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Les Gimenologues
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Á l’occasion de la réédition espagnole de
« Durruti dans le labyrinthe. Qui a tué Durruti ? »
De Miguel Amoros, parue chez Virus fin 2014

« Durruti dans le labyrinthe. Qui a tué Durruti ? » [1]

Traduction de l’entretien donné par Miguel Amoros à Cazarabet-El Sueño Igualitario

- Miquel, on a beaucoup écrit sur Durruti : le révolutionnaire, le revendicatif, le premier à faire un pas en avant… Qu’est-ce que ce « nouveau regard », le tien, apporte à cette « figure » de l’anarchisme, des idées libertaires et du mouvement libertaire en Espagne… ?

Mon intention en écrivant « Durruti en el laberinto » [Durruti dans le labyrinthe] était de démythifier le personnage et le situer dans son moment historique. Démonter un mythe idéologique, création « organique » d’un appareil bureaucratique effectif, pour rendre à l’individu réel son identité anarchiste et révolutionnaire, visible dans tous les aspects de sa pratique quotidienne. À cette fin, j’ai reconstruit presque jour après jour ses cinq derniers mois de vie.

- J’avais plusieurs grands-parents qui avaient perdu la guerre et à plusieurs reprises certains d’entre eux m’ont dit : « Ah ! Comment aurait tourné la guerre si Durruti n’avait pas été tué ? » Qu’est-ce que tu en penses ?

Le dénouement de la guerre ne dépendait pas d’une seule personne, aussi charismatique fût-elle. Dans tous les cas, on peut risquer la conjecture que le recul de la révolution n’aurait pas été aussi rapide, que la stratégie de la CNT n’aurait pas été aussi défaillante et que la stalinisation de la République n’aurait pas été si profonde. Pour autant, Durruti vivant, un facteur de défaite comme celui de la démoralisation énorme qui s’est produite après sa mort et à partir de 1937 n’aurait pas pris une telle envergure.

- Et qu’en aurait-il été du processus révolutionnaire… si Durruti n’était pas mort… En quoi aurait-il consisté ?

Il n’y a pas de doute sur le fait qu’on aurait essayé d’acheter Durruti avec une fonction militaire type chef de division ou quelque chose de ce style. Comme pour Mera. Dans tous les cas, le premier pas de la contre-révolution, la militarisation des milices, se serait faite une fois celle-ci réalisée, dans d’autres conditions. La CNT ne se serait pas soumise aux « circonstances » aussi gaiement. D’un autre côté, les attaques de la division de Líster contre les collectivités aragonaises auraient été inconcevables avec Durruti en Catalogne ou en Aragon.

- Les gens, en novembre 36, commencèrent à se demander qui avait tué Durruti et quelques interrogations restent ouvertes… Avec les années passées, y voit-on plus clair ?

Il y eut une conspiration des Soviétiques pour faire sortir Durruti du front d’Aragon et « désactiver » là-bas l’influence anarchiste. Des documents le prouvent. Quant à sa mort, on sait avec certitude que la version officielle de la balle perdue était aussi fausse que la version confidentielle du tir accidentel de son « naranjero ». Durruti a été tué de près, par derrière, probablement par un groupe de miliciens qui fuyaient la bataille. Que cette rencontre fût fortuite ou provoquée, on peut en avoir l’intuition mais pas le démontrer. [2]

- Durruti était-il pour tous, les uns comme les autres, plus un ennemi en tant qu’élément révolutionnaire et partisan d’un soulèvement social qu’un ennemi pour les militaires rebelles… ?

La contre-révolution, avec les communistes à sa tête en Espagne, considéraient Durruti comme un obstacle pour la création d’une armée régulière avec une discipline de caserne, des galons à la pelle, et un sommet hiérarchique hors de contrôle des organisations ouvrières. En plus on avait peur de ses projets de « reconstruction libertaire » au front et à l’arrière-garde, qu’on qualifiait d’expérimentations utopiques et insensées.

- L’important était de faire front à l’abus de pouvoir face à ceux qui avaient toujours eu moins, face à l’ouvrier, au travailleur, à l’agriculteur, au salarié… et faire une société égalitaire… Ce qui était important, c’était la révolution, et avec le soulèvement ce fut le bon moment… Ce n’est pas ça ?

