Autobiographie d’Henri Mélich
A chacun son exil. Itinéraire d’un militant libertaire espagnol
Acratie 2014
Nous avons choisi et commenté quelques passages de cet itinéraire riche en événements qui marquent la vie d’un homme engagé dans son temps. On y trouve beaucoup de noms de personnes et presque autant de titres de livres. Henri jalonne son récit de discussions, de dialogues, de réflexion à haute voix. Il laisse beaucoup de place à l’expression de l’avis des autres. Comme beaucoup dans le milieu libertaire, Henri a le sens de l’amitié et une haute idée du rapport individu - collectif.
Les notes sont des Giménologues.
La chute de la Catalogne
« Tu sais Henri les moments les plus heureux de ma vie
ce sont les deux ans que j’ai vécus dans la collectivité.
Pouvoir travailler sans un patron derrière soi qui t’observe quand tu es en train de flâner. »
Après le 19 juillet 1936, Enrique Melich Rodes (père) avait abandonné un petit commerce de fruits et légumes très prospère pour participer à la fondation de la collectivité agricole de Sant Joan Despí, renommée Pi de Llobregat, une commune de 2300 habitants à l’époque. Dans les dossiers de la Causa General de Sant Joan Despí, son nom est cité parmi ceux des « principaux dirigeants des syndicats locaux », qui ont « organisé le désordre et l’infamie [2] ».
L’offensive générale sur la Catalogne commença le 23 décembre 1938. Le 24 janvier 1939, les troupes franquistes atteignirent le Llobregat, qui ne devint pas le « Manzanares de Barcelone ». Elles entrèrent dans Sant Joan Despí le matin du 26 janvier. Auparavant, dans la nuit, des familles avaient chargé quelques affaires dans des charrettes et pris la route : les membres du comité révolutionnaire et de la collectivité sauvèrent leur peau in extremis. Certains tentèrent de se fondre dans Barcelone, d’autres grossirent le flot des futurs réfugiés en France. Enrique Melich Gutiérrez, - né le 25 novembre 1925 à Esplugues de Llobregat - et ses parents étaient de ceux-là. Après Figueres, ils durent abandonner la charrette sur le bord de la route avec toutes leurs affaires précieuses, dont les livres reliés du père.
Le récit d’Henri sur les conditions de l’exode décrit des scènes pénibles qui en rappellent d’autres, relatées dans maints ouvrages d’exilés, où l’espoir et la rage côtoient la honte et l’abattement. Les feux du Perthus. Journal de l’exode espagnol (Privat, 2011), basé sur des notes prises au jour le jour, décrit avec un luxe de détails terribles la longue marche de cette caravane humaine vers la frontière, qui échouera dans des camps à ciel ouvert sur le sable. Álvaro de Orriols le rédigea dans le camp de concentration de Bayonne en 1939.
Henri et les siens échappèrent heureusement à ce destin concentrationnaire du fait qu’ils avaient de la famille en France, à Perpignan et à Quillan. C’est dans cette haute vallée de l’Aude que le jeune homme va conduire son existence jusqu’en 1944, entre les livres et l’engagement armé.
D’une guerre à l’autre à Quillan
« Un jour, tout au début de la guerre civile, à Zuera [Aragon], Jesús Azcarate Aranda qui n’avait que neuf ans, sa mère et sa grand-mère (famille affiliée à la CNT) enterrèrent deux sacs de livres de l’oncle Mariano dans l’écurie. En effet, les fascistes passaient dans les maisons des Républicains pour brûler sur la place du village les livres qu’ils qualifiaient de “légende noire”.
