Fiche de recherche pour Otto
Allemand non identifié et grand ami d’Antoine Gimenez.
FICHE de RECHERCHE sur « Otto » [ nom ou prénom ?]
Allemand non identifié, grand ami d’Antoine Gimenez qui en parle dans ses souvenirs.
Volontaire en Espagne au moins depuis septembre 1936. Membre du Groupe International de la colonne Durruti.
Selon Antoine, il fait partie de ceux du GI qui s’opposent à la militarisation avec Antoine, Carlo Scolari, Mario [Italien non identifié] et Franz Ritter.
Blessé à la bataille de Siétamo en septembre 1936.
Mourra, selon Antoine, en 1944 aux environs de Limoges dans les rangs de la Résistance.
Extraites des « Fils de la nuit » , voici les mentions d’Otto faites par Antoine Gimenez :
p. 70 [ août ou sept 36] Je retrouvai Berthomieu, Ridel, Carpentier, Mendoza (un Cubain) et Otto (un Allemand) venus, comme moi, au rapport.
p. 118 : [fin oct 36] À Farlete, le groupe n’était plus le même : beaucoup parmi les plus anciens étaient partis. Les uns avaient quitté l’Espagne, les autres avaient rejoint les autres formations (celles que l’on appela « Brigades Internationales »). Pablo, après mon retour, appela au rapport tous les vétérans. On se retrouva une dizaine : où étaient-ils tous les autres ? La grande majorité était restée à Perdiguera. Les autres, dégoûtés par ce qui s’était passé, avaient préféré partir. Affinenghi, Scolari, Otto, Jacques, et d’autres dont j’ai oublié le nom, avaient formé un petit groupe que le colonel garda à son P.C. pour les missions de reconnaissance et pour effectuer des coups de main.
p. 132 : [sept 38 attaque sur Siétamo] Ce fut Otto qui résuma la situation en disant : « Dès qu’ils nous auront repérés, ils nous arroseront de mitraille. Et bonsoir la compagnie ! »
Nous étions une vingtaine, vingt-cinq au maximum. Les vétérans, ceux qui étaient au groupe avant Perdiguera, qui avaient connu Berthomieu, expliquèrent en vitesse la conduite à suivre aux nouvelles recrues et nous décidâmes de faire les morts jusqu’à la nuit.
p. 134-139 : C’est à Siétamo que j’ai effectué ma seule et unique prise de guerre : ma part de butin, 28 mois de guerre, gain en plus de la solde : une paire de jumelles que j’ai encore chez moi. Otto et moi étions sortis pour effectuer une ronde. Tout était calme, le silence absolu. Nous étions parvenus à la pointe extrême de notre dispositif et nous nous préparions à faire demi-tour lorsque l’homme de garde nous fit signe de nous arrêter. Un bruit léger venait de la route. Il approchait. En rampant, Otto partit à sa rencontre. Je le suivis. Arrivés au bout de la haie, nous vîmes deux ombres se dresser sur la route et s’apprêter à dévaler le talus pour venir dans le pré. Otto me fit voir son couteau : j’avais compris. Je sortis mon poignard et j’attendis. Mon copain, souple comme une couleuvre, se glissa un peu plus près du talus. La première ombre sauta, se reçut sur ses talons et, ayant mal calculé la hauteur, tomba et se releva. Mon adversaire se trouvait à moins de deux mètres devant moi et il me tournait le dos. Son compagnon sauta à son tour. J’avais la bouche sèche. Un étau serrait ma tête à la faire éclater. Je percevais les battements de mon cœur comme ceux d’un tambour qui accompagne un cortège funèbre. Je bondis, mon poing soudé au manche de mon arme pour frapper entre les épaules. C’est alors qu’il se retourna vers moi. Mon bras s’abaissa, la lame pénétra jusqu’à la garde au défaut de l’épaule gauche. Il tomba sans un cri. Otto avait proprement coupé la gorge à l’autre soldat de l’armée franquiste. Nous enlevâmes leurs armes, en l’occurrence le fusil du soldat et le pistolet d’ordonnance que portait celui que j’avais abattu, un officier qui avait aussi des jumelles que j’ai gardées en souvenir car je n’avais jusqu’alors rien pris pour moi.
-Un après-midi, le soleil brillait tiède car c’était l’hiver ; je revenais d’effectuer une ronde. Je m’étais allongé par terre, ma musette et ma capote en guise d’oreiller, et près de moi Scolari, Otto et quelques autres lézardaient au soleil en attendant le moment de la relève.
