Introduction au livre de Juan Gutiérrez Arenas
(version française)
Les fils de Lucas Gutiérrez López
Une histoire des gens d’Alhama de Granada
Editions La Peña, Granada 2012
Enrique, Juan et Maria à Banat (Ariège)
« C’est en automne 2004 que j’ai fait la connaissance de Juan Gutiérrez Arenas. Tout est arrivé par cette histoire de hasard, comme il aime le dire. Cet été-là, j’avais réalisé un voyage pour rendre visite à la vieille communauté de Longo Maï, en Provence française. Là-bas, j’arrivai en même temps qu’un groupe de personnes, françaises en majorité, qui enregistrait un feuilleton radiophonique d’une grande rigueur historique sur la guerre civile et la révolution en Espagne (www.gimenologues.org). Ce fut là mon premier contact avec l’extraordinaire mémoire que l’on conserve en France sur ce qui s’est passé dans notre pays pendant les années trente du XXe siècle. Une mémoire qu’à la différence de ce qui s’est passé en Espagne des centaines de milliers de réfugiés cultivèrent durant leur long exil après la défaite de 1939 et que leurs descendants se sont chargés de maintenir vivante. En apprenant mon origine andalouse et grenadine, une de ces historiennes, Myrtille Gonzalbo, me mit en contact avec Juan Gutiérrez Arenas, m’assurant que c’était une personne de Grenade et qu’elle serait enchantée de discuter avec moi au sujet de son expérience pendant la guerre et l’après-guerre. Elle ne s’était pas trompée et d’ici je la remercie beaucoup.
La curiosité et l’intérêt pour recueillir les histoires non publiées et renvoyées à la marge par les récits officiels m’ont conduit à approfondir la connaissance de ce qui c’était passé dans notre pays dans les années trente du siècle dernier, à lire et à me documenter sur un sujet qui comporte une importante bibliographie, en privilégiant selon mon goût tout ce que les protagonistes avaient écrit sur ces événements. Cependant, je trouvai toujours aussi surprenant que dans aucune des facultés de Grenade et de Barcelone, où j’ai étudié l’histoire de 1997 à 2002, il ait été fait mention de la révolution sociale qui a eu lieu en 1936, ni des conséquences que cela avait entraînées pour les gens qui avaient vécu cette expérience. Mû par l’envie croissante de connaître quelqu’un qui pourrait me raconter de première main cette autre histoire des événements dans la province de Grenade durant ces temps lointains, je profitai d’un passage à Barcelone pour prendre contact avec Juan et lui rendre visite dans sa résidence habituelle, qui se trouve dans un petit et magnifique village des Pyrénées françaises appelé Banat.
Juan et ses chèvres
Des premières rencontres et conversations téléphoniques avec Juan Gutiérrez je retiens combien je fus impressionné par sa personnalité joyeuse et ce torrent de souvenirs, d’anecdotes, de proverbes et poèmes avec lesquels il me reçut et me reçoit toujours, à chacune des visites que je lui ai rendues depuis. Au début il était stupéfiant et il me semblait presque impossible de le suivre lorsqu’il commençait à se remémorer les fragments de tout ce qu’il avait vécu, entendu et lu pendant plus de soixante-dix ans, l’âge qu’il avait lorsque nous nous sommes connus. Mais, avec le temps, j’ai appris à saisir le sens de son récit et à me sentir plus proche de lui, à mieux comprendre son histoire et à jouir de sa compagnie. Je suppose que pour Juan rencontrer un jeune de Grenade intéressé par l’histoire de son village a dû être, et ça l’est, un motif de grande joie et une occasion de faire connaître son histoire.
D’autre part, son amabilité et sa sympathie hospitalière, associées à sa relation avec le milieu libertaire du sud de la France, font qu’aussi bien lui que sa compagne María sont habitués à recevoir des visites et possèdent beaucoup d’amis. Dans mon cas et malgré les cinquante ans qui nous séparent, c’est toujours un plaisir d’aller les voir et je suis fier d’être son ami, puisque, depuis cette première rencontre, aussi bien Juan que María m’ont reçu avec une énorme tendresse et hospitalité les nombreuses fois que je leur ai rendu visite pendant toutes ces années. Dans sa chère compagnie, j’ai beaucoup appris et j’ai profité de merveilleux moments, qui ont été pour moi un véritable cadeau et une occasion de connaître des pans très obscurs de notre histoire récente.
