La domestication de la révolution : du viol des principes doctrinaux à la patrimonialisation de l’identité anarchiste en passant par l’intégration
Article de François GODICHEAU dans REGARDS N°9. Première partie.
Après la mise sur notre site des notes de lecture sur les « Fils de la nuit » rédigés par Joël Delhom, les Giménologues ont le plaisir de faire connaître un article également publié par le Centre de recherches Ibériques et Ibéro-Américaines (CRIIA) dans le cadre du N°9 de la collection Regards
Ce numéro de la revue est consacré à :
« De l’anarchisme aux courants alternatifs XIX-XXI siècles »
ed. Marie-Claude Chaput,
Publidix
Université de Paris X. Nanterre
2006
« Résultat d’un travail collectif, cet ouvrage comprend 24 articles dont certains ont été présentés lors des Journées d’études organisées en 2004 à l’Université Paris X Nanterre (...). Les axes retenus proposent un premier bilan de l’anarchisme : son histoire, son projet éducatif et culturel, ses représentations et sa mémoire. (...). Ces recherches se sont poursuivies à Cadix à l’automne 2007 dans le cadre du Séminaire annuel organisé par le Grupo de Historia Actual, grâce à la collaboration du professeur Julio Pérez Serrano de l’Université de Cadix.
François Godicheau
« La domestication de la révolution : du viol des principes doctrinaux à la patrimonialisation de l’identité anarchiste en passant par l’intégration
de la CNT à l’État républicain (1936-1939) ».
Si l’on cherche à savoir ce qu’est devenu le mouvement libertaire pendant la guerre civile espagnole, on rencontre immédiatement une difficulté majeure, celle de la définition de l’objet « mouvement libertaire », qui peut être source d’incompréhensions profondes et d’infinies polémiques. Sans prétendre me livrer dans cet article à cet exercice de définition, je partirai de la manière dont à mon sens s’articulent les différentes caractéristiques du mouvement libertaire, de manière à mieux comprendre les différents types de transformations qu’il subit pendant la guerre civile.
En son centre, on trouve la CNT, institution à laquelle sont greffés d’autres groupements comme la FAI, les Cadres de Défense confédéraux, les Jeunesses Libertaires, les Mujeres Libres, sans oublier les journaux, les institutions culturelles comme les athénées, etc. La spécificité de cet ensemble reposait à mon sens plus sur la mise au service de l’objectif révolutionnaire d’un certain nombre de principes de fonctionnements et de principes doctrinaux, que sur la référence à l’anarchisme ou à l’anarchosyndicalisme considérés du point de vue théorique.
L’évolution idéologique spectaculaire de la CNT pendant la guerre civile et la place des questions doctrinales dans le mouvement libertaire
D’une part, la CNT ne s’appuyait pas sur une théorie, mais sur un ensemble d’éléments doctrinaux et de principes dont l’antiétatisme et l’apolitisme. Les sensibilités que l’on peut distinguer en son sein - collectivisme, anarcho-communisme, syndicalisme révolutionnaire - n’étaient pas non plus des courants structurés autour de théories concurrentes. Chercher à les délimiter conduit souvent à reconstituer des groupes et des réseaux de connaissances marqués par des pratiques et une histoire communes. D’autre part, la CNT se caractérisait par un ensemble de pratiques institutionnelles - fonctionnement interne des syndicats, des congrès, éventail de l’action directe, activités de solidarités et activités d’auto-éducation - nourries de ces mêmes principes, au centre desquels « l’anti-autoritarisme » et le pacte confédéral, pratiques liées à sa position dans la société : elle était en effet une organisation de la classe ouvrière et du prolétariat urbain et rural, qu’elle participait à constituer en classe et en classe révolutionnaire
L’objectif révolutionnaire, plus encore peut-être que l’anti-autoritarisme, était ce qui faisait la spécificité et fondait la CNT : l’accusation de réformisme portée contre les « trentistes » fut beaucoup plus grave et plus efficace que celle d’autoritarisme portée contre García Oliver dans les années vingt ou contre les « Amis de Durruti » en mai 1937. Il est à noter à ce propos que le refus de nombreux syndicats d’expulser les membres de ce regroupement face à l’exigence de la Confédération Régionale du Travail catalane, se justifiait, selon eux, par leurs qualités de « vrais révolutionnaires », mêmes s’ils étaient « un peu autoritaires ». Les principes d’organisation étaient au service de cet objectif révolutionnaire et les principes doctrinaux comme l’anti-étatisme ou l’apolitisme en découlaient : l’intervention de l’État dans les conflits du travail ainsi que la politique parlementaire et les partis eux mêmes étaient considérés comme des pièges visant à étouffer la révolution. Ces principes d’organisation et doctrinaux fonctionnaient en retour comme autant de signes distinctifs doctrinaux autant que culturels, qui tout comme le sigle CNT semblaient garantir le caractère révolutionnaire de l’organisation commune. Au-delà, une grande souplesse pouvait régner, tant sur les formes ou les caractéristiques concrètes de la révolution à venir que sur la société nouvelle à construire, ce qui autorisait des courants assez disparates. Plus que d’avancer dans un débat théorique contradictoire, qui se réduisait en réalité à la contre-position de doctrines, il était important que l’action quotidienne de la CNT fût imprégnée et tendit vers la libération de l’exploitation, vers l’émancipation des travailleurs. On peut juger relativement stérile cette confrontation doctrinale ou par exemple les résultats du congrès de Saragosse en mai 1936, au regard des défis qui attendaient la Confédération, mais il faut souligner avec César Lorenzo, l’importance pour les militants et les adhérents de cette peinture de l’avenir et de ces discussions interminables sur la société future : leur participation à l’auto-formation des militants, la diffusion large des idées, images et modèles de gestion ouvrière et de socialisme libre eurent sans conteste une influence sur l’enthousiasme révolutionnaire des premiers temps de la guerre civile et les réalisations dans lequel il s’incarna.[1]