- Le feu se calma. Les F.M. de Ritter et d’Otto ont eu raison de leurs adversaires.
pp. 141-143 : L’occupation du village terminée, nous nous étions tous rassemblés autour du château. Après avoir exhorté la garnison à se rendre pour éviter une inutile effusion de sang, avec pour seule réponse une rafale de balles, Otto, fatigué d’attendre, se découvrit en essayant d’aller poser une grenade sous le portail pour le faire sauter. Nous le vîmes s’arrêter net et tomber. Scolari et un autre s’élancèrent pour aller le chercher. Pour les couvrir, nous déclenchâmes un feu d’enfer, toutes nos armes crachèrent la mort. Scolari et son copain traînèrent le corps à l’abri. J’étais trop loin pour aller voir moi-même. Quelqu’un vint me dire qu’il était mort : une balle en plein cœur. Un peu plus tard, les unités de ligne vinrent nous relever. « On a tué Otto ! Otto est mort ! »
La perte de mon ami effaçait la joie de la victoire. Avec Scolari, Mario et Ritter, j’accompagnai les brancardiers qui allaient chercher Otto. Nous voulions voir pour la dernière fois la dépouille de celui qui avait été notre compagnon. Il était là, au bas de l’escalier où Scolari l’avait laissé, couché sur le dos, les bras allongés comme dans un garde-à-vous horizontal. Mais ses yeux, grand ouverts, bougeaient et nous regardaient. Nous nous précipitâmes sur lui. Un brancardier défit son blouson, sa chemise pour examiner sa blessure : pas une goutte de sang. Seulement sous le sein gauche, un bleu, un hématome grand comme une pièce d’un douro. C’était tout ce qu’il avait. Il était resté environ deux heures évanoui. Lorsque nous arrivâmes, il commençait à reprendre pied dans ce monde que nous croyions qu’il avait quitté pour toujours. Mystère de la balistique ? Balle défectueuse ? Loi impénétrable du destin ? Ces questions, je ne me les suis posées que plus tard, en 44, lorsque j’appris sa mort dans les environs de Limoges où il se battait dans les rangs de la Résistance. La seule chose importante sur le moment était que mon ami allemand vivait encore, qu’il pourrait continuer à jouer de l’harmonica pour notre plus grand plaisir en accompagnant les chants de Mario, Ritter ou García. Deux bonnes gorgées de cognac généreusement offertes par les brancardiers le remirent presque d’aplomb. Encore un peu faible, il se leva en s’appuyant sur nous et demanda : « Ils se sont rendus ? »
Ce furent les premières paroles qu’il prononça. La balle qui l’avait frappé, après avoir cassé une paire de lunettes, était logée dans le portefeuille et y était restée.
p. 148 [fin 36-début 37] : L’assassinat de Durruti avait sérieusement ébranlé mon ardeur à la combativité. Avec mes amis Scolari, Giua, Otto, Mario et Ritter, nous formions un petit noyau réfractaire à la militarisation et à la discipline en découlant. Pablo savait qu’il pouvait compter sur nous en cas de coup dur, à condition de ne pas nous demander d’accomplir des choses que nous avions toujours refusé de faire même au prix de notre liberté ou de notre bien-être matériel. Nous étions presque tous des insoumis ou des déserteurs. L’exode des copains vers les Brigades Internationales avait réduit les effectifs de près de la moitié. Pablo décida de m’envoyer à Barcelone pour recruter : Italiens, Français et autres qui se trouvaient dans la capitale catalane, des volontaires pour grossir nos rangs ; Giua, Ritter et Otto m’accompagnaient.
p. 165 : Combien de fois nous sommes-nous promenés autour de Farlete ou Pina ? Parfois, Otto, Ritter ou Mario se joignaient à nous.
p. 170 [été 37] : Je ne me souviens plus lequel de nous céda le premier. Ce dont je me souviens, c’est qu’un soir je me suis retrouvé seul avec Conchita. J’arrivais du P.C. où j’avais rencontré tous les vétérans du groupe : Otto, Ritter, Mario, un copain suédois, deux Français et quelqu’un d’autre dont j’ai oublié le nom. Pablo nous annonça que les Brigades allaient arriver et que nous devions nous préparer à passer sur les arrières ennemis. Nous étions en état d’alerte permanente.