Raconter une histoire pour prendre la parole
En faisant la connaissance de Juan, j’ai découvert en premier lieu qu’il n’avait pas « fait » la guerre directement, ce qui est bien évident puisqu’il était un enfant quand celle-ci se déclencha. Ma première idée romantique du réfugié en France, exilé et combattant, se trouva confrontée à l’évidence des faits : Juan était né en 1930 et, par conséquent, il avait six ans quand la guerre éclata et dix quand son père fut fusillé contre les murs du cimetière de Grenade. À partir de ce moment, il vécut tout le reste de son enfance et de son adolescence à Alhama de Granada jusqu’en 1952, année de sa majorité, où il émigra pour chercher du travail à Sagunto, Valence. Plus tard, en 1957, il décida de tenter à nouveau sa chance dans le sud de la France, où il vit le reste de sa vie avec María, rencontrée sur les terres de Valence.
María à Sagunto
C’est pourquoi Juan est, « techniquement », un émigré économique, mais cette froide définition n’aide pas à expliquer le moins du monde les circonstances qui poussèrent un alhameño (ou aljameño [1], comme il aime dire), amoureux autant que quiconque de sa terre natale, à vivre en France depuis plus de cinquante ans. De fait, cette définition d’émigré économique a contribué à réduire d’un trait de plume l’histoire de l’émigration d’une grande partie du peuple andalou à une simple quête de ressources.
Juan Gutiérrez est une personne qui, ayant à peine fréquenté l’école, possède une grande culture autodidacte, fruit de son amour pour les livres et la lecture, résultat d’une curiosité qui l’a poussé tout au long de sa vie à vouloir acquérir constamment de nouveaux savoirs. Grâce à cet effort non conformiste, à son extraordinaire personnalité et à sa relation précoce avec les exilés libertaires dans le sud de la France, auxquels il s’identifia très rapidement dès son arrivée dans ce pays en 1957, il fut capable d’établir avec netteté les causes du malheur familial, marqué par l’exécution de son père en 1939 et par la misère dans laquelle fut engloutie sa famille mais aussi une grande partie du peuple d’Alhama de Granada qui avait mené plus ou moins directement les luttes sociales de la décade précédente. Il ne faut pas oublier que si pendant la dictature franquiste, dans ce long exil intérieur dans lequel vécurent beaucoup de personnes, on ne parlait jamais du passé, dans des endroits comme la France, les gens de l’exil extérieur ne parlaient que de cela. Son histoire contient des similitudes avec celle que l’historienne hollandaise Hanneke Willemse nous a donnée à connaître dans son extraordinaire travail Pasado compartido. Memorias de anarcosindicalistas de Albalate de Cinca, 1928-1938 [2]. Elle y compare les différences entre les souvenirs, portant sur les mêmes événements, qu’avaient les gens qui étaient restés dans le village pendant la dictature et ceux qui avaient pris le chemin de l’exil.
Il y a cependant quelque chose d’extraordinaire dans le témoignage qui est présenté ici en réédition et qui doit beaucoup à la capacité fabuleuse de Juan de se rappeler, de mettre sur pied, comme il le dit, les faits du passé et le pourquoi des choses qui lui sont arrivées à lui et à sa famille et, tout comme à eux, à tant d’autres hommes et femmes d’Alhama qui vécurent ces années-là. La mémoire de Juan recrée jusque dans les plus petits détails sa vie de paysan déshérité dans la Alhama des années quarante, et à travers son récit, nous pouvons reconstruire toute une partie méconnue de l’histoire de son village. Une histoire qui est aussi celle de Grenade et de l’Andalousie, sous le joug du régime franquiste qui imposa en Espagne une cruelle dictature. Juan parle de l’histoire des vaincus de la guerre civile, de ceux qui ont subi la forme de répression qui affecta un grand nombre de personnes : la répression socio-économique. Ce fut là un silencieux et puissant châtiment réservé à ceux qui non seulement avaient engagé des luttes sociales en faveur d’une plus grande justice sociale et d’une meilleure répartition des richesses pendant les années troublées de la IIe République, mais encore osèrent affronter, dans un effort colossal, le soulèvement militaire de 1936, saisissant au passage l’occasion historique de mettre en marche une révolution sociale sans précédent dans l’histoire récente de l’Europe occidentale. Nous ne pouvons pas oublier non plus, enfin, ceux qui prirent le maquis pour fuir la répression et qui, jusqu’à la fin des années quarante, organisés dans leur majorité en groupes de guérillas, luttèrent et espérèrent en vain que la défaite d’Hitler et de Mussolini en Europe mette un terme final à la dictature de Franco.
