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Les Gimenologues
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RETOUR SUR UNE CONTROVERSE :
LOUIS MERCIER, SIMONE WEIL

Extrait de l’article de Phil Casoar, "Louis Mercier, Simone Weil : retour sur une controverse", in Présence de Louis Mercier, ouvrage collectif, ACL, Lyon, 1999.

Au cours de son périple avec la colonne Durruti, il y a les faits que Ridel note dans son carnet de route et publie dans Le Libertaire, et d’autres qu’il passe sous silence. Ces faits cachés vont resurgir seize ans plus tard, lorsque sera rendue publique la lettre que Simone Weil avait écrite en 1938 à Georges Bernanos, après avoir lu Les Grands cimetières sous la lune, livre dans lequel le romancier catholique dénonçait les crimes du camp nationaliste.
Charles Ridel avait été vivement impressionné par la personnalité et la stature intellectuelle de Simone Weil, et, après-guerre, il reviendra à plusieurs reprises dans ses écrits sur l’engagement aux côtés des miliciens de la CNT-FAI de la philosophe, morte entre temps à Londres en 1943.
Dès 1947, il consacre à Simone Weil un article dans Le Libertaire, qu’il signe encore des initiales de son premier nom d’emprunt, C.R., alors qu’il a endossé désormais l’identité de Louis Mercier-Vega, citoyen chilien. Deux ans plus tard, devenu journaliste au Dauphiné Libéré, il écrit dans le quotidien grenoblois, à l’occasion de la publication de La Pesanteur et la Grâce, un élogieux et amical article commémoratif. En 1951, Mercier apporte encore sa contribution à un dossier sur Simone Weil, anarchiste et chrétienne, préparé par Lucien Feuillade pour la revue L’Âge Nouveau.
Aussi, pour Louis Mercier, la publication à l’automne 1954 dans Témoins [1] de la lettre de Simone Weil à Bernanos, est un choc. Il croit y voir un mauvais procès fait à ses camarades de combat du Groupe international.
Simone exposait en effet à Bernanos certains faits tragiques dont Ridel avait été le témoin plus ou moins direct au cours de son séjour sur le front d’Aragon, et qu’il s’était gardé de rapporter à l’époque dans ses articles du Libertaire.
Avant d’en venir à l’exposé de ces événements, et à la sorte de polémique posthume et unilatérale entre Simone Weil et Louis Mercier dont ils furent le lointain détonateur, arrêtons-nous d’abord sur la manière dont Ridel rendait compte dans le Lib’, semaine après semaine, de l’avance de la colonne Durruti en Aragon.
Dans les premiers reportages envoyés du front, le ton est tranchant, martial, sans réplique, surtout en ce qui concerne la « justice » révolutionnaire :
« Le massacre des anarcho-syndicalistes à l’intérieur de Saragosse a parait-il été terrible. Aussi l’on comprend que le mot d’ordre de la CNT et de la FAI soit : « pas de quartier ». Aucun sentimentalisme n’est plus possible devant la férocité fasciste. »
« A Lerida, les églises comme celles des autres villes catalanes sont purifiées par le feu.
« L’épuration des régions contrôlées se fait normalement. A la barbarie et à la cruauté fasciste répond la justice révolutionnaire. Curé et officiers fascistes en font régulièrement les frais. » [2]
« Les fascistes notoires qui n’ont pu s’échapper sont châtiés impitoyablement. » [3]
« Au village de Pina (…). La grande église est noircie par le feu qui a détruit tout le mobilier et les objets pieux. Pas de messe aujourd’hui, le curé est en fuite ou fusillé. » [4]

Selon Lucien Feuillade, ami intime de Ridel à l’époque, qui assistait parfois Louis Anderson, le secrétaire de rédaction du Libertaire, dans la préparation de la copie pour l’imprimerie, ce dernier était choqué par la désinvolture avec laquelle Ridel rapportait ces faits. Ander disait : « On reconnaît bien là l’état d’esprit des copains de la Fédération communiste libertaire… » Il voulait dire par là que ces derniers étaient plus proche de l’esprit « netchaiëvien » des bolcheviks, que de celui, pétri d’humanisme, des anarchistes de la « synthèse ».
A ceci près, fait remarquer aujourd’hui Feuillade, que c’était là les propos d’un homme qui n’aurait jamais fusillé personne, mais qui ne se battait pas non plus, et ne risquait donc pas d’être mis face à de telles situations (contrairement à Simone Weil).