C’était le curé du village qui les nommait ainsi et qui incitait à ces actes. Parmi les livres enterrés, il y avait : L’homme et la terre, d’Élysée Reclus ; El proletariado militante, d’Anselmo Lorenzo ; Marco, de los Apeninos a los Andes, de Edmundo de Amicis ; El calvario del obrero, de Luis Val ; El Gallinero Moderno de Salazar Zacarías, des livres de poésie [etc.] Deux pleins sacs échappèrent ainsi aux flammes des phalangistes. [3] »
Cette histoire indique encore une fois combien la chose écrite avait de valeur aux yeux des libertaires. Contrairement au sang-froid de Jesús et de sa famille, la belle-sœur d’Henri panique et brûle sa bibliothèque lors de la mise en place du régime de Vichy. L’adolescent, déjà lecteur assidu, ne peut sauver que quelques ouvrages. Mais il aura la chance de trouver sur son chemin d’autres mordus des livres qui le conseilleront et le fourniront en ouvrages de qualité : le libraire Salsa, l’ami Ramon Mialet et l’imprimeur Roquefort, un syndicaliste révolutionnaire, qui lui prête des livres interdits :
« Dans les circonstances actuelles, pour toi, le meilleur ami que tu puisses avoir, c’est un livre. Lui, il ne te trahit jamais. Il est là sur l’étagère, toujours prêt à te consoler. »
Chaque passage de « témoin » est signalé par Henri comme une étape dans son existence. Et lui-même alimente ses parents avec le même genre de denrées précieuses ; car il faut dire qu’Enrique en consommait beaucoup, faisant la lecture le soir à sa compagne Francesca…
En novembre 1942, les nazis occupent la zone dite libre. Parmi ses fréquentations à Quillan et dans le secteur, Henri se lie à de jeunes communistes français tels Adrien Baudru et Jean Darras. Avec d’autres ils organisent des causeries dans l’imprimerie de Roquefort. Ils analysent les partis de droite en France, constatent l’importance des transfuges du communisme vers le fascisme. [4] Ils s’intéressent à l’antisémitisme et à l’usage que les nazis faisaient des Protocoles des Sages de Sion, un faux présenté comme un plan de conquête du monde établi par les juifs et les francs-maçons.
Pedro Pérez, un ami de son père, invite les Espagnols à un autre genre de rencontre : viennent les Palau, Eduardo Pardo, Miguel González et deux jeunes Français. Il en résultera l’engagement d’Henri dans un premier type de résistance pratique avec Pérez et González, lesquels, comme Mialet, connaîtront un sort tragique. Dans un premier temps, il s’agit de faire traverser la frontière espagnole à des personnes en danger : juifs, résistants. D’autres passeurs les prennent ensuite en charge jusqu’en Andorre. Mais dans cette seconde phase, où les fugitifs devaient payer, certains sont abandonnés en pleine montagne par les passeurs-contrebandiers, voire éliminés. Henri renvoie à un article paru dans la revue Reporter en 1977 sous le titre « Les montagnes de la mort ».
L’auteur, Eliseo Bayo, était parti à la recherche des traces des disparus, et il trouva beaucoup de squelettes en terre. Cela fit du bruit à l’époque car il mit cette affaire en relation avec les enrichissements rapides de certaines familles andorranes.
« Nous ne devions pas confondre le pacifisme avec une certaine résignation et une passivité suicidaire » se dit Henri au début de l’année1944. Contre l’avis de son père, il prend contact avec José Abad qui veut rejoindre un groupe de maquisards espagnols, replié à Picaussel. Il se rapproche des communistes et Adrien lui conseille de rejoindre le maquis « Jean Robert », « vu ton tempérament et tes idées antimilitaristes ». Peu de temps après, le futur « Robert Sans » part dans la montagne de Salvezines (commune d’Axat) ; il y retrouve Jean Darras, et leur groupe participera à des actions de sabotage.
En juillet 1944, non loin de leur position, le maquis « Faïta » est attaqué par les soldats allemands, et les survivants rallient les positions du « Jean Robert ». Parmi les jeunes exécutés se trouvait le déserteur allemand Helmut Thomas. Henri nous en avait parlé récemment sachant que nous cherchions (en vain) depuis des années à identifier « Otto », l’ami allemand d’Antoine Gimenez, dont il « apprit sa mort en 1944 dans les environs de Limoges où il se battait dans les rangs de la résistance. [5] » Henri nous apporte maintenant un élément d’importance : il cite Pedro Soto qui avait bien connu Helmut en Aragon et le présentait comme « un bon communiste, un internationaliste ».