Les responsables de l’organisation confédérale ne l’ont pas vu comme ça, qui dès le début se sont prononcés pour la collaboration dans des organismes hybrides avec d’autres forces politiques et appelèrent instamment les militants à retourner au travail et à ne pas aller plus loin.

- Je pense, pour le peu que j’en ai lu, discuté et dialogué que si des personnes comme Ascaso, Durruti n’étaient pas mortes… le printemps de 1937 à Barcelone (l’écho s’est étendu plus loin) ne se serait pas déroulé comme cela l’a été… Peut-être n’aurait-il même pas eu lieu de la manière dont on l’a « fabriqué » ?

J’insiste sur le fait que les personnes, aussi importantes qu’elles puissent devenir, ne sont que des personnes. Les journées de 37 auraient eu lieu sous une forme ou une autre. Déjà quand Durruti était vivant, un événement similaire s’était produit à Valence à la suite de l’enterrement d’un milicien de la Colonne de Fer. D’un autre côté, des personnes dotées d’un prestige indiscutable comme Federica Montseny et Juan García Oliver ont perdu toute crédibilité avec leur appel au « cessez le feu ! ». Évidemment, avec Ascaso et Durruti parmi les ouvriers derrière les barricades, la défaite de la révolution n’aurait pas été consommée. Leur abandon n’aurait pas impliqué, par exemple, la dissolution des Comités de défense et des Patrouilles de contrôle, l’emprisonnement massif des libertaires et l’écrasement du Conseil d’Aragon.

- On dit souvent, toujours contre les idées anarchistes et libertaires, que ce sont eux qui mirent sur la table : « la révolution ou gagner la guerre »… Mais moi, je le vois plus depuis une autre perspective : pourquoi ne nous demandons-nous pas si ce n’étaient pas ceux qui craignaient les idées anarchistes et le développement de la révolution qui déclenchèrent deux guerres, une qui sabotait la révolution et l’autre qui essayait (comme dans un monologue) de gagner la guerre… Qu’en dis-tu ?

Le soulèvement des masses contre les militaires rebelles chassa l’État et les propriétaires de plusieurs lieux où la révolution gagnait rapidement : terres agricoles, usines, services publics, milices, santé, éducation… Cependant, les structures étatiques restèrent debout et grâce aux organisations libertaires elles purent se reconstituer en peu de mois. Les forces qui souhaitaient le retour à l’ordre d’avant le 19 juillet recoururent à la consigne « la guerre d’abord, la révolution ensuite ». Ceci signifiait, pour un État renforcé de sa propre armée et de sa propre police, récupérer le contrôle et liquider les conquêtes révolutionnaires en premier lieu par la voie de la nationalisation. La première phase du processus se déroula pendant le gouvernement de Largo Caballero : la deuxième pendant la période de Negrín.

- Les colonnes Durruti qui se dirigeaient vers Madrid faisaient-elles si peur ?... (Je te pose la question en pensant aussi bien aux militaires rebelles qu’aux communistes… Parce qu’ils auraient aussi bien pu tenter de consolider le front pour « prendre Saragosse », mais à un moment déterminé, ils s’en vont et se foutent dans le labyrinthe du front de Madrid et de la Cité Universitaire, excuse-moi mais concernant tout ceci j’ai beaucoup de questions en suspens). Que peux-tu nous en dire ?

