » où les possédants se réunissaient pour festoyer et faire ripaille. Les nombreuses victuailles pillées sont redistribuées à la population. À la suite de cette émeute, il sera condamné à six mois et demi de prison. Et en 1925, à trois mois et dix jours pour lutte armée contre les fascistes [9] .

En 1926, pourchassé par les hommes de Mussolini, il tente avec son ami, Cavedoni, de rejoindre la France grâce à un réseau que connaît son oncle de Gênes. Dans la gare de cette ville, poursuivi par la police qui tire sur son ami, le blessant gravement au poumon, Nino, en légitime défense, tire à son tour et aurait été condamné à mort par contumace pour ce délit. Ils réussissent néanmoins en passant par les Alpes – Nino soutenant tant bien que mal son ami – à gagner Paris où ce dernier décédera à l’hôpital.

Dans son casier politique, quelques lignes sur un document font mention de cette sentence mais celle-ci a toujours été réfutée par ma sœur aînée Luce. Il ne m’en a jamais parlé non plus. Par contre Dina, ma deuxième sœur, me l’a confirmée en me donnant les détails énoncés ci-dessus.

À Paris, il va user de différents noms d’emprunt (Gilioli, Tommaselli comme sa mère, Gregorini …) et s’installer chez sa sœur, Maria, qui tient un restaurant où se retrouvent les exilés italiens. Il va souvent à Fontenay-sous-Bois où sont réfugiés beaucoup d’anarchistes italiens. Là, il se lie d’amitié avec d’autres militants comme les Gilioli, Camillo Berneri et sa famille, Renato Castagnoli, Tintino Rasi et sa compagne Ave, Giuseppe Bifolchi, Alberto Meschi, Renzo Cavani, Gino Bibbi, Enzo Fantozzi, Luigi Damiano…, la famille Lami (alias Cecotti).

Il intègre une coopérative de travaux publics où il occupe l’emploi de maçon et où tous les ouvriers perçoivent le même salaire. Il est aidé par le manœuvre Camillo Berneri, le philosophe n’ayant pu trouver d’emploi correspondant à ses diplômes en France. Nino s’inquiète pour lui et craint qu’à cause de sa surdité et de sa myopie, un accident ne lui survienne mais sa vie n’est pas en danger pour le moment, pas encore…

Nino est arrêté pour la première fois à Paris en 1930 en possession de faux documents et expulsé vers la Belgique puis pour avoir assisté à un meeting politique à Bruxelles, au Luxembourg. Mais à chaque fois, dès qu’il le peut, il revient en France.

C’est par l’intermédiaire du « Comitato profugo [10] » – qui aide tous les réfugiés, grâce à une coopérative financée par des anarchistes italiens vivant aux États-Unis – que Nino fait la connaissance de la famille Lami. Les Lami et leurs deux filles, Cosetta et Elda, sont arrivés en France en 1922. Ils ont quitté clandestinement l’Italie parce que Mario, le père, anarchiste syndicaliste très actif, était recherché et considéré comme un « délinquant » en fuite. En effet, lors d’un meeting où il avait pris la parole, un policier en civil avait été lynché par la foule. Accusé à tort d’en avoir été l’instigateur, il avait été condamné en 1923 à 20 ans de prison par contumace.

La famille Lami s’installe à Fontenay-sous-Bois où Mario travaille comme représentant en produits italiens mais la tuberculose et l’effet des gaz inhalés durant la guerre de 14, l’empêcheront d’exercer longtemps cette activité. Il se retrouve bientôt sans ressources et Rita, sa femme, sur proposition du « Comitato » accepte de se charger de la cantine pour la coopérative ouvrière, qu’elle installe au fond du jardin de leur petite maison. C’est là que se retrouvent les antifascistes italiens pour rencontrer Mario et se restaurer.

Cosetta, qui n’a fréquenté l’école primaire que pendant quelques années, trouve un emploi chez un marchand de tissus de St-Ouen où elle vend à l’étal par n’importe quel temps. Elda, ayant pu poursuivre des études de secrétariat à Paris, est recrutée par un imprimeur anarchiste.

Nino fait la connaissance de Cosetta en allant déjeuner chez Rita. Le 24 octobre 1930, Mario Lami décède, Cosetta a tout juste vingt ans. Très attachée à son père, elle en est profondément affectée.

Nino tombe amoureux de Cosetta, et va l’attendre le soir à sa sortie du métro lorsqu’elle rentre du travail. En l’attendant, il lit le journal ; elle le remarque, mais comme elle est très timide, elle n’ose jamais l’aborder. Cependant, un jour Nino aura sans doute délaissé sa lecture et engagé la conversation puisqu’on va les retrouver ensemble à Marseille en 1932 où ils vivront pendant quelque temps.

Dans cette ville, Nino va intégrer une nouvelle coopérative de travaux publics (sous-traitante de Cimex) dont l’objectif est de permettre aux réfugiés d’obtenir un travail et des papiers en règle. Les bénéfices en sont reversés au mouvement anarchiste. Celso Persici, Dino Angeli [11] (ses deux grands amis), Giulio Bacconi, Cesare Fietta, Orazio Dondi, Emilio Predieri, Pio Turroni, Virgilio Fabrucci… en font partie également.