Mais le passage d’une position de défense des intérêts prolétariens orientée vers la révolution à une position de pouvoir liée au mouvement révolutionnaire lui-même et à la guerre civile qui l’accompagna bouleversa le mouvement libertaire selon plusieurs modes et en plusieurs étapes. Ces changements ont été commentés traditionnellement et continuent à l’être, sur deux modes opposés, avec diverses variantes en fonction des prises de partis : à un pôle on trouve l’analyse de Miquel Amorós qui insiste sur la responsabilité des dirigeants de la CNT et de la FAI et parle de la trahison de la révolution, entamée dès l’entrée au gouvernement de la Généralité en septembre 1936.[2] Cette trahison s’en ensuite aggravée selon lui, notamment, lors de la militarisation des milices, lors des événements de mai 1937 à Barcelone, par l’attitude vis à vis des « Amis de Durruti » et enfin par l’unité avec l’UGT en mars 1938 et l’entrée consécutive dans le Front populaire et dans le deuxième gouvernement Negrín. A l’autre pôle, on trouve le récit de César Lorenzo, pour lequel, la situation révolutionnaire ayant élevé les militants de la CNT à des positions de pouvoir, l’entrée dans le gouvernement était logique et nécessaire et les adaptations idéologiques contenues entre autres dans les diverses propositions d’Horacio Prieto ou dans le pacte CNT-UGT de mars 1938 ne furent que prises en compte jamais assez franches ni assez rapides de la nouvelle réalité.[3] Dans ce cas, les responsables du fiasco furent ceux qui résistèrent à ce processus « nécessaire » et « logique » et retardèrent en particulier de plusieurs mois l’entrée de la CNT au gouvernement, ce même que ceux qui, par la suite, au nom de ce qu’il qualifie « d’intégrisme » ou de « bigoterie » anarchiste s’opposèrent au « réalisme » du CN de la CNT.
Sans nier les responsabilités individuelles de tel ou tel dirigeant, il me semble nécessaire de ne pas tomber dans une interprétation systématiquement intentionnelle et morale des actes des uns et des autres : la logique suivie par les dirigeants comme García Oliver, Horacio Prieto ou Mariano Vázquez quand ils justifiaient leurs actes, partait de la préservation de l’organisation, considérée comme un point de départ indispensable pour l’émancipation sociale. Cependant, ils ne firent pas que dérouler les conséquences logiques d’une situation de départ, grâce à un surplus de clairvoyance. Entre leurs justifications et les transformations de la CNT, il y a la place pour une analyse relativement détaillée de celles-ci qui montre à quel point le « mouvement libertaire » s’aliéna, ne subsistant à la fin qu’un patrimoine identitaire et des principes certes piétinés, mais qu’un des clans dirigeants se chargea d’entretenir et de figer après 1939.
Les étapes de l’évolution idéologique sont relativement connus, et je me contenterai de les rappeler pour insister ensuite sur les transformations organisationnelles et les conséquences destructrices de l’ensemble pour le « mouvement libertaire ». Faut-il parler d’évolution idéologique, d’adaptation tactique ou de viol des principes ?
Le premier pas fut l’entrée au gouvernement de la Généralité, en septembre 1936, après avoir pris la décision de dissoudre le Comité central des milices antifascistes de Catalogne, qui ressemblait déjà fort à un gouvernement. Puis, ce fut l’entrée au gouvernement de la République. La discussion fut longue. Dès le 29 juillet, le CN discuta de la proposition de former, avec les autres organisations, un Conseil National de Défense à la manière du Comité central des milices constitué en Catalogne huit jours avant, et où les libertaires occupaient les postes les plus importants.[4] Mais il faut pas exagérer la répugnance des dirigeants à violer les principes libertaires car à aucun moment ils ne fermèrent la porte complètement à la collaboration gouvernementale. Il ne s’agissait pas non plus de trouver un moyen de ne pas choquer les militants. Dès la fin juillet, il semble que l’opinion de la majorité des cénétistes catalans ait été de prendre le pouvoir ; lors d’une assemblée le 26 juillet, cette option fut temporairement repoussée à condition que les délégués du CR posent la question au CN du 29, de l’implantation du communisme libertaire une fois vaincu le soulèvement. Ces mêmes délégués avouèrent d’ailleurs lors de cette réunion qu’en cas de prise de Saragosse par les milices catalanes, il n’y aurait plus moyen d’arrêter le gros de l’organisation.[5]
Les atermoiements de la direction cénétiste entre la fin juillet et le mois de novembre 1936 et les diverses propositions intermédiaires montrent qu’il s’agissait de trouver une « formule » pour ne pas avoir l’air de violer ouvertement les principes. C’est ainsi que l’on tenta de maquiller le changement en appelant le gouvernement catalan où quatre ministres CNT entrèrent en septembre 1936, « Conseil de la Généralité », ce qui était du reste sa dénomination officielle. Mais très vite, la réalité s’imposa jusque dans les journaux confédéraux : au bout de deux jours, on parla de « gouvernement ». Lors de l’entrée dans le gouvernement Largo Caballero en novembre, il fut impossible de prétendre qu’il ne s’agissait pas d’un gouvernement ni de l’État. Mais auparavant, plusieurs propositions de la direction de la CNT ou de certaines directions régionales avaient été faites, par exemple l’idée de commissions mixtes syndicales adjointes aux ministères, ce qui témoigne de la difficulté à participer au pouvoir sans renoncer à l’identité de l’organisation.