Maintenant, il faut revenir plus en détails sur le bref séjour de Simone Weil au sein du Groupe international de la colonne Durruti. Sur cette « micro-histoire », on dispose de trois témoignages — ceux, écrits à chaud, de Simone Weil et Charles Ridel, et celui, oral, de Charles Carpentier, recueilli cinquante ans plus tard, qui permettent de la reconstituer presque heure par heure.
En comparant les témoignages de Simone et de Ridel, on voit comment des détails minuscules mais révélateurs (par exemple sur les paysans, « alliés » ou non), sont perçus différemment selon les sensibilités de l’un ou de l’autre. Ridel se montre davantage réceptif aux faits qui vont dans le sens de la cause pour laquelle il combat, il ne veut voir que ce qui cadre avec son schéma révolutionnaire. Simone, elle, est certes de tout cœur du côté des faibles, des opprimés :
« Depuis l’enfance, mes sympathies se sont tournées vers les groupements qui se réclament des couches méprisées de la hiérarchie sociale, jusqu’à ce que j’ai pris conscience que ces groupements sont de nature à décourager toutes les sympathies. Le dernier qui m’ait inspiré quelque confiance, c’était la CNT espagnole. J’avais un peu voyagé en Espagne — assez peu — avant la guerre civile, mais assez pour ressentir l’amour qu’il est difficile de ne pas éprouver envers ce peuple ; j’avais vu dans le mouvement anarchiste l’expression naturelle de ses grandeurs et de ses tares, de ses aspirations les plus et les moins légitimes. La CNT, la FAI étaient un mélange étonnant, où on admettait n’importe qui, et où, par suite, se coudoyaient l’immoralité, le cynisme, le fanatisme, la cruauté, mais aussi l’amour, l’esprit de fraternité, et surtout la revendication de l’honneur si belle chez des hommes humiliés ; il me semblait que ceux qui venaient là animés par un idéal l’emportaient sur ceux que poussaient le goût de la violence et du désordre. » [5]
Mais Simone Weil est là aussi avec ses doutes, sa finesse d’observation, son absence de préjugés, son exigence éthique. C’est à juste titre qu’on la compare volontiers à George Orwell. Comme lui, elle est plus facilement touchée par des petits riens dérangeants, des choses furtives, mais lourdes de sous-entendus.

Le lundi 17 août 1936, dans la matinée, à Pina de Ebro, Louis Berthomieux, délégué du Groupe international de la colonne Durruti, réunit ses hommes : il propose de traverser l’Ebre pour aller brûler des cadavres franquistes qui empestent. Par la même occasion, on en profitera pour pousser une reconnaissance.
Les Nationalistes sont retranchés dans la gare de Pina, sur l’autre rive de l’Ebre. Entre la gare et l’Ebre s’étend un no man’s land de champs et de marécages, traversé par deux étroits bras morts du fleuve.
Après un quart d’heure de discussions, une quinzaine d’hommes s’entassent dans la seule barque disponible. Simone Weil faisant mine de se joindre à eux, Berthomieux s’y oppose. Simone se fâche. Berthomieux, exaspéré par tant d’entêtement, s’exclame : « Seigneur, délivrez-nous des souris ! ». La discussion menaçant de s’éterniser, il la laisse accompagner la petite expédition.
Évidemment, à première vue, elle paraît un peu touchante et ridicule, cette intellectuelle myope et empotée qui veut à tout prix participer en première ligne à une opération de guérilla en compagnie de quelques durs-à-cuire.
Pourtant, dans son journal [6], elle fait preuve d’une rare acuité :
« Louis Berthomieux (délégué) : « On passe le fleuve. » Il s’agit d’aller brûler trois cadavres ennemis. On passe en barque (un quart d’heure de discussion…). On cherche. Un cadavre en bleu, dévoré, horrible. On le brûle. Les autres cherchent ce qui reste. Nous, on se repose. On parle de coup de main. On laisse le gros de la troupe retraverser. Puis on décide (?) de remettre le coup de main au lendemain. On revient vers le fleuve, sans se cacher beaucoup. On voit une maison. Pascual (du comité de guerre) : « On va chercher des melons. » (Très sérieusement !) On va par la brousse. Chaleur, un peu d’angoisse. Je trouve ça idiot. Tout à coup, je comprends qu’on va en expédition (sur la maison). Là, je suis très émue (j’ignore l’utilité de la chose et je sais que, si on est pris, on est fusillé). On se partage en deux groupes. Délégué Ridel et trois Allemands vont à plat ventre jusqu’à la maison. Nous, dans les fossés (après coup, le délégué nous engueule : on aurait du aller jusqu’à la maison). On attend. On entend parler… Tension épuisante. On voit les copains revenir sans se cacher, on les rejoint, on repasse le fleuve tranquillement. La fausse manoeuvre aurait pu leur coûter la vie. Pascual est le responsable. (Carpentier, Giral avec nous).