« [Helmut] avait été volontaire dans le groupe des internationaux de la colonne Durruti sur le front d’Aragon en Espagne. Comme Simone Weil il avait participé en août 1936 à l’attaque de Farlete et à la prise de Siétamo [6]. Il était très estimé et considéré comme un garçon réservé et courageux. Il se réfugia en France en 1939 et fut interné dans un camp de concentration. Malheureusement il fut pris par les Allemands et enrôlé de force dans l’armée allemande. En 1943 il déserta pour rejoindre le maquis « Faïta ». Au col de la Flotte entre Courtaly et Sonnac, il y a une stèle où figure son nom à côté de ceux de P. Vernières, L. Bages, A. Laffon et F. Prétal. Sa tombe quant à elle se trouve au cimetière de Limoux. » (Mélich, 2014, pp. 58-59).
Nous en avons parlé à Dieter Nelles, auteur d’un gros article sur « La légion étrangère de la révolution. Anarcho-syndicalistes et volontaires allemands dans les milices anarchistes durant la guerre civile espagnole » [8]. Il nous a communiqué cette biographie en cours de travail :
“Thomas, Richard Helmut. Pseudonyme Jean Weimar. Né le 11 septembre 1911 à Leipzig – Mort le 27 juillet 1944 près de Chalabre. Tailleur de profession, membre du KPD et du RFB, il émigre en Sarre, prend part au « Saarsturm » et se rend à Paris comme membre du DAS (Anarcho-syndicalistes allemands). Il combat dès novembre 1936 dans la colonne Durruti [9], il est arrêté après les journées de mai 1937 et il rentre fin 1937 en France. Il vit à Pibrac près de Toulouse, il est dénoncé comme juif et arrêté : déporté en Pologne, il est remis en liberté grâce à l’intervention de sa mère, qui fournit un « Ariernachweis » (certificat d’aryanité). Il est à nouveau détenu pour avoir combattu pendant la guerre d’Espagne du côté républicain [en mai 1938 ?]. Il est incorporé, jusqu’à la démobilisation dans la Wehrmacht, il est engagé sur le front de l’Est ; il déserte vers la France à l’occasion d’une permission, et il entre en contact avec la Résistance dans le maquis de Limoux, régiment de l’Aude, où il a le grade de lieutenant. Il est gravement blessé dans des combats. Il est fait prisonnier et il est exécuté d’une balle dans la nuque. Il a été inhumé en présence de membres de la famille en tant que combattant de la Résistance.” [10]
Si Helmut Thomas n’est pas le « Otto » d’Antoine, son histoire mérite en tout cas d’être connue.
« Robert Sans » narre ensuite les derniers mois de la Résistance dans l’Aude, où les maquis « Robert-Faïta » et de Picaussel- aidés par quinze parachutistes américains - en finissent avec la présence de l’armée allemande dans le secteur. Henri rectifie au passage les « erreurs » historiques des chroniqueurs des actions de la V° Brigade de Guérilleros de l’Aude (PCE). Elle s’attribuait sans complexe la libération de Quillan les 15 et 16 août 1944, et prétendait avoir combattu pour prendre le dépôt de vivres de Couiza le 18 août. En fait ce sont les maquisards qui ont livré la veille une intense bataille au cours de laquelle 45 soldats allemands furent tués et 30 faits prisonniers.
Les crimes de la UNE (Unión Nacional Española)
C’est grâce à des témoignages comme celui d’Henri que les Dossiers noirs d’une certaine résistance. Trajectoires du fascisme rouge ont pu être constitués et publiés en 1984 [11]. Henri et Christophe Castellano se sont remis à la tâche pour fournir une version largement actualisée et augmentée à paraître bientôt.