Mais bien que les questions de principes fussent rendues caduques par la réalité (le pouvoir aux mains de la CNT) c’est des principes que vint l’embarras. Les difficultés de la CNT surgissaient de l’absence de préparation à la prise du pouvoir, d’un plan concret, absence elle-même liée au caractère très abstrait des discussions du congrès de Saragosse et au principe anti-politique et anti-étatique. Pourtant, lors du débat sur l’entrée au gouvernement, la discussion fut amenée sur la question des principes par ceux des dirigeants qui avaient trouvé dans la profession de gardiens de la doctrine une source de prestige importante, comme Diego Abad de Santillan ou Federica Montseny.
En cela, ils ne faisaient que suivre la logique qui sous-tendait l’existence de la FAI. Celle-ci, rappelle fort justement César Lorenzo, était jusqu’en 1934 « un épouvantail sans consistance, un cri de ralliement ou, si l’on préfère, l’énorme bluff d’une multitude de réseaux indépendants d’anarchosyndicalistes opposés au « réformisme », au « révisionnisme » et aux infiltrations des militants des partis politiques ».[6] Alors qu’au départ, « émanation de la militancia de la CNT », elle veillait « au respect de l’apolitisme révolutionnaire », elle eut tendance à partir de 1934, sous l’influence d’Abad de Santillan, à acquérir une véritable existence autonome. Mais sa fonction comme émanation d’une CNT luttant pour l’émancipation ouvrière, évolua sensiblement une fois la CNT en situation de pouvoir : alors même que la révolution commençante mettait à mal les principes doctrinaux, puis au fur et à mesure que la CNT et la FAI elle-même s’intégraient au Front populaire, s’éloignaient de la révolution, et reproduisaient la politique de leurs partenaires et adversaires, la doctrine se transforma en patrimoine d’autant plus précieux qu’il était malmené et la fonction de la FAI devint, pour certains de ses dirigeants, de le préserver et de le défendre.
Cette évolution fut d’abord et surtout le fait des dirigeants de la FAI catalane, contre les militants anarchistes eux mêmes, on a le voir ; et elle s’explique en partie aussi par la « lutte de clans » qu’ils menaient avec d’autres groupes pour la direction du mouvement libertaire. Leur invocation des principes de l’anarchisme, que ce soit pour s’excuser de transiger avec eux ou ensuite, à partir de 1938, pour accuser leurs adversaires de les violer, posait néanmoins une question identitaire essentielle : qu’était-ce donc qu’un « mouvement libertaire » qui assumait un pouvoir révolutionnaire ou qui gouvernait aux côtés d’autres formations ouvrières et républicaines, repoussant la révolution aux calendes grecques : un parti socialiste rouge et noir ? La « mauvaise conscience » libertaire dans les tâches de gouvernement, l’invocation incessante du caractère exceptionnel de la situation et des choix effectués, permettaient de rappeler en permanence l’identité distincte de la CNT, même si dans les faits, sa ligne directrice l’assimilait de plus en plus à ses adversaires « marxistes ».
L’évolution idéologique du mouvement libertaire s’effectua donc de manière complexe : face à ceux qui se positionnaient habilement comme les gardiens de la doctrine, et qui devinrent ensuite en exil, les « puristes », d’autres comme Horacio Prieto ou encore Mariano Vázquez, faisaient le choix inverse d’être conséquents avec les premières remises en cause pragmatiques des principes, et accélérèrent l’adaptation programmatique de la CNT.
Le projet présenté par Horacio Prieto à un Plénum du mouvement libertaire en septembre 1937 allait très loin. La première proposition, la fusion avec l’UGT, mettait fin à la spécificité libertaire de la CNT qui était conçue comme la garantie de son caractère révolutionnaire. Le deuxième, la construction d’une « République socialiste démocratique et fédérale » issue d’une consultation électorale où les libertaires interviendraient, pour reprendre les mots de César Lorenzo,[7] remplaçait l’objectif indéterminé de révolution par une formule proche de l’idée « d’État ouvrier », où seul l’adjectif fédéral renvoyait vaguement à des valeurs partagées par les libertaires. La troisième proposition, « reconnaissance des acquis de la Révolution », conjuguée à la cinquième, « élaboration d’un système économique pluraliste conciliant divers intérêts et points de vue idéologique de l’antifascisme », avec un secteur nationalisé, un autre collectivisé et un autre privé, transformait la révolution en acquis ouvriers à défendre dans le cadre d’une économie dont les fondements restaient capitalistes, adoptant au moins le gradualisme, sinon la philosophie du programme minimum et du programme maximum.