L’arrivée de Durruti à Madrid fut assez discrète et n’eut pas trop d’écho dans la presse, pas même dans la libertaire. Il n’y a pas eu d’arrivée triomphale ; ceci fut un montage de propagande a posteriori, et relève des disputes médiatiques entre les hiérarchies communistes et confédérales. Durruti est resté bloqué à 35 kilomètres de Saragosse par manque de munitions, d’armement, de formation en artillerie et de couverture aérienne. Moi, j’ajouterais également par manque de combattants (sa colonne ne disposait de guère plus que six mille, soit une cinquantaine de centuries). Le gouvernement n’a pas voulu les lui donner car il ne voulait pas armer « la FAI ». La diplomatie soviétique avait saboté tous les achats parce qu’elle ne voulait pas non plus que les milices anarchistes soient bien armées. Durruti est allé à Madrid parce qu’à l’intérieur de la CNT on l’avait convaincu qu’une intervention remarquée là-bas lui fournirait les armes qui faisaient défaut en Aragon. Mais il est parti avec seulement mille deux cents hommes (plus trois cents recrutés par Estat Català) et aucune des autres colonnes catalanes présentes qui lui avaient été assignées n’a voulu combattre sous ses ordres. Le résultat fut qu’avec des forces réduites, fatiguées par le voyage et inaccoutumées au combat sous le feu aérien et de l’artillerie, il dut colmater avec courage une brèche dangereuse sur un front tenu par cinquante mille miliciens et soldats. Ce ne fut pas une mission pour se faire valoir, mais bien plus une mission suicide. Ceux qui avaient tiré les ficelles pour l’envoyer là-bas ne pouvaient pas l’ignorer.

- Quelle empreinte profonde le stalinisme et ses hommes ont-ils laissée dans cette Espagne de la Guerre Civile ?

Dès septembre 1936 le stalinisme s’investit à fond dans la République espagnole. Les armes qu’il fournit lui permirent de diriger les opérations de guerre, de contrôler les services secrets, de faire la promotion du Parti communiste, de poursuivre les dissidents et d’en finir avec la suprématie anarcho-syndicaliste. La révolution espagnole fut sacrifiée et les révolutionnaires persécutés et assassinés parce que la politique extérieure soviétique d’alliance avec les démocraties bourgeoises réclamait en Espagne l’existence d’une République autoritaire et bourgeoise. Le stalinisme a laissé derrière lui une empreinte autoritaire, de la perfidie, du double jeu, des mensonges, de la manipulation et des crimes, en définitive du totalitarisme. Les partis communistes héritèrent de leurs méthodes et, dans la mesure de leurs possibilités, les appliquèrent.

- Y a-t-il eu trahison, directe et indirecte, dans l’assassinat de Durruti ? Le gouvernement et les manœuvres de Staline et de ses hommes étaient-ils derrière… ?

On peut affirmer catégoriquement que les agents de Staline conspirèrent pour écarter Durruti du Front d’Aragon. Le chef du gouvernement se prêta à cela de manière consciente ou inconsciente. Certains ministres également. Le Comité national de la CNT et le Comité péninsulaire de la FAI s’y employèrent chacun, à des fins politiques, peut-on supposer.

- Les désaccords qu’il y a eu à l’intérieur de la CNT lorsque certains prirent position pour faire partie du gouvernement, dans ce que l’on pourrait qualifier de « bureaucratisation » de la CNT, et que d’autres y étaient très opposés… Les épisodes de désaccord furent amers, il y eut ce que l’on pourrait considérer comme des « gros mots »… Cela a pu avoir une influence sur sa mort… On ne peut pas cesser de penser à ce que tu nous rappelles dans le livre : que Mariano Rodríguez Vázquez, Marianet, alors secrétaire général de la CNT, « avait réuni tous les témoins et les avait enjoints de garder le silence », et tu conclus « que Durruti fut tué par ses camarades ; ils l’ont tué en corrompant ses idées ».

Durruti ne s’est pas prononcé publiquement sur l’entrée de la CNT dans le gouvernement républicain, comme il ne l’a pas fait sur l’entrée dans le gouvernement catalan. Il le fit cependant contre le sale jeu de l’arrière-garde (cf. son célèbre discours radiophonique du 5 novembre). Sa mort fut d’une certaine manière profitable au développement de la bureaucratie anarchiste. D’entrée, elle servit pour que la direction de la CNT se prononce sans ambages en faveur de la militarisation des colonnes libertaires ; ensuite pour lui faire tenir des propos qui incitaient à renoncer à la révolution et aux principes libertaires au profit de la guerre. La CNT-FAI se bureaucratisa au fur et à mesure qu’elle s’intégrait dans les institutions étatiques, que la guerre devenait plus problématique, et que le prolétariat espagnol restait isolé, se voyant contrainte à un changement brusque d’orientation et à un rapprochement avec les communistes. La guerre de classes fut enterrée au profit d’une guerre d’indépendance. Les miliciens cessèrent de lutter pour leurs intérêts de classe pour le faire en défense de la « nation ». Leurs ennemis n’étaient plus les bourgeois, les curés et les militaires, mais les « envahisseurs étrangers ». Le verbiage mystificateur des dirigeants libertaires transforma Durruti en un héros prolétaire, en un caudillo national, un mythe populaire, et un militaire xénophobe. Ce fut là qu’ils le tuèrent pour la seconde fois.