Il y a ensuite un passage assez révélateur dans les notes de Simone Weil, à la fois sur les rapports au sein d’un groupe de combattants volontaires et sur la psychologie de Ridel (c’est le seul regard extérieur que nous ayons sur lui dans ces moments là, à part le témoignage de Carpentier, généralement plus abrupt). Avant de transcrire ce passage, voyons d’abord l’extrait du carnet de route de Ridel correspondant à la même journée :
« Mardi 18
Toute la journée se passe en préparatifs de toutes sortes. Il faut songer au transport, à l’établissement et au ravitaillement du groupe international, c’est-à-dire de 23 hommes environ (y compris Simone Weil qui vient de nous rejoindre).
Nous passerons cette nuit à l’autre rive en nous servant d’une barque. »
Après ce rapport sec et factuel, voici les notes de Simone :
« Mardi 18
Des tas de projets pour l’autre côté du fleuve. Vers la fin de la matinée, on décide d’y passer au milieu de la nuit, nous le « groupe », pour y tenir quelques jour jusqu’à l’arrivée de la colonne Sastago.
(…)Volontaires, bien sûr. La veille au soir, Berthomieux nous a réuni au 18, demandé notre avis. Silence complet. Il insiste pour qu’on dise ce qu’on pense. Encore un silence. Puis Ridel : "Ben quoi, on est tous d’accord." Et c’est tout. »

Personne ne bronche, mais on sent bien que certains ont peur, ou ne sont pas certains du bien fondé de cette opération, mais qu’ils ne disent rien, de crainte d’avoir l’air de se dégonfler devant les autres. On devine qu’il y a comme un flottement, parce qu’il ne s’agit pas d’un groupe de soldats entraînés, habitués à obéir sans discuter à leurs chefs. Et mine de rien, Ridel assume la responsabilité de répondre pour tout le monde, dans une situation de vie ou de mort, et les autres se rangent à son avis bon gré, mal gré, un peu contraints par la pression morale du groupe. Simone Weil, qui est la seule femme présente, perçoit très bien tout cela.

Cette nuit là, entre deux et quatre heures du matin, le groupe retraverse l’Ebre.
Berthomieux a déniché une hutte de charbonnier sur la berge. Il y fait transbahuter tout le barda, et y installe Simone Weil.
Le soleil levé, une partie du groupe pousse jusqu’à la ferme repérée l’autre fois. Les miliciens y découvrent une famille de paysans, craintifs et méfiants, et un gars de dix-sept ans, valet de ferme et adhérent à la CNT. Il renseigne les hommes du groupe : l’ennemi les a repéré, lors de leur reconnaissance précédente. Le lieutenant qui commande ici, a retiré ses sentinelles pour les laisser débarquer, et espère bien les piéger.
Porteuse de ses renseignements, la patrouille revient à la hutte. On se concerte avec le Comité de guerre de Pina : ordre de retourner à la ferme, et d’évacuer ses occupants.
Simone relate ainsi la suite :
« Berthomieux, furieux (c’est dangereux de retourner encore une fois à la maison), rassemble expédition. Me dit : « Toi, à la cuisine ! ». Je n’ose pas protester. D’ailleurs, cette expédition ne me va qu’à moitié… Je les regarde partir avec angoisse (au fond, d’ailleurs, je suis presque autant en danger). On prend nos fusils. On attend. Bientôt, l’Allemand propose d’aller au petit retranchement, sous l’arbre occupé par Ridel et Carpentier (ils sont de l’expédition, bien entendu). On s’y couche, à l’ombre, avec les fusils (non armés). On attend. De temps à autre, l’Allemand laisse échapper un soupir. Il a peur, visiblement. Moi pas. Mais comme tout, autour de moi, existe intensément ! Guerre sans prisonniers. Si on est pris, on est fusillé. Les copains reviennent. Un paysan, son fils et le petit gars… Fontana lève le poing en regardant les garçons. Le fils répond visiblement à contre-coeur. Contrainte cruelle…
Le paysan retourne chercher sa famille. On revient à ses places respectives. Reconnaissance aérienne. Se planquer. Louis gueule contre les imprudences. Je m’étends sur le dos, je regarde les feuilles, le ciel bleu. Jour très beau. S’ils me prennent, ils me tueront… Mais c’est mérité. Les nôtres ont versé assez de sang. Suis moralement complice. Calme complet. On se regroupe — puis ça recommence. Me planque dans la hutte. On bombarde. Sors pour aller vers le fusil-mitrailleur. Louis dit : « Faut pas avoir peur (!) ». Me fait aller avec l’Allemand dans la cuisine, nos fusils à l’épaule. On attend. Enfin vient la famille du paysan (trois filles, un garçon de huit ans), tous épouvantés (on bombarde pas mal). S’apprivoisent un peu. Très craintifs. Préoccupés du bétail laissé à la ferme (on finit par le leur ramener à Pina). Évidemment pas sympathisants.
 »
Dans le Libertaire, Ridel, quand il évoque l’évacuation des habitants de la ferme Durio, parle de « sympathisants à notre cause », amalgamant le valet de ferme, effectivement membre de la CNT, et la famille qui l’employait. À l’intention des lecteurs du Libertaire, il valait mieux que tous les paysans apparaissent comme clairement partisans de le révolution sociale.