César Lorenzo conclut fort justement que « les anarchistes ne l’étaient plus vraiment », et illustre ensuite les progrès de cette remise en question idéologique en exposant les termes du plénum économique de janvier 1938 et du pacte CNT-UGT de mars. Dans le texte présenté pour ce pacte, la spécificité de la CNT était encore visible dans l’importance donnée au syndicat dans le cadre de la future organisation nationale de l’économie, mais cela ne faisait que tirer le schéma vers l’État syndical, l’essentiel restant, pour l’UGT, que la CNT convienne de la prééminence de l’État, responsable de la sanction légale des acquis, et au gouvernement duquel devaient siéger des syndicalistes choisis lors d’élections populaires. La CNT ne présentait dès lors plus un profil si différent d’une UGT qui concevait son rôle comme celui d’une organisation subsidiaire du gouvernement de Front populaire. Cette adaptation n’était pas une manœuvre tactique dans le cadre d’une stratégie révolutionnaire, c’était la conséquence de l’idée que la révolution était advenue, et que sa réalité, non conforme aux projections idéalistes du congrès de Saragosse, obligeait la CNT à dépasser ses vieux principes et à en gérer les réalisations, pour les protéger de partenaires fourbes et menaçants.
La distance idéologique entre cette opinion et celle des « puristes » de la FAI était donc immense, et l’une et l’autre étaient finalement fort peu partagées au sein de la militancia. Pourtant, en dépit de ce caractère minoritaire, la transformation de la CNT eu lieu : les uns et les autres, tout comme ceux qui, à l’image de García Oliver, ne systématisaient pas leur position et empruntaient alternativement aux deux attitudes, participèrent à l’intégration du « mouvement libertaire » au nouvel État républicain en guerre et à sa transformation en instrument de domestication de la révolution et de mobilisation pour l’union nationale. Les adaptations idéologiques, et même le tournant « puriste » des « bigots » comme Abad de Santillán ou Federica Montseny ne furent que les expressions criardes d’une évolution de fond qui toucha les règles de fonctionnement des organisations libertaires et aboutit à transformer la CNT, d’organisation révolutionnaire du monde ouvrier, en rouage d’un État d’Union nationale en guerre. En effet, l’adaptation idéologique au sommet de l’organisation n’englobait ni ne convainquait la majorité des militants, qui ne s’impliquèrent massivement dans cette transformation de l’organisation que grâce à une véritable mise en discipline, laquelle répondait à la militarisation de la politique dans le camp républicain. En outre, l’accent mis au début de la guerre sur les questions de principes doctrinaux et le sentiment de perte d’identité politique par l’abandon des objectifs traditionnels biaisèrent considérablement le débat entre les dirigeants et les militants qui protestaient contre cette évolution, en orientant stérilement leur discours vers un retour illusoire à « la personnalité anarchiste du mouvement » -ce fut le cas pour José Peirats et ses amis des JJLL catalans. Le débat ainsi faussé et le sentiment d’aliénation allant croissant avec le temps et l’intégration pratique dans l’Union nationale, les conditions étaient réunies pour la future victoire des « puristes », c’est à dire la réduction du mouvement libertaire aux principes devenus « sacrés » de l’anti-étatisme et de l’apolitisme, à l’appropriation par certains dirigeants de la FAI, ministres, devenus puristes, d’un patrimoine identitaire dont l’importance stratégique crût encore après 1939.
Étapes et formes de la transformation organisationnelle du mouvement libertaire
La participation au gouvernement fut plus qu’une conséquence de la position éminente acquise par la CNT du fait de l’échec du coup d’État de juillet 1936, elle fut aussi la cause d’un clivage croissant entre un sommet de l’organisation s’adaptant au pouvoir, à ses « responsabilités » et à son exercice, et de très nombreux militants engagés dans les organes de pouvoir révolutionnaires comme les comités, ou dans la transformation de l’économie, que ce soit dans les conseils, les collectivités ou les syndicats.