Sussanna Anglès Querol, 26 mars 2015. (Traduction réalisée par les Giménologues).

On trouvera en annexes des extraits de correspondances entre Abad de Santillán et Martínez Bande ; et entre Antonio Ortiz et Antonio Téllez, choisies par Miguel

Anexo


Les giménologues, 23 octobre 2015


Version espagnole de l’entretien :

Cazarabet-El Sueño Igualitario conversa con Miguel Amoros

 Miquel, se ha escrito mucho sobre Durruti : el revolucionario, el reivindicativo, el primero en dar un paso adelante….¿qué aporta esta “nueva mirada” tuya sobre esta “figura” del anarquismo, de las ideas libertarias y del movimiento libertario en España….?

Mi propósito al escribir Durruti en el Laberinto fue desmitificar al personaje y situarlo en su momento histórico. Desmontar a un mito ideológico, creación “orgánica” de un aparato burocrático concreto, para devolver al individuo real su identidad anarquista y revolucionaria, visible en todos los aspectos de su práctica cotidiana. Con este fin recompuse casi día a día sus últimos cinco meses de vida.

 Tenía varios antepasados que perdieron la guerra y más de uno de ellos me dijo en alguna ocasión :”….¡Ay ! , ¿Qué hubiese sido de la guerra si no hubiesen matado a Durruti ?.... ¿Tú qué dices ?

El desenlace de la guerra no dependía de ninguna persona por carismática que ésta fuese. En todo caso, cabe conjeturar que el retroceso de la revolución no hubiese sido tan rápido, que la estrategia de la CNT no hubiese sido tan claudicante y que la estalinización de la República no hubiese sido tan profunda. Por lo tanto, con Durruti vivo, un factor de derrota como la desmoralización enorme que se produjo en las masas tras su muerte y a partir de 1937 no se hubiera dado con tanta magnitud.

 ¿Y del proceso revolucionario qué hubiese sido…si Durruti no hubiese muerto….en qué se hubiese sustanciado ?

No cabe duda que a Durruti lo hubiesen tratado de comprar con un cargo militar tipo jefe de división o algo por el estilo. Como a Mera. En todo caso el primer paso de la contrarrevolución, la militarización de las milicias, de haberse producido, hubiera sido en otras condiciones. La CNT no se hubiera plegado a las “circunstancias” tan alegremente. Por otro lado, los ataques de la división de Líster a las colectividades aragonesas hubiera sido inconcebible con Durruti en Cataluña o Aragón.

 La gente en aquel noviembre del 36 empezó a preguntarse quién mató a Durruti y algunos interrogantes siguen abiertos….pasados los años : ¿queda algo más en claro ?

Hubo una conspiración por parte de los soviéticos para sacar a Durruti del Frente de Aragón y “desactivar” allí la influencia anarquista. Eso está probado documentalmente. En cuanto a su muerte, se sabe a ciencia cierta que la versión oficial de la bala perdida era tan falsa como la versión de puertas adentro del disparo accidental de su “naranjero.” A Durruti lo mataron de cerca, por la espalda, presumiblemente un grupo de milicianos que huía de la batalla. Que ese encuentro fuera fortuito o provocado es algo que podemos intuir, pero no demostrar.

 ¿Durruti era para todos, unos y otros, más enemigo como elemento revolucionario y partidario de alzarse entre lo social que enemigo para los militares rebeldes… ?

La contrarrevolución, que en España encabezaron los comunistas, consideraba a Durruti un obstáculo para la creación de un ejército regular con disciplina cuartelera, galones a porrillo y una cúpula fuera del control de las organizaciones obreras ; además, temía sus proyectos de “reconstrucción libertaria” en la retaguardia y el frente, que tildaba de experimentos utópicos e insensatos.