Après avoir fait traverser la rivière à la famille du fermier et placé quelques sentinelles, le gros du groupe se replie au bord de l’Ebre pour passer sa première nuit en territoire ennemi.
Dès l’aube, le lendemain, jeudi 20 août, Berthomieux et Ridel, avec une petite équipe, s’en vont patrouiller le long du fleuve, en direction de Quinto.
Le reste des Internationaux, parmi lesquels Carpentier, s’active à améliorer le campement. Simone Weil, nommée cantinière, aide le cuisinier allemand. C’est alors que ce produit l’accident qui va la mettre hors de combat. Simone ne voit pas une large poêle, posée au ras du sol sur un feu de braises, et se brûle cruellement le pied et la jambe gauche. Carpentier demande à Martinez d’emmener Simone Weil à l’infirmerie de Pina.
Pendant ce temps, la patrouille menée par Berthomieux et Ridel fait une rencontre imprévue aux abords du village de Quinto. Ridel raconte :
« Nous nous heurtons à un paysan. Le délégué prend quelques informations. Mais que faire de cet homme qui peut maintenant signaler notre présence et déranger notre plan ? Nous nous décidons à l’emmener avec nous en lui promettant de bien le traiter.
Il n’a pas l’air bien convaincu et s’il nous accompagne, c’est que nos fusils sont des arguments de poids. (…) »

Samedi 22 août
Au lever nous apprenons que le paysan transmis à Pina a été reconnu par des volontaires de Quinto. C’était un fasciste actif, exploiteur bien connu, coupable d’un meurtre sur la personne d’un militant de gauche lors des dernières élections. Il a été fusillé cette nuit à Bujaraloz.
 »