Panoramique des falaises d’Alhama
Juan sait très bien en quoi consistaient ces grands malheurs de la guerre et de l’après-guerre, parce qu’il les a vécus qu’il les porte inscrits dans l’asthme dont il souffre depuis l’enfance et qu’il sait être la conséquence de La Corría [3]. C’est ainsi, par ce mot du peuple, que les alhameños qualifièrent la fuite massive à travers la Sierra Tejeda, en plein hiver de 1937, de tout le village d’Alhama, quand celui-ci allait être envahi par les troupes de Queipo de Llano qui resserraient peu à peu le siège de Malaga.
Ses mémoires personnelles nous confirment combien le pouvoir de la parole et le souvenir partagé sont des stratégies de résistance des peuples vaincus. Un récit qui fait partie d’un ensemble d’expériences que les milliers de membres de la communauté des vaincus se sont racontées les uns aux autres pendant ces années obscures de faim et d’émigration. Des temps où l’on avait peur de revivre le passé immédiat, mais où il était important de protéger la mémoire de la récente lutte perdue, pour conserver sa dignité au milieu de tant d’exploitation et ne pas se résigner à l’écrasante défaite.
Grâce à son important travail d’historien de son village et à sa ferme volonté de rendre publiques les choses vécues de sa famille et de dénoncer les causes de tant de malheurs, Juan Gutiérrez nous offre la possibilité de connaître des moments concrets et peu connus de l’histoire des habitants d’Alhama de Granada. À travers ses souvenirs, non dénués d’humour, nous pouvons nous introduire dans les biographies de personnes anonymes et explorer les manques d’information et les silences de l’histoire officielle, pour mettre en évidence les ombres et lumières d’une situation sociale qui n’a jamais été reconnue par le régime franquiste, ni non plus par ceux qui lui ont succédé. La mémoire écrite de Juan nous laisse des données très précieuses pour reconstruire les moments vécus, les émotions intenses et l’ambiance qui entouraient ces gens auxquels on a systématiquement refusé une existence digne et dont jamais personne n’avait parlé publiquement.
Juan avait commencé à écrire ce livre pour que sa famille, ses filles et petits-enfants en France connaissent son histoire, et cet objectif a été atteint tout au long de ces pages, de sorte qu’une édition française est en cours. Cependant, nous qui sommes motivés par la connaissance et la compréhension du passé devons être très reconnaissants, car si le travail de réappropriation de l’histoire sociale de ceux qui ont perdu la guerre et la révolution peut être réalisé de nos jours, c’est sans aucun doute grâce à des personnes comme Juan Gutiérrez Arenas. À travers son écriture, il nous parle de lui et de ceux dont la vie et les aspirations, si elles ne furent pas arrachées, n’en furent pas moins totalement effacées par la dictature militaire de Franco. Cet alhameño établi en France depuis plus d’un demi-siècle est un clair représentant de ces personnes dignes qui n’acceptèrent pas le silence imposé par la dictature et ses successeurs et qui n’ont pas consenti à ce qu’une chape de plomb recouvre de l’oubli et de l’ignorance l’histoire de leur village.
Mis à part la valeur historique et personnelle de ce témoignage, le livre de Juan possède un grand intérêt ethnologique, puisque sa mémoire et son amour profond pour les choses de la campagne font revivre avec force détails des objets, des situations, des lieux et des personnages d’un monde rural déjà disparu. Un monde peuplé de moulins et de fermes, de fontaines et de canaux d’irrigation, d’adolescents surveillant des troupeaux de porcs, de manœuvres, de bûcherons, de charbonniers, de faucheurs dormant à la belle étoile et de femmes lavant le linge sur les pierres taillées près du lit des cours d’eau ou servantes dans les maisons des señoritos. Un monde traversé par de nombreuses inégalités, mais dont Juan se souvient avec beaucoup de tendresse et avec la vision critique dont est capable quelqu’un qui, malgré la distance, se sent faire partie de ce monde, et sait apprécier sa beauté tout en dénonçant son injustice. Nous sommes certains que les lecteurs d’Alhama reconnaîtront beaucoup de lieux et de personnages qui apparaissent tout au long de ces pages.
Pourquoi une réédition ?