 Lo importante era hacer frente al abuso del poder frente a los que siempre habían tenido menos , frente al obrero, al trabajador, al agricultor, al asalariado…y hacer una sociedad igualitaria…lo importante era la revolución y con el alzamiento se vio un buen momento…¿no es así ?

No lo vieron así los cargos responsables de la organización confederal, que desde el primer momento se pronunciaron por la colaboración en organismos híbridos con otras fuerzas políticas y llamaron insistentemente a la militancia a volver al trabajo y no ir más lejos.

 Me da, por lo poco que he podido ir leyendo, conversando y dialogando que si no hubiesen muerto personas como Ascaso, Durruti… la primavera del 37 en Barcelona (el eco se extendió más allá) no hubiese acontecido como aconteció… quizás no hubiese ni tenido lugar tal como “se fabricó”…

Insisto en que las personas, por importantes que puedan llegar a ser, son sólo personas. Las jornadas del 37 se hubieran producido de una forma u otra. Ya en vida de Durruti se produjo un acontecimiento semejante en Valencia a raíz del entierro de un miliciano de la Columna de Hierro. Por otro lado, personas de un prestigio fuera de discusión como Federica Montseny y Juan García Oliver, perdieron toda su credibilidad con su llamada al ¡Alto al fuego ! Por supuesto que con Ascaso y Durruti entre los obreros de las barricadas la derrota de la revolución no se hubiera consumado. El abandono de aquellas no hubiera implicado, por ejemplo, la disolución de los Comités de Defensa y de las Patrullas de Control, el encarcelamiento masivo de libertarios y el aplastamiento del Consejo de Aragón.

 Se habla mucho, siempre contra las ideas anarquistas y libertarias, que fueron ellos los que pusieron sobre la mesa : revolución o ganar la guerra… pero yo lo miro más desde otra perspectiva : ¿por qué no nos preguntamos si no fueron otros los que temían a las ideas anarquistas, al desarrollo de la revolución y pusieron en marcha como dos guerras una que se iba cargando a la revolución y otra que intentaba ganar (como en un monólogo) la guerra… qué me puedes decir ?

La intervención de las masas contra los militares alzados desplazó al Estado y a los propietarios de muchos espacios donde la revolución prendió con rapidez : tierras de cultivo, fábricas, orden público, milicias, sanidad, enseñanza... Sin embargo, las estructuras estatales quedaron en pie y gracias a la colaboración de las organizaciones libertarias pudieron recomponerse en pocos meses. Las fuerzas que deseaban la vuelta al orden de antes del 19 de julio emplearon la consigna de “primero la guerra y después la revolución”. Eso significaba recuperar el control por parte de un Estado fortalecido con un ejército y una policía propios, y liquidar las conquistas revolucionarias primero por la vía de la nacionalización. La primera fase del proceso transcurrió durante el gobierno de Largo Caballero ; la segunda, durante el periodo de Negrín.

 ¿Tanto intimidaron las columnas de Durruti que se iban dirigiendo a Madrid… ? (te hago la pregunta mirando tanto a los militares alzados como a los comunistas….) (Porque se hubiesen podido quedar a intentar hacer más frente para “tomar” Zaragoza, pero en un momento determinado , van y se meten en el laberinto del Frente de Madrid y de la Ciudad Universitaria, perdona pero en torno a todo esto yo tengo muchos cabos sueltos) ¿Qué nos puedes comentar ?

