Ce correspondant rencontré à Angers nous a aimablement communiqué son travail datant de 2009.
La construction du genre dans le cinéma anarchiste.
Imaginaire et représentation des rapports sociaux de sexe pendant la guerre civile d’Espagne : 1936-1938.
Mémoire d’Histoire de Kevin MAHOT présenté en juin 2009 à CHRISCO - Université de Haute-Bretagne Rennes 2. Directeur de recherche : Luc Capdevila.
INTRODUCTION
Dès son origine, le mouvement libertaire espagnol place l’égalité des sexes au cœur de sa doctrine anti-hiérarchique et anti-autoritaire1. Il élabore les bases théoriques d’une société révolutionnaire « basée sur la liberté, au moyen de l’égalité et ayant pour but la fraternité »2. Une société au sein de laquelle tous les êtres sont libres et égaux sans distinction de sexe3. Les penseurs libertaires développent des conceptions avant-gardistes dans le domaine de l’émancipation féminine. Ils reconnaissent que l’émancipation des hommes ne serait pas totale si les femmes n’étaient pas elles non plus totalement libres4.
Cette liberté nécessite l’abolition de l’Etat et du capitalisme, ainsi que de toutes les structures autoritaires qui en découlent. Le mouvement anarchiste considère que la libération des femmes passe entre autres par l’émancipation économique, les anarchistes revendiquent donc le droit au travail pour les femmes et plaident en faveur de leur incorporation dans le combat syndical. Cette position n’est pas acceptée par l’ensemble de la base de la centrale anarchosyndicaliste. Les libertaires sont aussi conscients que la révolution doit se faire au sein de la famille. Cette structure est considérée comme autoritaire puisque les femmes y subissent les dominations culturelles, économiques et sexuelles de leurs maris. Les organisations du mouvement anarchiste espèrent un contexte favorable à une situation insurrectionnelle, situation de laquelle pourra naître la révolution et ainsi donc la mise en pratique des thèses égalitaristes.
Notes
1 RIPA Yannick, « Le genre dans l’anarcho-syndicalisme espagnol (1910-1939) », Clio, numéro 3- 1996, Métiers. Corporations. Syndicalisme.
2 MELLA Ricardo, « El ideal anarquista », LEVAL Gaston, L’Espagne libertaire, Bar-le-Duc, Editions du Cercle, Collection archives révolutionnaires, 1971, P.389.
3 L’égalité entre les sexes est reconnue par le Congrès anarchiste de Saragosse en 1872. TAVERA Susana, “Guerra civil y anarcofemenismo”, dans DE LA CALLE VELASCO Dolores, REDERO SAN ROMAN Manuel (Dir.), Guerra civil. Documentos y memoria. Salamanque, Editions Universidad de Salamanca, 2006, p.47
4 Bakounine a une influence importante sur les théoriciens anarchistes espagnols. Cette théorie s’inspire de la célèbre phrase de Bakounine : « Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres ». Bakounine Mikhaïl, Œuvres, Tome I, p.283, extrait de PRÉPOSIET Jean, Histoire de l’anarchisme, Paris, Tallandier, 2005. p.235.
On peut lire la suite dans le PDF joint.
TABLE DES MATIERES
Première partie : Les enjeux du genre dans la guerre civile
I. La situation avant-guerre : législation et bases idéologiques
A. Les avancées républicaines
B. La Phalange et la Section Féminine de la Phalange
C. Le mouvement anarchiste
II. Les rôles proposés aux femmes pendant la guerre
A. Dans le camp républicain
B. Dans le camp rebelle
Seconde partie : Le cinéma de la guerre civile
I. Le cinéma une arme essentielle de la Guerre Civile d’Espagne
A. Les enjeux du cinéma pendant la guerre civile d’Espagne
B. Les enjeux internationaux
II. Le cinéma du Front populaire
A. Les productions gouvernementales
B. Les organisations marxistes
III. La production cinématographique de la zone rebelle
A. L’utilisation des infrastructures alliées
B. La production privée
C. La Phalange et la Délégation Nationale de la Presse et de la Propagande
D. Le Département de Cinématographie
IV. Le cinéma anarchiste
A. L’expérience d’une organisation économique et politique révolutionnaire
B. La production libertaire
Troisième Partie : Les rapports de genre à l’écran
Chapitre 1 : Révolution dans le genre. Les transformations des rapports sociaux de sexe à l’écran.
I. Femmes en armes : mythes, propagande et désillusion
A. Eté-automne 1936, les héroïnes en armes
B. A partir de l’automne 1936, une figure désacralisée
C. Sauver des vies plutôt que mettre à mort. Les infirmière
D. Les rapports à la violence et la construction des identités
II. Les anarchosyndicalistes et le travail salarié féminin
A. La situation d’avant-guerre
B. Le travail des femmes dans les collectivités industrielles et agricoles pendant la guerre
C. Le mauvais genre du salariat féminin. Travail salarié et rapports de genre dans les longs-métrages de fiction
III. Vers l’abolition de la prostitution
A. Les enjeux de la guerre civile
B. La prostitution au cinéma
IV. Les femmes dans la sphère politique
A. La remarquable absence des femmes
B. Des héros au masculin
Chapitre II. Une société qui évolue, un cinéma immobile. L’expression des peurs masculines face aux perturbations de la guerre (et de ses antécédents)
I. Les figures classiques de l’expression de la misogynie
A. Les stéréotypes des femmes dangereuses
B. Les femmes de pouvoir
II. Révolution sexuelle et cinéma : le rendez-vous manqué. La perpétuation des codes
moraux patriarcaux dans le domaine de l’amour et des sexualités
A. Le cinéma reflet de l’inertie dans le domaine de la révolution sexuelle
B. Les malheurs des hommes
III. Le foyer idéal
A. La place centrale de la maternité
B. La vie conjugale
C. La perfecta casada
D. La nostalgie du père
Conclusion
Annexe I
Annexe II
Sources
Bibliographie
Table des abréviations
Les Giménologues, 5 septembre 2018.