Le processus d’élaboration de ce livre a été long et complexe. Au début, Juan m’envoyait par courrier postal les manuscrits rédigés tout au long des années, pour que je les lui corrige et les retranscrive au format numérique. Ce procédé long et pénible cessa heureusement quand il prit la décision de se mettre à l’ordinateur et commença à rédiger directement au clavier. Il faut admirer sa force de volonté et son engagement pour apprendre à soixante-quinze ans les rudiments de l’informatique, sauvegarder ses souvenirs sur le disque dur et aussi correspondre par courrier électronique. Le fruit de cet effort inachevé fut la première édition en 2007 de ses mémoires sous le titre La Revolución y las colectividades en Alhama de Granada [4], édité à compte d’auteur et imprimé en France. Dans cette première édition, Juan combinait la transcription de chapitres entiers extraits d’autres livres avec son récit de ce qu’il avait vécu, et entendu de la bouche des anciens, surtout de sa mère et de ses oncles, à propos de ce qui s’était passé à Alhama pendant la IIe République et la guerre. Il ajoutait aussi à ses souvenirs des années quarante et du début des années cinquante à Alhama ceux de ses cinq années à Sagunto et à Valence ainsi que de son émigration en France.
Couverture de l’édition de 2007
Juan réalisa un gros travail de diffusion de cette première édition et, malgré quelques défauts d’édition, le livre fut très bien accueilli et largement diffusé dans tout le sud de la France. Trois ans plus tard, et grâce à l’intérêt et l’effort déployé par la Fédération Locale des Syndicats de la Confédération Nationale du Travail (C.N.T.) de Grenade, et concrètement celle de Fran Andújar, Juan et María furent invités à Grenade pour deux présentations de l’ouvrage, dont l’une à Alhama de Granada à l’automne 2010. Par la suite, et par l’intermédiaire de la C.N.T. et de la Fondation Anselmo Lorenzo, ils retournèrent présenter leur livre à l’occasion de la 30e édition de la Foire du Livre de Grenade, en avril 2011. Au vu du succès, la première édition fut rapidement épuisée et, étant donné que je m’étais déjà remis à la tâche de corriger ses écrits, Juan décida une nouvelle impression et de faire une nouvelle édition sous le nouveau titre Los Hijos de Lucas [5]. Il est regrettable que, cette fois encore, une belle édition en castillan ne soit pas venue récompenser l’effort et l’investissement financier, alors qu’en français on avait déjà publié un petit livre et qu’en plus une réalisatrice, Anne-Marie Lallement, avait produit un documentaire de quarante cinq minutes, situé à Banat et intitulé Juan et María, sur l’histoire de Juan. Pour toutes ces raisons, et parce que nous avions tous les deux préservé notre amitié et maintenu le contact au cours de ces années, il fallait que nous finissions ensemble une édition corrigée et augmentée de ses mémoires. Il y aussi qu’au long de ces années Juan n’a cessé d’écrire et que le travail d’impression et de reliure achevé par l’imprimerie que Juan avait trouvée en France n’avait jamais été très satisfaisant.
C’est ainsi que j’ai apporté dans la présente édition mes connaissances et mes efforts pour rassembler tous les documents que Juan avait produits durant toutes ces années – avec des photos que je considérais comme importantes –, les corrigeant et les organisant afin que le récit fût cohérent, aussi bien au niveau chronologique que thématique. Cela n’a pas été facile, mais j’ai pu finalement travailler le récit de Juan de sorte que son histoire fût relatée plus ou moins comme il l’avait racontée dans les précédentes éditions, même si nous espérons qu’elle le soit cette fois avec plus de clarté. Malgré les difficultés de l’entreprise, j’ai essayé à tout moment de respecter au maximum la forme d’expression de Juan, en substituant des italiques à son usage constant des guillemets et en conservant la totalité des propos et des expressions qu’il emploie tout au long de sa narration.
Le livre est divisé en onze chapitres regroupés en trois parties qui tentent de cerner les trois grandes étapes du récit de Juan. La première partie s’intitule La gran tormenta [6] et couvre la période de 1931 à 1939, reprenant des événements se rapportant à la IIe République, la guerre civile et la révolution, aussi bien à Alhama et sa région que dans les villages et les villes où la famille de Juan s’était réfugiée pendant la guerre après La Corría de janvier 1937. La seconde partie s’intitule Años oscuros [7], et s’étend du retour des réfugiés de guerre à Alhama en 1939 jusqu’à l’émigration de Juan en 1952. Avec sept chapitres, c’est la partie la plus longue du livre et dans laquelle le village d’Alhama de l’immédiate après-guerre est décrit de manière très détaillée. Finalement, la troisième partie aborde l’émigration et traite, sous le titre Levantar el vuelo [8], de la période qui va du départ de Juan d’Alhama en 1952 à nos jours, même si évidemment la majeure partie du récit traverse les années cinquante et soixante.