Nino et Cosetta vont souvent à Nice puis s’y installent pour une courte période. Là, ils vont souvent rendre visite à la famille Dondi, à Celso Persici et sa femme Libertaria qui y possède une petite maison, Dino Angeli et sa compagne, Armida. En 1933, à la suite d’un meeting tenu par Mario Baldini sur la situation de l’Union Soviétique, Nino est arrêté une nouvelle fois et condamné à deux mois de prison pour « infraction à un décret d’expulsion ».
À chaque événement politique important, les anarchistes sont arrêtés et Cosetta me racontera des années plus tard, qu’au cours d’un passage au commissariat, elle avait mangé une feuille de papier où étaient inscrits des noms de copains qui pouvaient être recherchés par la police.

Nino retourne à Marseille clandestinement puis s’embarque en 1934 pour Oran (Algérie) où le rejoignent sa compagne et leur première fille Luce, née à Paris en mars de la même année.

En juin 1936, ils reviennent dans la capitale et Nino gagne l’Espagne dans les premiers mois de la guerre où il s’engage comme volontaire. Par l’intermédiaire du comité Pro Spagna dont s’occupait Tintino Rasi, il arrive à Barcelone par le train, via Perpignan. Il intègre la section italienne de la colonne Ascaso qui fait partie du bataillon Giustizia e Libertà créé par Carlo Rosselli, Camillo Berneri et Mario Angeloni. Selon ses biographes, il combat à Almudévar et au Carascal de Apiès sur le front d’Aragon et pour certains même à Monte Pelato.

Bien qu’opposé à la militarisation des milices, il reste encore quelque temps dans le pays. D’après son casier politique et un article du « Diluvio » du 17 avril 1937, il assiste en tant que représentant du bataillon Pi i Margall aux funérailles d’Antonio Cieri, mort sur le front de Huesca et qui avait pris la tête de la section italienne après Giuseppe Bifolchi. Lors des évènements de mai 1937 à Barcelone et des affrontements avec les staliniens, il a très probablement participé à la défense du siège catalan de la CNT-FAI sur l’avenue Durruti (anciennement Layetana). Il quitte l’Espagne en juin, la mort dans l’âme…
Nino rentre en France où Cosetta a mis au monde en mars 1937 leur deuxième fille, Dina. Ils vont alors vivre quelques années de grande misère, Nino ne trouvant pas d’emploi. Comme beaucoup d’étrangers antifascistes, il tombe sous le coup du décret du 12 novembre 1938 qui permettait d’interner les « indésirables étrangers ». Arrêté en 1939, puis emprisonné pendant 6 mois à Fresnes, il accepte, pour être libéré et obtenir un permis de séjour, la proposition d’enrôlement dans la Légion Étrangère, espérant bien pouvoir trouver un subterfuge pour ne pas tenir cet engagement ; ce que la « débâcle » lui permettra d’ailleurs.

Durant l’Occupation, sous le gouvernement de Vichy, les emplois étant réservés aux Français, il accepte, pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, un emploi dans l’entreprise Todd. Celle-ci l’envoie, en camp de travail, dans le cadre du STO [12], à Lublin puis à Cracovie (Pologne). Accusé de sabotage pour n’avoir pas su réparer un moteur de camion, il faillit bien être passé par les armes. Malade et très amaigri, craignant de « ne pas revenir de l’infirmerie » – ce qui s’était déjà produit pour d’autres travailleurs – il décide, lors d’une permission en France, de ne pas repartir.

Durant cette période, comme lorsqu’il était en Espagne, Rita et Elda vont aider autant qu’elles le peuvent Cosetta et ses filles. Comme beaucoup d’étrangers, elles doivent supporter en outre la xénophobie des Français et les invectives qui vont avec, telles que : « sales macaronis qui viennent manger le pain des Français  ». Cosetta se fera souvent traiter avec mépris de « fille- mère » et subira « certaines interventions interdites » sans aucune anesthésie.

À son retour de Pologne en 1942, Nino part avec les siens dans la région d’Arcachon (Gironde) où il travaille au camp d’aviation de Cazaux. Là, il entretient des contacts avec la Résistance à qui il procure le plan de l’aérodrome. Quelque temps après celui-ci sera bombardé par les alliés. Grâce à lui ? Peut-être ? Sans doute ?

Après la Libération, la famille revient à Paris puis dans les années 50, s’installe à Marseille où naîtra, Alba, la dernière des filles Balestri. Nino milite moins activement que par le passé mais continue à aider de nombreux réfugiés espagnols.

Cosetta a perdu l’usage d’un œil en 47, suite à de mauvais soins pendant la guerre. Atteinte de myopie depuis toujours, elle va devenir peu à peu aveugle, et vers la fin de sa vie ne pourra plus se déplacer seule. Nino, quant à lui, sera atteint d’hémiplégie dans les années 80 des suites d’une grave opération. Ces deux êtres véritablement humains, formidables de gentillesse, de générosité, d’intégrité, de joie de vivre… termineront malheureusement leur parcours dans des conditions bien tristes, en maison de retraite, par manque de solidarité au sein de leur lignée… Ils méritaient bien mieux, après toutes les épreuves vécues et surmontées avec toujours beaucoup de force et de courage.
Ils se sont éteints tous les deux à Aubagne (Bouches-du-Rhône), Nino, le 5 juillet 1983, Cosetta, le 22 avril 2005. »

Alba Balestri


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