Les directions de la CNT et de la FAI participant aux gouvernements se rendaient parfaitement compte que leurs organisations n’étaient pas de celles qu’on dirige et qui obéissent. Les traditions d’autonomie et de fédéralisme, la relative « horizontalité » du mouvement libertaire, régi par des réflexes de solidarité plus que par l’obéissance à des consignes générales posèrent de gros problèmes quand il s’agit de faire appliquer les résolutions du gouvernement catalan ou du gouvernement républicain sur la militarisation des milices ou la réorganisation municipale. Pendant les mois d’octobre 1936 à avril-mai 1937, la pression pour la militarisation sur le front et la dissolution des comités à l’arrière se heurta à une résistance forcenée qui ne fut vaincue que grâce à un chantage mené par les gouvernements avec toutes leurs composantes, au premier rang desquelles la CNT. L’État monnaya la discipline politique par la distribution ou la rétention des armes à destination des milices ou des subvention pour les municipalités.[8] Une bonne partie de la colère de la majorité des militants anarchistes, qui s’exprima dans les discussion et le vote du Plénum de février 1937 à Barcelone et dans le succès rencontré par le groupe des « Amis de Durruti » venait de ce constat : la violation des principes anti-étatiques se trouvait mise au service d’une politique qu’ils jugeaient contre-révolutionnaire.[9] La encore, cette prise de conscience se fit de manière sensiblement différente selon la capacité d’observation et d’élaboration des uns et des autres, mais elle était très nette chez le journaliste Jaime Balius, qui la diffusait autour de lui, et chez l’Italien Camilo Berneri. Elle était d’autant plus importante chez ce dernier qu’il avait été partisan de l’entrée au gouvernement.[10]
Dans ce contexte de contestation croissante de la ligne et de l’autorité dirigeante de la CNT et de la FAI, les journées de mai à Barcelone virent des responsables comme García Oliver faire usage de tout ce qui leur restait de crédit pour se faire obéir des militants qu’ils n’avaient pas su discipliner. Mais la répression qui suivit ces événements et l’attitude pour le moins dilatoire, sinon parfois complice, de la direction face à son devoir de défense concrète et politique des militants - selon le pacte fédéral[11] - rendit encore plus urgente qu’avant mai la réorganisation du mouvement libertaire. Du point de vue de l’État, très bien exprimé par le cominternien Togliatti dans ses rapports, il fallait, après avoir intégré la direction du mouvement, intégrer l’ensemble de la CNT, en « l’épurant » des éléments trop réfractaires.[12] Les changements d’organisation au sein de la CNT et de la FAI ne furent donc pas technique, de simples adaptations pragmatiques à une situation qui requérait de l’efficacité ; adossés à chaque fois à un discours politique « d’union antifasciste », ils furent des pas essentiels vers la transformation de l’institution révolutionnaire CNT en un relais de l’État, c’est à dire vers la domestication de la révolution.
La centralisation disciplinaire du mouvement : commission politique et comité de liaison.
Au début du mois d’avril 1937, le Comité Régional de la CNT proposa que se constituât en son sein une Comision Asesora Política, littéralement Commission d’aide technique concernant la politique. Cette « Commission politique » était censée analyser les changements dans la situation politique et d’élaborer les réponses du mouvement libertaire : déclarations, campagnes et initiativesdiverses.ElleétaitrattachéeauComitéRégional et ses propositions valaient pour l’ensemble des trois branches,CNT, FAI et JJLL. Ce travail de préparation en amont par un groupe réduit instituait une direction de la direction, en fait, un véritable bureau politique à l’image de ce qui s’était passé au comité central du parti bolchevique après un peu plus d’un an d’exercice du pouvoir en Russie.[13]
Au début de l’été 1937, on note dans les réunions du CR de la CNT des tensions sur les attributions de la CAP : un délégué rappelle, le 2 juillet, qu’elle est née comme une commission technique d’aide au Comité Régional, et en aucun cas comme un organe exécutif. Un autre lui emboîte le pas en soulignant que si « CAP » signifie « tête » en catalan, cet organisme ne doit pas pour autant se prendre pour la tête de l’organisation et prendre des initiatives sans en informer le CR. Ces mises en garde nous renseignent sur la dérive et l’appétit de pouvoir d’un tel organisme, qui non content de préparer les décisions politiques, avait tendance à vouloir se passer de l’aval des délégués des syndicats présents au CR.[14]
Le point de départ de la discussion n’était pas sans signification. Il s’agissait de l’envoi de télégrammes aux sections locales et sur le front, pour que les militants les adressent à leur tour au gouvernement, pour protester de l’exclusion de la CNT de celui-ci. L’initiative de la CAP, qui s’était heurtée au refus de la base de mener une telle campagne, était à la fois l’expression de son souhait de collaboration politique et de son attention en matière d’organisation, aux pratiques développées par le parti communiste, promoteur habituel de ce type de « campagnes spontanées ». L’innovation qu’elle représentait sur le plan de l’organisation n’était donc pas technique, elle était au service d’une politique largement rejetée par les militants, comme le montrent les comptes-rendus de plénums et d’assemblée de cette époque. Mais elle ne disposait pas de moyens de contrainte.