Étant donné que Juan est une personne d’une grande sensibilité poétique, qui se manifeste tout au long de ses mémoires, il introduit fréquemment des vers dans le récit de ce qu’il a vécu. Aussi avons-nous regroupé tous les poèmes qui n’étayent pas strictement la narration dans un recueil situé à la fin de la troisième partie. À sa demande, nous avons inclus dans ce recueil trois poèmes d’autres auteurs, et qu’il aime particulièrement.
Avec l’objectif de compléter l’information présente dans chacune des parties et qui est le fruit du travail d’investigation de Juan, nous avons aussi ajouté quelques documents en annexes de chaque partie, où le lecteur pourra trouver des articles retranscrits, et même des listes de personnes fusillées par le franquisme dans la région d’Alhama de Granada. On trouvera dans ces annexes la transcription de la sentence de mort de Lucas Gutiérrez López, trouvée dans les archives de la Real Chancillería de Granada ainsi qu’une tentative de clarifier la confusion entre le procès judicaire qu’a subi le père de Juan et celui qui a concerné son cousin, dont les prénoms et noms de famille sont identiques.
À la suite des annexes documentaires, nous incluons un épilogue intitulé La revolución y las colectividades en la provincia de Granada [9], écrit par l’historien Francisco José Fernández Andújar. Dans ce texte, l’auteur examine l’œuvre révolutionnaire et collectivisatrice des syndicats C.N.T. et U.G.T. à Grenade et situe dans son contexte historique la portée que ces transformations sociales réalisées dans l’arrière-garde républicaine ont eue pendant les trois ans de la guerre civile.
Enfin nous ajoutons à la fin du livre un glossaire de termes liés à la vie paysanne, qui sont fréquemment utilisés par Juan tout au long de son livre et qui peuvent être difficiles à comprendre pour les personnes qui ne sont pas familiarisées avec les travaux agricoles traditionnels de la campagne andalouse.
Nous espérons avec cette nouvelle édition avoir réussi à persuader le lecteur de l’extraordinaire valeur du témoignage de Juan Gutiérrez Arenas et fait en sorte que son histoire, sa vérité, qui est celle de beaucoup d’autres Andalous et Andalouses, puisse être d’avantage connue. N’oublions pas que l’originalité de ce témoignage réside dans le fait qu’il soit écrit par un témoin et acteur de cette même histoire. C’est pourquoi Juan Gutiérrez Arenas conserve, jusqu’à la dernière ligne et le dernier vers de son ouvrage, cette conscience de classe historique qu’engendre le fait de se savoir fils de paysan révolutionnaire des régions de l’Ouest de Grenade, fils du peuple qui a tout parié pour faire la révolution et qui a tout perdu dans sa tentative.
Ce livre, en plus d’être d’un apport ethnologique de grande valeur pour l’histoire locale d’Alhama de Granada, est un témoignage qui dénonce clairement une injustice vécue et perpétuée par tous ceux qui se sont employés à nier l’évidence de certains faits historiques survenus à une époque très sombre dont nous sommes les héritiers directs. Combien d’autres encore ont subi le sort des enfants de Lucas Gutiérrez López ? Est-ce que cela ne vaudrait pas la peine d’écrire leur histoire ?
Ici ce sont eux qui l’ont écrite pour que l’on se souvienne que toute cette mémoire ne s’est pas perdue, qu’elle est quelque part en France, en Catalogne, partout où se sont casés les fils et les filles des milliers de Lucas Gutiérrez López d’Alhama de Granada.
Enrique Tuleda Vázquez
Grenade, avril 2012 »
Traduction réalisée par les Giménologues, qui ont aussi rédigé les notes.
25 Janvier 2013
Enrique a fait un bout de chemin avec les Giménologues au cours de leurs recherches en Aragon. Il est depuis des années partie prenante des activités de Can Masdeu [10], magnifique lieu entouré de jardins en terrasses en plein Barcelone, dans le quartier de Canyelles.