(Ouvrage paru en octobre 2020 sous le titre Guérilleros, France 1944. Une contre -enquête : http://gimenologues.org/spip.php?article933)
Dans ses mémoires, Henri relate précisément cette histoire qui commence ainsi : les maquis audois sont stationnés à Narbonne. Avec son ami Tambor, « Sans » assiste à un meeting pour la libération de l’Espagne organisé par l’AGE [12] , formation militaire contrôlée par la UNE. Ils ne connaissaient pas cette Unión nacional española qui émanait du PCE, et qui s’avançait comme « la seule organisation espagnole en exil représentative de l’opposition nationale [13] »
Deux jours après, ils sont quinze jeunes gens à partir pour le cantonnement de Camurac où Henri retrouve Ramon Mialet, José Abad et Luis Buxeda (qu’il a connu quand ils travaillaient comme bûcherons à Quillan). Vers la fin du stage de dix jours, Mialet, nerveux, lui donne un RV pour une entrevue discrète, mais le jour même le commandant Mateo envoie son groupe (25 hommes) en mission sous les ordres du Capitaine Labela. Aucune explication n’est fournie sur la nature de l’expédition. Le groupe passe la frontière vers le 21 ou le 22 septembre 1944 via le Vall de Ribes, et il erre plusieurs jours durant, sans consigne, sans ravitaillement et sans équipement sérieux. Et puis un jour ils voient arriver le commandant Mateo, avec José Abad, des officiers et une cinquantaine d’hommes, drapeau républicain déployé. L’attaque de la guardia civil et de la policia armada ne se fait pas attendre, et dans la confusion des combats Henri assiste à un sauve-qui-peut général. Avec quelques autres ils tentent de revenir du côté français, guidés par José Abad qui leur dit : « Je crois qu’on s’est servi de nous à des fins de propagande. ». Arrivés à Valcebollère, il leur est reproché d’avoir déserté leur poste. Ils comprennent que leur mission s’inscrit dans le cadre de l’opération du PCE dite « Reconquista de España ». Ils apprendront un peu plus tard l’échec des autres tentatives de pénétration armée en Espagne qui se succèderont jusqu’en novembre. Henri téléphone à ses parents pour les rassurer ; par contre eux lui annoncent que Mialet et son beau-frère ont été assassinés par les guérilleros de Quillan. Abad conclut : « Le fait que tous les morts soient de la CNT fait penser à des purges dans nos propres rangs. En Aragon, j’en ai connu d’autres et je constate que cela continue ici. Il va falloir réagir. »
Après bien des péripéties, sachant que la UNE le cherche, Henri retrouve à Carcassonne le chef de son maquis FTP, Victor Meyer [14] - « Jean-Louis » dans la clandestinité - qui lui procure une carte d’identité militaire où il apparaît comme Français. Il reprend sa place dans la Compagnie qui doit bientôt intégrer le 81° Régiment d’Infanterie Alpine. Mais lors d’une permission à la mi-novembre, il se fait interpeller par les Guérilleros à Quillan. Ils commencent à le questionner insidieusement sur le « traître Mialet ». Alors il sort sa carte : Henri Melich fut sauvé d’une liquidation quasi certaine par les hommes de main du PCE grâce à « Jean-Louis », un communiste français.
Bien d’autres militants espagnols furent assassinés en France et en Espagne à l’instigation du PCE : des communistes, des anarchistes, des socialistes, des poumistes. La plupart parce qu’ils refusaient d’intégrer la UNE ou voulaient en partir. Voici les noms de ceux qui furent liquidés dans l’Aude par - entre autres - Juan Fernández, dit « El chato », suivant les ordres de José Díaz, de la V° Brigade de Guérilleros :
Miguel González Espada : sur la tombe de cet anarchiste, il est écrit qu’il a été « fusillé par un peloton fasciste à Montfort-sur-Boulzane le 5 novembre 1944. » Avec lui : José Ibañez et Pedro Pérez de las Juventudes Socialistas Unificadas, et Antonio Rodriguez, dit “Victoriano Vonilla”, anarchiste.
Ramon Mialet Guiteras : anarchiste assassiné à Escouloubre-les-Bains en octobre 1944, ses restes furent retrouvés en avril 1946. Idem pour son beau-frère Ramon Folch (ou Fontarnau).
José García Martínez : anarchiste assassiné à Camurac en novembre 1944 en même temps que le docteur Georgakopulos Teja, secrétaire de Juan Negrín, et sa compagne Maruja.
Avelino Martínez, Alfonso Sanmiguel (POUM) et Juan Pujadas (PSUC), enlevés à Quillan et exécutés à Formiguères.
