La revue du Centre Ascaso Durruti
Actualité du Centre Ascaso Durruti
Ce lieu de rencontres et de culture libertaire tient son nom de deux militants libertaires morts dans les premiers mois de la Révolution Espagnole de 1936. Son but est de diffuser les idéaux anarchistes.
Parution en décembre 2017 du numéro deux de
La revue du Centre Ascaso Durruti
Le Grain du CAD
http://ascaso-durruti.info/accueil.htm
Extrait de l’INTERVIEW de Amado Marcellán par Odette pour le CAD
« Mai 1937 Barcelone »
Le Centre toulousain de documentation de l’exil espagnol (CTDEE) a consacré, en juillet dernier, un excellent numéro de sa revue, Les Cahiers du CTDEE , aux événements de mai 1937 à Barcelone. Nous avons rencontré Amado Marcellán, l’un des animateurs de la revue, qui a accepté de nous présenter ce numéro 7 intitulé Mai 1937, Barcelone .
CAD - Pourrais-tu rappeler, tout d’abord, ce qu’est le CTDEE, et quelles sont ses activités ?
Amado Marcellán – Ce centre de documentation sur l’exil espagnol est né, en 2007, comme une suite des rencontres qui se produisaient annuellement à Toulouse, le 19 juillet à partir du milieu des années 40, et cela jusqu’à la fin de la dictature franquiste. En effet, le 19 juillet, les exilés libertaires se réunissaient tous les ans pour commémorer la date de la révolution espagnole avec un meeting, des prises de paroles, des spectacles de musique, de chant ou de théâtre. Si la date du 19 juillet tombait un dimanche, c’était tant mieux, sinon on choisissait le dimanche le plus proche du 19 juillet. Seule la date du 18 juillet était bannie puisque que c’était la date du coup d’état franquiste.
Avec la fin de l’exil, des enfants de militant-e-s libertaires – j’en suis – ont créé ce centre de documentation afin de continuer à organiser cette commémoration. Ils y ont réuni des archives, des journaux et des publications militantes liés à l’histoire de l’exil libertaire de leurs parents. C’est ainsi que le CTDEE a aujourd’hui un local situé à côté de la gare Matabiau, non seulement pour fêter le 19 juillet, mais aussi pour développer d’autres projets mémoriels et culturels.
Puis il nous est apparu que ce centre devait aussi être un lieu de création ou de production de textes, d’analyses. Voilà comment sont nés les Cahiers du CTDEE : une revue semestrielle qui essaie d’apporter des témoignages et des regards susceptibles d’éclairer les mémoires de l’exil en référence à l’histoire de la guerre et la révolution espagnoles.
D’une manière générale, nous voulons éviter d’entrer dans une logique mémorielle qui se contente de faire appel à la mémoire affective, en procédant à la victimisation des acteurs de l’histoire. Nous voulons aussi travailler sur les faits historiques, sur l’écriture des événements et réfléchir à la mémoire qu’on en a conservée.
CAD - C’est donc une démarche qui part de la mémoire individuelle et familiale de cette expérience d’exil des libertaires à Toulouse mais qui développe aussi un travail critique de confrontations de débats sur l’interprétation de cette histoire : c’est cela ?
A. M. : Oui. En histoire comme toutes choses, il y a des hégémonies. Or ce que nous souhaitons faire au CTDEE, c’est précisément contester ces hégémonies pour montrer qu’il y a eu d’autres regards, d’autres possibles, qui ont perduré dans l’exil et qui gardent une actualité. Autrement dit, nous cherchons à rendre compte des conceptions du monde qui se sont affrontées. On pourrait croire que les conflits de représentations qui ont agité les Espagnols durant les années 30 et les années 40-60 en exil, font partie du passé. Nous pensons au contraire que les enjeux de ces conflits sont restés actuels et qu’il est important de croiser les regards. Aussi, au-delà de ce premier groupe toulousain qui était à l’origine du projet, Les Cahiers du CTDEE ont fédéré des personnes soucieuses de dépasser les représentations officielles de l’histoire contemporaine de l’Espagne.
C’est le cas des membres du ReDHiC, une association qui, en région parisienne, travaille sur ces sujets, et qui a en particulier oeuvré pour le film documentaire Un autre futur, réalisé par Richard Prost.
CAD - Comment avez-vous conçu ce numéro sur les journées de mai 1937 ?
A. M. : Nous avons considéré qu’il était absolument nécessaire de rendre compte de cet événement car Mai 1937 marque une date incontournable de la révolution sociale.
Il nous semble important d’analyser ce moment clé qui est un coup d’arrêt dans ce processus. Nous avons tenté d’éclairer comment s’affrontent : d’une part la voie révolutionnaire qui est celle des libertaires, des « poumistes », de l’aile gauche du parti socialiste et d’autre part, la voie réformiste : celle de la conservation de la République bourgeoise, dans laquelle sont impliqués les partis républicains, les partis régionalistes – aussi bien basques que catalans – et le parti communiste espagnol (PCE).
CAD - Pour éclairer la compréhension des journées de mai 1937, vous avez adopté une perspective diachronique : vous avez fait un travail de montage de témoignages contemporains de l’événement et de témoignages rétrospectifs comme celui de Manuel Cruells. Vous appréhendez ici l’événement à partir de différentes échelles : allant du très local à l’international. Enfin, vous proposez une approche « par le bas », en nous donnant accès à la parole des acteurs et des actrices direct-e-s de ces mouvements sociaux. Comment s’est fait le travail sur ces sources : avez-vous utilisé des archives privées conservées au sein des collections du CTDEE ?
A. M. : Pas seulement, les sources que nous avons utilisées sont dispersées.
Par exemple, en ce qui concerne les écrits de Georges Orwell, nous avons cité des articles et des lettres absolument magnifiques qui ont été reprises par les éditions Ivrea & les éditions de l’Encyclopédie des nuisances entre 1995 et 2001.
Par ailleurs, nous avons consulté la presse de l’époque.
L’Humanité entre autres. On peut y lire, au mois de mai 1937 un texte de Gabriel Péri absolument glaçant, puis à l’automne 1938, au moment du procès du POUM, des textes de Georges Soria qui sont à vomir. Il faut rappeler que le PCE est à ce moment là, complètement isolé. Les républicains se sont retournés contre lui alors qu’il était leur principal allié. Lors du procès du POUM, les plus grandes personnalités du camp républicain vont témoigner en défense de ce dernier : désavouant le PCE.
Nous avons aussi travaillé sur les archives du journal Le Populaire, les articles de Marceau Pivert et Daniel Guérin qui sont en tribunes libres. C’est particulièrement intéressant car à l’époque Marceau Pivert est un personnage d’un poids énorme. L’Humanité essaye de l’écorcher mais on ne peut pas l’attaquer comme on attaque à l’époque les trotskystes ou les prétendus « hitléro-trotskystes ».
Donc nous essayons d’aller aux sources primaires, d’analyser les archives internes aux organisations mais surtout la parole publique des partis politiques qui façonne la construction médiatique de l’événement.
La suite ici : http://ascaso-durruti.info/legrainducad/mai37barcesuite.html
Les Giménologues 18 décembre 2017.