La llegada de Durruti a Madrid fue bastante discreta y no repercutió demasiado en la prensa, ni siquiera la libertaria. No hubo llegada triunfal ; eso fue un montaje propagandístico a posteriori, y cae dentro de las disputas mediáticas entre las jerarquías comunistas y las confederales. Durruti quedo varado a 35 km de Zaragoza por falta de munición, armamento, preparación artillera y cobertura aérea. Yo añadiría que también por falta de combatientes (su columna no disponía de muchos más de seis mil, cincuenta y pico centurias). El gobierno no se las quiso dar porque no quería armar “a la FAI”. La diplomacia soviética había saboteado todas las compras porque tampoco quería que las milicias anarquistas anduviesen bien armadas. Durruti fue a Madrid porque le convencieron en la CNT de que una buena actuación allí le proporcionaría las armas que hacían falta en Aragón. Pero fue con sólo mil doscientos hombres (más trescientos reclutados por Estat Català) y ninguna de las demás columnas catalanas presentes que le habían sido asignadas quiso combatir a sus órdenes. El resultado fue que con fuerzas exiguas, cansadas por el viaje y no acostumbradas a combatir bajo fuego aéreo y artillero, tuvo que taponar a base de coraje una brecha peligrosa en un frente cubierto con veinticinco mil milicianos y soldados. No fue una misión para lucirse, más bien era una misión suicida. Quienes movieron los hilos para enviarle allí bien que lo sabían.

 ¿Qué huella profunda dejó el Stalinismo y sus hombres en aquella España de la Guerra Civil ?

Desde septiembre de 1936 el estalinismo se empleó a fondo en la República española. Las armas que aportó le permitieron dirigir las operaciones bélicas, controlar los servicios secretos, promocionar al Partido Comunista, perseguir a los disidentes y acabar con el dominio anarcosindicalista. La revolución española fue sacrificada y los revolucionarios perseguidos y asesinados porque la política exterior soviética de alianzas con las democracias burguesas requería la existencia en España de una República autoritaria y burguesa. El estalinismo dejó tras de sí una huella de autoritarismo, perfidia, doble juego, falsedad, manipulación y crimen, en definitiva, de totalitarismo. Los partidos comunistas heredaron sus métodos y en la medida de sus posibilidades los aplicaron.

 ¿Hubo traición, directa e indirecta, en el asesinato de Durruti ? ¿Estaba detrás el gobierno y las actitudes de Stalin y de sus hombres aquí… ?

Se puede afirmar con rotundidad que los agentes de Stalin conspiraron para apartar a Durruti del Frente de Aragón. El jefe del gobierno se prestó consciente o inconscientemente en ella. También algunos ministros. El Comité Nacional de la CNT y el Comité Peninsular de la FAI se esforzaron lo suyo, cabe suponer que con fines políticos.

 Los desacuerdos que hubo dentro de la CNT cuando unos se posicionaron para formar parte del gobierno en lo que podríamos reconocer como “burocratización” de la CNT y otros estuvieron muy en contra…los episodios de desacuerdo fueron agrios, hubo lo que podríamos considerar como “ palabras mayores”….pudo influir en su muerte….no podemos dejar de pensar en lo que nos recuerdas en el libro :”que Mariano Rodríguez Vázquez, Marianet, el entonces secretario general de la CNT, “reunió a todos los testigos y les conminó a guardar silencio” y concluyes que “ a Durruti le mataron sus compañeros ; le mataron al corromper sus ideas”.

Durruti no se pronunció públicamente sobre la entrada de la CNT en el gobierno republicano, como tampoco lo había hecho sobre la entrada en el gobierno catalán. Sí lo hizo contra el juego sucio de la retaguardia (cf. su famoso discurso radiofónico del 5 de noviembre). Su muerte fue de algún modo beneficiosa para el desarrollo de la burocracia anarquista. De entrada sirvió para que la dirección de la CNT se pronunciara sin ambages a favor de la militarización de las columnas libertarias ; después, para poner en su boca palabras que incitaban a renunciar a la revolución y a los principios libertarios en pro de la guerra. La CNT-FAI se burocratizó a medida que se integraba en las instituciones estatales, que la guerra se volvía más problemática y que el proletariado español quedaba aislado, viéndose obligada a un cambio brusco de orientación y a un acercamiento con los comunistas. La guerra de clases fue enterrada en provecho de una guerra de la independencia. Los milicianos dejaron de luchar por sus intereses de clase para hacerlo en defensa de “la nación”. Sus enemigos dejaron de ser los burgueses, los curas y los militares, para ser los “invasores extranjeros.” La verborrea mistificadora de los dirigentes libertarios convertíarían a Durruti, al héroe proletario, en un caudillo nacional, un mito de la raza y un militarista xenófobo. Ahí fue cuando lo mataron por segunda vez.

Sussanna Anglès Querol, 26 de marzo de 2015.