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Les Gimenologues
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Michel Froidevaux, Les avatars de l’anarchisme. La révolution et la guerre civile en Catalogne
Recension

Nous avions annoncé la parution de ce livre : http://gimenologues.org/spip.php?article1004En voici la recension parue dans le N° 3 de la Revue Brasero en novembre 2023 dans la Rubrique Lectures coordonnée par Charles Jacquier :
https://librairie-quilombo.org/brasero-no3

Michel Froidevaux, Les avatars de l’anarchisme. La révolution et la guerre civile en Catalogne (1936-1939) vues au travers de la presse libertaire, Lyon, Atelier de Création Libertaire, 2022, 745 p.

Il fallait sortir de l’oubli ce travail monumental issu d’une thèse soutenue en 1985 dont le propos est le suivant : « La révolution et la guerre civile espagnoles ont servi de révélateur à l’anarchisme. Miroir ultime du pouvoir et de l’oppression politique, l’anarchisme sera précisé au fil de cette étude et en fonction même des contradictions aiguës qu’il eut à affronter durant la guerre civile. Afin d’appréhender mon sujet central de façon quelque peu inédite j’ai choisi d’utiliser […] la presse anarchiste paraissant en Catalogne durant la guerre. Fondamentalement presse d’opinion militante, la presse anarchiste – en n’étant plus en mesure de se déployer dans la manifestation de son identité subversive – se vit instrumentalisée comme propagande officieuse des nouvelles instances politiques. »

À partir de 150 publications dépouillées, Michel Froidevaux appréhende les aspects essentiels d’une situation historique dont on n’a toujours pas fini de parler. Il propose en annexes une chronologie, des cartes et une journaugraphie.
« La problématique du pouvoir » et la confrontation des « postulats libertaires à l’épreuve des faits » constituent les objectifs de sa recherche, qu’il a organisée en une série de thèmes : la possibilité de changer radicalement l’ensemble d’une société ; l’adéquation des procédés utilisés et des buts proclamés ; l’éclatement et l’atomisation du pouvoir politique ; l’autogestion comme dynamique ; la réalité d’une révolution sociale avec de nouvelles valeurs communes ; l’attitude à l’égard des « contre-révolutionnaires » et des « ennemis ». Il a aussi esquissé « le paysage mental de l’époque ».

Autrement dit chacun trouvera dans ce livre les pépites qu’il cherche, selon ses propres angles d’analyse, car notre auteur a touché à tout, et il s’est donné toute liberté de « produire une étude critique [et] d’étudier les vicissitudes et décalages qui […] usèrent les postulats de l’idéal et se mirent à obstruer le passage vers une société libertaire ». On en trouve une illustration dans le chapitre « Contre les fainéants », où il souligne une constante de la presse anarchiste à se démarquer du lumpenprolétariat : « L’heure est arrivée de pratiquer l’amour du travail, que nous proclamions pour quand il ne serait plus sous le signe de l’exploitation. […] Une fois que du travail est offert à celui qui en manque, il doit l’accepter et en vivre. S’il résiste, on doit tout lui refuser, en le considérant comme le plus grand ennemi de la société, sans hésiter à le priver des moyens élémentaires de subsistance (Solidaridad Obrera, 6-1-1937). »

La même Soli prône la création de Comités d’habitation pour ficher les locataires, et la généralisation du certificat de travail – taxé de « pur style fasciste » un an avant. Avec le renforcement du contrôle du citoyen-travailleur, « la sphère privée de l’individu fut grignotée par les diverses autorités, sous l’invocation de la nécessaire participation de chacun aux efforts collectifs », constate Froidevaux
Dans le chapitre « Autogestion », il note : « L’apathie face au travail est une attitude à caractère endémique, intemporel. […] Une masse d’articles furent insérés dans la presse anarchosyndicaliste afin de refroidir les esprits quant au mirage du non-travail. »

En conclusion, Michel Froidevaux déplore « la propension démesurée de l’anarchosyndicalisme à vouloir plaquer son schéma d’associations professionnelles à l’ensemble de la société. Les relations sociales sont beaucoup plus vastes que le travail et que les seuls problèmes matériels. Ce n’est pas en recourant à une sacralisation du labeur que les anarchosyndicalistes seraient parvenus, par leur propre logique, à embrasser toutes les questions humaines ».

Myrtille Gonzalbo
[Noter l’erreur de signature de mon article attribué à Miguel Chueca]

Les Giménologues 10 janvier 2024