La CAP, d’abord présidée par Dionisio Eroles, puis par Juan García Oliver, deux hommes relativement autoritaires, continua pourtant tranquilement son chemin. Elle proposa diverses initiatives politiques, qui traduisaient la volonté de ne pas donner l’impression que le mouvement libertaire était à la remorque des autres organisations. Le 8 juillet, elle présenta au Comité Régional, un plan de célébration du premier anniversaire du 19 juillet 1936. Il semble que ce soit aussi elle qui décida et surveilla la publication, à partir de la fin juillet, du journal Libertad, conçu comme un contre-feu face à l’organe des « Amis de Durruti », El Amigo del Pueblo. Dans Libertad, publié clandestinement, on trouvait associée l’exigence véhémente de libération des « prisonniers antifascistes » (pour la plupart cénétistes) à un grand conformisme vis à vis de la ligne de collaboration politique, contrairement au ton de El Amigo del Pueblo. Ce fut vraisemblablement la même CAP qui négocia avec les Cadres de Défense CNT devenus depuis le printemps 1937 « sections d’information et de coordination » de la CNT, la suspension de leur organe clandestin Alerta à condition que reparaisse un Libertad vraiment radical. La encore, il se trouve qu’Alerta dégageait un véritable programme politique alternatif ressemblant à celui des « Amis de Durruti » et condamnant la « collaboration » et le « circonstancialisme » de la direction (qui justifiait son tournant politique par les « circonstances exceptionnelles »).[15]
Une évolution similaire eut lieu sur le plan national un peu plus tard : le 9 février 1938, les dirigeants de la FAI et quelques membres du CN de la CNT se réunirent discrètement pour discuter de la nécessaire constitution d’une Section d’Action Politique du « mouvement libertaire », avec attributions exécutives au niveau national.[16] Le lendemain, le secrétaire général Mariano Vázquez, proposait à la réunion du CN, à laquelle assistait une délégation du CP, la création d’une sous-section du CN, chargée d’étudier les problèmes politiques et d’aider le CN, où la FAI aurait deux représentants sur cinq. Cet organisme ressemblerait à la CAP catalane. Les personnages qui s’étaient réunis la veille firent alors part de leur désaccord et prêché pour une SAP exécutive avec représentation égale de la FAI et de la CNT. La différence était simple : où le CN de la CNT continuait à diriger seul la politique du mouvement libertaire, informé par une commission mixte, ou il était remplacé par un nouvel organisme partagé avec la FAI. La tendance au centralisme était bien la même qu’en Catalogne, mais elle était perturbée par les relations tendues entre le Comité péninsulaire de la FAI, tenu par les anarchistes « puristes », et le Comité National de la CNT.[17]
Dans les deux cas cependant, on trouvait la même volonté de réunir les diverses composantes du mouvement libertaire en un seul vaste organisme, ce qui aurait permis d’unifier la politique suivie, et surtout, d’éviter l’expression de divergences avec la ligne de la direction, surtout de la part des groupes et des fédérations anarchistes, et des fédérations de Jeunesses libertaires (celles de Catalogne et d’Aragon, tout spécialement). A cet, effet, la CAP catalane fut très vite complétée par un Comité de Liaison CNT-FAI-JJLL, dont le but était d’empêcher les tendances les plus radicales de contredire quotidiennement le discours de la direction cénétiste. Il fut dit clairement lors de la réunion du 12 juillet 1937 qui décida de sa constitution, que ce comité devait « étudier tous les désaccords qui pourront surgir entre les divers comités » et qu’il s’efforcerait « de gommer toutes les aspérités » pouvant surgir au sein du mouvement. Selon un membre du CR, face au danger de scission dans le mouvement, « les éléments extrêmes, tant de la partie extrémiste que de la modérée se trouvent en permanence à de telles distances les uns des autres, ils soutiennent des polémiques si fortes, qu’il est nécessaire qu’un élément comme le Comité de liaison intervienne pour que ne se produisent pas d’affrontements et pour que s’harmonisent les positions ».[18]
La poursuite de la discussion le lendemain éclaire un peu plus crûment les raisons de la création d’un tel organisme. Après une discussion houleuse, il apparaît que le Comité de Liaison devait d’abord et avant tout permettre de contrôler le Comité de Défense et de Coordination, clandestin. Celui-ci était directement lié aux projets conspiratifs, à la prévision « qu’un jour, puisse venir le moment où nous devrions contrôler toutes les forces confédérales. », mais il était surtout, à ce moment là, la pointe avancée de la contestation radicale à l’intérieur de la CNT et de la Fédération des groupes anarchistes de Barcelone, laquelle, dix jours avant avait voté le retrait de tous les représentants anarchistes à des postes officiels et condamné la politique de collaboration de la direction. Un mois plus tard, le 10 août 1937, après avoir rapporté que les Comités de Défense (ou de Coordination) avaient failli descendre dans la rue pour aider les militants du syndicat des transports dont le local était assailli par la police aux ordres du PSUC, un délégué au Comité régional, Sanchis insistait : « Avant de préparer un tel mouvement, ils [les comités et « barriadas »] auraient dû en référer au Comité de Liaison, qui est celui qui doit contrôler tous ces mouvements quand ils sont nécessaires » . C’est parce qu’il y avait un risque réel et permanent de perte de contrôle de pans entiers de l’organisation, pas seulement les Comités de Défense, mais aussi les Jeunesses, certains groupes de la Fédération de Barcelone, certaines groupes dans les localités, que cet organisme avait été créé.