pp. 179-80 : J’avais perdu dans cette guerre tous mes amis et dans l’espace d’une nuit Jo, Fred, Mario, Otto, Ritter avaient été engloutis dans les ténèbres et je me retrouvais seul. Juanita, Conchita, les femmes que j’avais aimées étaient évanouies à tout jamais. Je restais indifférent devant ce massacre. La guerre m’avait-elle endurci au point de trouver logique et naturelle la perte d’hommes qui luttaient dans le même camp que moi ? « C’est la guerre, m’avait dit Pablo, aujourd’hui c’est eux qui sont tombés, demain ce sera peut-être moi, toi ou quelqu’un d’autre parmi ceux que tu estimes ». Mario et Otto nous rejoignirent à Tardienta. Pris dans la vague qui déferlait vers Belchite, ils n’avaient pas pu nous rejoindre et nous les avions cru morts. L’offensive républicaine continuait. Les pertes que nous avions subies étaient telles que notre groupe n’avait plus d’« International » que le nom. Il restait une cinquantaine d’hommes sur deux cents et les vides avaient été comblés par un apport de volontaires espagnols.
p. 194 : En allant vers le nord, j’espérais rejoindre mon groupe. En effet, je retrouvai Pablo, Otto et un copain cubain. Tous les autres étaient partis pour Teruel.
p. 204 : Dans cette période qui va d’octobre 38 à février 39, j’ai vu s’évanouir l’espoir que je nourrissais en secret de retrouver certains de mes compagnons de combat : Mario, Lorenzo, Ritter. De tous mes amis, je revis seulement Otto. Giua était tombé, Mario et Ritter disparurent à tout jamais sur les bords de l’Èbre.
Ne sachant si « notre » Otto était affilié au DAS, nous vérifions l’identité et le parcours de MAJEWSKI Otto et TOEWE Otto cités dans la liste des membres du DAS . Dieter Nelles nous a répondu à propos du second. :
« (...) Otto Toewe. Here a short biographie : Toewe emigrated 1934 and was a spy for the Gestapo in Paris. After the german invasion of France, he was imprisoned and in 1943 he was in the "Strafbataillon 999", that was an army that was composed of political and political prisoners. He came to Greece and there he made contacts to the liberation army ELAS. In 1944 he deserted. That are the informations that I have ».[1] Dieter Nelles, le 7 février 2008.
L’autre piste que nous poursuivons concerne l’activité des antifascistes allemands dans la résistance en France et, dans ce cas, en Limousin. En supposant qu’Otto ait combattu avec Guingouin, il faudrait en savoir plus sur les deux grandes batailles qui se déroulèrent en en 1944 entre les résistants et les nazis : celle de février au château de Farsac, près d’Eymoutiers (3 morts) ; et surtout celle du Mont Gargan du 9 au 16 juillet, où l’on dénombra 38 tués et 5 disparus.
Ouvrages en recherche :
-Brès Yvan et Evelyne, « Un maquis d’antifascistes allemands en France 1942-44 ». Presses du Languedoc-Max Chaleil éditions, Montpellier 1987.
-Vormeier Barbara, « Les réfugiés allemands et la Résistance française » in « Des Allemands contre le nazisme : Widerstand et résistance ». Actes de la journée organisée par le Goethe Institut et IEP Toulouse 7 novembre 1997. Goethe Institut - Revue des sciences politiques. Toulouse 1997.
-Catalogue 2007-2008 des Editions de la Veytizou de Neuvic sur La mémoire du Limousin :
« C’était le maquis qui libéra le pays ». Pierre Louty
« Amitiés sans frontières ». Robert Laurini
les Giménologues Mai 2008.
[1] Cette information nous rappelle qu’un autre « Otto » avait joué un double jeu pendant cette guerre civile. José et Andrea Alpuente, un couple de vieux anarchistes espagnols résidant en Ariège, nous ont dit en 2005 avoir connu dans les camps de réfugiés espagnols en France un Allemand nommé Otto qui recrutait des travailleurs forcés pour le compte de l’organisation Todt. Il doit s’agir d’Otto José Maria qui a combattu en Espagne dans le 299° bataillon de la 125° brigade républicaine, selon le récit de Lluis Montagut : « J’étais deuxième classe dans l’armée républicaine espagnole », Maspero, 1976 (pages 278-285).