Ajoutons le cas de « El Petit », contrebandier andorran assassiné par « El Chato » en Espagne, tout près de la frontière, pour d’obscures raisons. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Lors d’une soirée sur les maquis de l’Aude et de l’Ariège, organisée par l’Association « MRA-ST Mémoire et résistance en Ariège, Solidarité transfrontalière » dans la salle communale de Léran, en février 2014, Henri [15] parla debout, une heure durant et très précisément de son expérience du maquis et des assassinats commis par les communistes espagnols. Les historiens ne lui ont posé aucune question. Mais on sait qu’ensuite ils se sont permis de mettre en doute la véracité du témoignage d’Henri.
Petit retour sur Buenaventura Durruti
Après sa démobilisation, Henri s’affilie à la CNT. Il participe à des passages de militants ou de propagande libertaire dans la montagne. Il voudrait agir plus radicalement en Espagne, mais ses « sentiments étaient partagés entre le pacifisme et les activités de Sabaté, Facerías ou Massana ». Il s’installe et travaille à Toulouse, capitale de l’exil espagnol où il adhèrera aux Jeunesses Libertaires et à la Fédération Anarchiste. Et puis un jour un emploi en librairie se présente : « Une nouvelle vie allait pouvoir commencer. »…
Henri relate une conversation qui se tint en 1950 à Toulouse, chez sa soeur et son beau-frère communiste, en présence de deux anciens chefs de Guérilleros. Un certain Giménez, commissaire politique de guérilleros, déclara au sujet de la mort de Durruti. - en croyant visiblement qu’ils étaient « entre communistes » - : « S’il ne l’avaient pas tué, eux, nous aurions dû l’abattre nous-mêmes. » Et le deuxième surenchérit : « Il aurait subi le même sort que Nin et d’autres traîtres. »
Nous versons ce témoignage dans le gros dossier que nous avons ouvert dans les « Fils de la nuit [16] » sur les conditions - volontairement maintenues obscures par les appareils du MLE - de la disparition de Buenaventura Durruti.
Henri revient plus loin dans son livre (p. 156) sur la mort de ce dernier : pour sa part, il se rallie à la deuxième thèse officielle, celle de l’accident causé par le fameux naranjero, tout en la trouvant « tirée par les cheveux ». Nous rappelons ce que García Oliver écrivait en 1978 [17] :
« Pendant de nombreuses années, la version du tir accidentel du naranjero demeura inconnue. Puis, au fil des ans, il ne manqua pas certains, comme Santillán, pour retirer le voile. Mais pas moi. Je n’ai absolument jamais admis cette version, car Durruti ne se déplaçait jamais avec un naranjero ni avec aucune arme à la main. [ …] J’ai toujours cru que le naranjero qui avait tiré, et avait frappé Durruti, devait appartenir à l’un des compagnons de son escorte. »
Et nous renvoyons à la page 31 de ce document récent publié dans la revue Balance n°38 [18] où Diego Camacho dit que Germinal Gracia (alias Víctor García) lui a reproché dans un article de ne pas parler dans son « Durruti » de l’hypothèse de la responsabilité de Manzana dans la mort de ce dernier. Le sergent Manzana faisait partie de l’escorte et se trouvait dans la voiture avec Durruti en ce jour fatidique.
En 1953 Henri se lie à Manuel Llatser - un ancien de la colonne Durruti - et surtout à Diego Camacho (Abel Paz de son nom de plume) qui arrive de Toulouse après neuf années de prison en Espagne. Plus proche des JL que de la CNT Diego participe à l’impression du journal Ruta. Il s’installe chez Henri où il commence à écrire « son » Durruti.
Dernière retirada
Tomás Ibañez parle déjà dans son prologue des activités militantes d’Henri à Toulouse : nous soulignerons uniquement son témoignage (p. 143) sur l’arrivée de Jacinto Guerrero Lucas, dit « El Peque » en cette ville en 1961, [19] et sur les conditions dramatiques de la mort de Delgado et Granado. Henri traverse la montée des tensions entre les JL et la CNT jusqu’à sa rupture avec le MLE en 1965.