Ce même 10 août, le ton des paroles de García Oliver ne laissait pas de doute sur l’esprit de ces transformations organisationnelles. Montrant le lien entre ceux qui étaient prêts à se lancer dans la rue et les groupes opposés à la collaboration gouvernementale, il qualifiait ces militants non contrôlés de « traîtres », parlant de « punir les impulsifs » et rappelant que sur le front, « le camarade qui fait un faux pas est jugé et fusillé ». CAP et Comité de liaison étaient des innovations à caractère disciplinaire, qui avaient pour effet de « verticaliser » la CNT sur le modèle d’une armée politique, modèle qui était aussi celui des partis communistes.[19]
Les missions des deux comités étaient très semblables, la CAP effectuant plutôt un travail de fond pour changer la culture politique des militants anarchistes. Le 21 août, les délégués au CR étaient informés que : « Un certain nombre de camarades importants de chaque syndicat seront appelés par la CAP, qui leur expliquera les raisons qui obligent l’organisation à se comporter avec une grande passivité » face à ses adversaires.[20]
Et quand, un mois après le 10 août 1937, des organisations de base refusèrent cette passivité, la CAP se chargea de leur expliquer que seule la direction devait avoir l’initiative politique. Le 7 septembre en effet, le Comité régional de la CNT dut affronter un nouvel ultimatum des Comités de Défense (Coordination) d’un quartier du nord de Barcelone. Cet ultimatum évoquait des résolutions prises dans les quartiers « laissés dans une situation d’abandon » par la direction face aux « pouvoirs constitués », police et justice. Le lendemain, la discussion au sein de la direction aboutit à préciser l’instance où les décisions doivent être prises : la tête de l’organisation. Il s’agissait d’inverser le sens de l’obéissance et d’instituer un fonctionnement pyramidal. La direction était consciente que les Comités des quartiers étaient « les véritables vertèbres de l’Organisation, qui poussent, sentent et se défendent » et étaient « plus en phase avec la réalité », mais une chose n’était pas discutable : la direction devait diriger.[21]
Quelques semaines après, une autre décision montra que l’appétit de contrôle de la CAP s’étendait aux campagnes : devant l’apparente désorientation des syndicats de la Catalogne rurale, le CR décida d’effectuer des tournée hebdomadaires, le dimanche, pour éviter selon elle un sentiment d’abandon de la part des syndicats. Les problèmes matériels (manque de véhicules, de pièces détachées, de carburant) retardèrent quelques temps la mise en place immédiate de ces inspections, qui ne devinrent régulières qu’à partir du printemps de 1938. Enfin, le 21 octobre 1937, la CAP remit un rapport au Comité Régional « sur les municipalités et l’orientation des camarades dans les conseils municipaux » De même, elle s’occupait de fournir à la presse confédérale un relevé d’instructions politiques, de manière, non seulement à discipliner mais aussi à homogénéiser la propagande. C’est en raison de ces attributions qu’elle saisit le 1er décembre 1937 le Comité de liaison à propos des affichettes clandestines éditées et collées par les groupes anarchistes radicaux et les Jeunesses, pour faire cesser au plus vite leur impression et leur distribution car elles portaient « un préjudice moral à l’organisation ».[22]
Au début du mois de novembre, la CAP tirait un bilan positif sur son action disciplinaire - « l’organisation s’est renforcée, » - mais appelait à faire un pas supplémentaire dans la centralisation de la direction, ce qui fut effectif quelques mois plus tard avec le Comité Exécutif du Mouvement Libertaire. En attendant, elle avait aussi atteint ses objectifs sur le plan de l’organisation des décisions politiques : c’était elle qui rédigeait les communiqués, les résolutions, les projets, qui discutait avec les autres organisations, en particulier, en novembre et décembre 1937, avec le PSUC et l’UGT, avec lesquels un rapprochement fut amorcé. Pourtant, tout en étant plus qu’un « comité technique politique » ainsi qu’elle avait été présentée à sa naissance, elle n’était toujours pas une direction exécutive.
Dans le bilan de la restructuration disciplinaire du mouvement libertaire, il ne faut pas oublier de mentionner les autres innovations. La première concerne la défense des prisonniers de l’organisation -du fait de la répression qui suivit les journées de mai 1937- qui n’était plus assumée comme c’était de tradition, par des Comités Pro-Presos surgis dans les quartiers et les syndicats, mais par une Commission Juridique considérée comme un organe technique, et adjointe au Comité Régional. Cette innovation fut essentielle pour empêcher le développement d’une campagne de défense politique des prisonniers appuyée sur les organisations de base du mouvement, et qui aurait pu servir de point d’appui pour proposer une autre politique. Ce domaine de la défense des prisonniers continua pourtant à être un des terrains les plus tendus de la discussion sur les modes d’organisation, et le Comité Régional dut organiser, en décembre, une discussion générale, dans les trois branches du mouvement, autour d’un projet de refonte de la Commission juridique. Face à une avalanche de critiques et de reproches, il concéda une participation active des Comités Pro-Presos et des syndicats dans la défense des prisonniers, mais sous la responsabilité et la direction d’une Commission Juridique qui continuait à être un bureau délégué du Comité Régional. Ce compromis ne dura pas : enfin au complet à la mi-février, le Comité Pro-Presos central réunissant les délégués de tous les syndicats démissionna au bout d’un mois pour protester contre l’immobilisme de la direction. Celle-ci subordonnait la défense des prisonniers à l’avancée de ses discussions avec PSUC et UGT pour revenir au gouvernement.[23]
Parallèlement à cette « section juridique », le Comité régional de Catalogne mit aussi en place une « section défense » chargée de coordonner toutes les questions ayant trait à la lutte sur le front, et la défense de ses positions au sein de l’armée populaire face à la pression communiste. Enfin, j’y ai fait allusion, les Groupes de Défense ou Cadres de Défense furent convertis dès le printemps de 1937 en « Section coordination et information » de la CNT, ce qui ne suffit pourtant pas à les contrôler ni à en faire un « appareil conspiratif » réellement centralisé et obéissant.