En 1974, il se « rapproche de la frontière » et s’installe à Perpignan où il ouvre une librairie espagnole militante, qui sera plastiquée en 1976.
avant l’attentat
après le plastiquage
Sur le plan de l’homme et de la façon dont il mit ses idées en pratique, il faut savoir qu’Henri se fit vasectomiser après la naissance de son second fils. Et à l’instar de Jordi Gonzalbo [20] et d’autres libertaires, il refusa de salarier quiconque quand il fut artisan.
Depuis sa « dernière retirada » Henri vit à Ponteilla, toujours disponible pour des conférences, ou pour des causeries au téléphone. Le livre se termine avec une postface de Romain, son petit-fils, grâce auquel ces mémoires ont pu être mis en forme :
« Aider mon grand-père à rédiger ce livre est une manière de lui rendre hommage […]. J’ai aussi envie de dédier ce livre à toutes les personnes qui de tout temps n’ont pas eu peur de braver les interdits […], à ces personnes qui n’ont pas eu l’occasion de léguer leur témoignage, de faire entendre leur voix. »
Les Giménologues, 5 janvier 2015
Bibliographie
Notices biographiques et articles sur Henri Mélich :
http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article138574
http://losdelasierra.info/spip.php?article5063
http://maquisftp-jeanrobert-faita.org/maquis/paroles/sans-henry-melich/
« Le Midi Rouge. Bulletin de l’Association Maitron Languedoc-Roussillon », N° 18, (décembre 2011) a publié un entretien avec Henri réalisé en 2010, pp. 34-35, dans l’article intitulé : « Quelques compléments sur l’action des guérilleros de l’AGE. Depuis la Cerdagne française en octobre 1944 [21] » :
http://www.histoire-contemporaine-languedoc-roussillon.com/Page%20Midi%20Rouge.html
Extrait : « Nous développons ici deux exemples tirés de témoignages auxquels nous avons eu accès récemment. Ils relatent l’expérience de deux de deux guérilleros qui participèrent à l’opération menée depuis la Cerdagne. Tous deux eurent à faire, pour des raisons différentes à l’UNE/AGE ou au PCE. Leur expérience montre que la Reconquista de España fut loin d’être une épopée glorieuse dont le bénéfice aurait inévitablement rejailli sur le PCE (et le PSUC, son homologue catalan). »
L’autre guérillero dont il s’agit est Juan Ramon DELICADO qu’Henri a croisé, militant communiste assassiné par le PCE en Espagne en 1946. Voir le gros travail extrêmement précis des fils et petit-fils de Ramon : Ivan et Roland Delicado :
Guérilla antifranquiste du Levant. Crimes et falsifications. 1945-1952. Ed. Ardeo, Résistances, avril 2014.
Quatrième de couverture : « Cet ouvrage retrace l’itinéraire mouvementé du commandant Juan Delicado, un chef guérillero torturé et éliminé par le PCE en 1946. Le récit commence en France pendant la Résistance. Jalonné par des événements historiques marquants, il se termine par la tragique expérience de la Guérilla du Levant (AGL) en Espagne. Mais ce n’est pas un roman, les personnages ont existé, les faits sont réels et nos révélations sont étayées par des preuves. Les incroyables trucages perpétrés par la direction du Parti communiste espagnol (PCE) sont au cœur du débat. De ce côté-ci des Pyrénées nous avons dénoncé plusieurs falsifications en ouvrant des dossiers d’archives inédits. »
Comme on l’a vu à partir de la polémique engagée autour de l’apposition d’une plaque sur une place publique de Cahors, et des contre-vérités et calomnies entretenues par certains articles parus dans le “Bulletin des guérilleros de Toulouse”, la bagarre repart de plus belle. On lira avec profit :
Une histoire d’imposture. Les habits neufs du stalinisme, (ou comment l’apposition d’une plaque sur une place publique de Cahors révèle des tentatives de manipulation mémorielle), Collectif Les autres (Cahors, France), ReDHiC - Recherche et documentation d’histoire sociale, 2012 (deuxième édition).
Sur l’instrumentalisation du PC via l’UNE, on lira notamment la lettre ouverte du 13 juillet 2012 de Jean Vaz, un des animateurs du site Memoria andando, adressée à Henry Farreny, vice-président national de l’Association des Anciens Guérilleros espagnols en France-FFI, et président du conseil de Pilotage du CIIMER (Borredon) :