François Godicheau.
Fin de la première partie
Les Giménologues, 5 février 2008.
[1] Le mouvement anarchiste en Espagne, Paris, Éditions libertaires, 2006, pp. 498-499.
[2] ), La revolución traicionada. La verdadera historia de Balius y Los Amigos de Durruti, Barcelona, Virus, 2003.
[3] Cette analyse, déjà bien présente dans le livre de 1969, Los anarquistas españoles y el poder, se trouve confirmée dans la version augmentée citée précédemment.
[4] Josep A. Pozo González, « El poder revolucionari a Catalunya durant els mesos de juliol a octubre de 1936 : crisi i recomposició de l’Estat », p. 231.
[5] Ibid., p. 231-232.
[6] Le mouvement anarchiste en France, op. cit., p. 487.
[7] Le mouvement anarchiste en Espagne, op. cit., p. 361 (p. 230 dans la version de 1969)
[8] Pour les municipalités, Cf. Josep A. Pozo González, op. cit., chap. 10, pp. 276 et sq. Pour les milices, des éléments dans Antoine Giménez et les Giménologues, Les fils de la nuit, 2006.
[9] Lors de ce Plénum, le candidat de la direction au poste de secrétaire fut relativement mal élu, avec une majorité de mandats qui représentait une minorité d’adhérents.Cf. François Godicheau, La guerre d’Espagne. République et révolution en Catalogne, Paris, Odile Jacob, 2004, pp. 158 et sq.
[10] Miquel Amorós, op. cit., et Camilo Berneri, Œuvres choisies, Paris, Ed. du Monde Libertaire, 1988.
[11] L’équilibre et l’unité du mouvement reposaient sur une sorte de « pacte social » qui justifiait et fondait les relations de solidarité. C’est le « pacte fédéral » destiné à préserver « l’unité d’action », basé sur l’idée d’un équilibre entre l’indépendance des petits groupes ou des sections syndicales et l’efficacité de l’agir ensemble (de tous les syndicats d’une branche ou d’une localité, de tout un mouvement). Selon Anna Monjó, « el pacto consistía en no emprender ninguna lucha, reivindicación de más salario, o lo que fuese, sin que antes no fuera comunicado a las otras secciones, d forma que en una petición de aumento de salarios, todas las secciones se unían en un solo bloque para luchar contra sus respectivas patronales, al revés de antes de 1918, que los albañiles pedían más salario y no se acordaban a los ladrilleros o peones de albañiles. » (Militants, Barcelona, Laertes, 2005, p. 117). Il consistait aussi à ne pas « laisser tomber » des camarades une fois qu’ils s’étaient lancés dans une action collective. Voir aussi à ce propos, Susanna Tavera qui explique dans sa biographie de Federica Montseny (Federica Montseny. La indomable, Madrid, Temas de Hoy, 2005, p. 179) : « Mediante obligaciones recíprocas y un « pacto individual » que establecía sus límites, este « pacto federal » mantenía unidos entre sí a los diferentes adherentes obreros, a los sindicatos confederales y también a los diversos niveles de representación orgánica de un mismo nivel o de diferentes niveles. »
[12] Escritos sobre la guerra de España, Barcelona, Crítica, 1980, notamment p. 137 et sq.
[13] Cette analogie fut d’ailleurs pointée par Horacio Prieto lui même dans une de ses œuvres (cité par César Lorenzo p. 374 de la nouvelle version de son livre).
[14] Procès verbaux des réunions du Comité régional de la CNT, réunion du 02/07/37. International Institute of Social History (IISH), CNT, 39 A.
[15] Cf. mon article « Periódicos clandestinos anarquistas en 1937-1938 : las voces de la base militante », Ayer, n°55, 2005, pp. 175-205.
[16] « Informe sobre la Comisión de Acción Política del Comité Nacional de la CNT ». 30 juin 1938, IISH, FAI-PE, 17 A.
[17] La proposition de Mariano Vazquez étant adoptée lors de la réunion du 10 février, la FAI refuse d’y déléguer des représentants. Deux semaines après, elle finit par y participer, et le CN accepte qu’elle ait le même nombre de membres que la CNT. Au bout d’un mois de travail, les délégués du CP écrivent à celui-ci pour l’informer de l’impossibilité de poursuivre devant l’ampleur des désaccords politiques avec la CNT, sur le pacte avec l’UGT, sur le gouvernement et sa politique. Ils explique que les sujet importants qui entraînent véritablement un désaccord ne sont pas traités dans la Section Politique et sont tout de suite soumis à la discussion du CN de la CNT (ou les FAIstes sont juste des spectateurs) : c’est le cas par exemple de l’initiative consistant à écrire aux partis et à la direction du Front Populaire pour demander l’élargissement de celui-ci à la CNT (réunion du CN du 15 mars 1938).
[18] IISH, CNT, 39 A.
[19] Réunion correspondante, IISH, CNT, 39 A.
[20] Idem.
[21] Idem.
[22] Réunion du CR de la CNT du 01/12/37, IISH, CNT, 39 A.
[23] Cf. La guerre d’Espagne. République et révolution..., op.cit.