Ce même jour, en fin d’après-midi, une trentaine de phalangistes tentent de déloger le groupe international de la rive gauche de l’Ebre. Le groupe repousse l’attaque des phalangistes.
« Nous trouvons deux de leurs morts sur le terrain et ramenons un jeune prisonnier. (…) Le prisonnier — 16 ans — est porteur d’un carnet certifiant qu’il est bon catholique. » écrit alors Ridel dans Le Libertaire.
La suite, la voici, racontée par Carpentier, un demi-siècle plus tard :
« Le prisonnier, on l’a repassé de l’autre côté de l’Ebre en barque. Et ce jeune, il a été remis aux Espagnols, il a fini par être fusillé. Ben oui, on a tous été affectés par cette histoire… »
Pourtant, Ridel ne signale pas dans son reportage ce qui est arrivé au jeune prisonnier, alors qu’il relate sans état d’âme l’exécution du paysan forcé par lui et ses camarades à les suivre, et qui a été reconnu comme un « fasciste » et un meurtrier.
A la décharge de Ridel, il faut noter que les dernières lignes des extraits de son Carnet de route, publiées dans le Libertaire le 18 septembre 1936, sont datées du dimanche 23 août, soit 24 heures après la capture du jeune phalangiste. A ce moment là, les membres du Groupe international ignoraient probablement le sort réservé au petit phalangiste. Et Ridel ne reprend ses reportages dans le Libertaire qu’environ trois semaines après l’opération ratée de la tête de pont à Pina de Ebro. Beaucoup de choses se sont passées entre temps, notamment la prise de Siétamo. Mais là encore, Ridel passe sous silence le fait que des miliciens espagnols ont exécutés arbitrairement de jeunes hommes du village, découverts cachés dans les caves après la fin des combats. Il tait aussi le comportement sanguinaire de Sévilla, un ancien du Tercio, intégré au Groupe international, et qui, non content de se charger d’exécuter les phalangistes condamnés à mort par le tribunal de guerre de la colonne, réclamait le prix du sang au décuple pour venger ses camarades tombés, avant d’être sèchement rabroué par Louis Berthomieux.
Cela n’empêche pas Ridel de renchérir dans un de ses articles sur l’efficacité de la justice révolutionnaire, sans regimber devant l’aspect pour le moins expéditif de la procédure :
« La justice cherchait depuis des mois un responsable d’actes de répression, en trois jours la justice populaire trouve et les coupables et les preuves et le châtiment… » [7]

Ce n’est donc que 20, puis 40 ans après, que Mercier évoquera les crimes commis par ceux de son bord, dans ses réponses à Simone Weil.
Cependant, dès juillet 1937, le journaliste Mathieu Corman [8], dans son livre Salud Camarada, racontait l’histoire d’un petit phalangiste capturé par les miliciens de Durruti. Tout porte à croire qu’il s’agit bien du garçon dont parlent Mercier et Simone Weil. Dans Salud Camarada, Corman décrit ainsi la confrontation entre Durruti et l’adolescent :
« Amené au comité de guerre de la colonne, le délégué-général, Buenaventura Durruti, lui dit, en l’enveloppant de son regard de fauve blessé :
« Tu es trop jeune pour mourir : nous ne fusillons pas les enfants ! Mais il faut que tu nous donnes ta parole de ne plus jamais rien entreprendre contre nous. Nous n’avons pas de prison pour t’enfermer. Ta parole suffira. Veux-tu me la donner ? »
Le prisonnier imprima à sa tête un lent mouvement négatif :
« Non ! »
« Tu as bien réfléchi ? »
« Oui ! »
« Tu l’auras voulu ! »
Le tribunal populaire, constitué par le comité du village, le condamna à mort le même jour.
C’était un jeune mystique. Tout son corps tremblait quand on l’emmena vers le petit bois dont l’orée touche au village, ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire. En marchant, il murmura continuellement : « Arriba España ! »
On lui demanda s’il voulait être fusillé « de dos ». Il refusa. Les cinq miliciens se rangèrent face à lui. Il croisa les jambes, déchira sa chemise sur sa poitrine et commanda lui-même :
« Arriba España ! Fuego !… »
Dans une lettre trouvée parmi des papiers, sa mère lui recommandait de se battre jusqu’à la mort…
Il avait quinze ans… »

En mettant déjà de côté son ton un tantinet romancé, on peut se poser quelques questions sur ce témoignage. L’entrevue entre le petit phalangiste et Durruti, et l’exécution, auxquelles Corman n’assistait probablement pas, comment les a-t-il reconstituées ? Autant qu’on puisse en juger à la lecture de son livre Salud Camarada, le journaliste belge, qui s’intégra brièvement au Groupe international, n’était pas encore à Pina au moment des faits. Il semble avoir rejoint le groupe peu de temps avant la prise de Siétamo. Il faut noter par ailleurs que plus loin dans son livre, Corman présente de façon erronée et dramatisée les circonstances qui permirent à Ridel et Carpentier d’échapper à la destruction presque complète du Groupe international à Perdiguerra.
Pourtant le récit du reporter recoupe en plusieurs points la version de Simone Weil que l’on va découvrir maintenant, avec un large extrait de sa lettre à Bernanos. Cette version reflète en réalité le récit que lui firent Ridel et Carpentier des circonstances de la capture et de la fin du petit phalangiste, lors de leur visite à Sitgès en septembre 1936 (à moins que Simone Weil n’ait lu par la suite le livre de Corman, paru quelques mois plus tard, et n’y ait puisé certains des détails qu’elle donne dans cette lettre écrite en 1938 ?) :
« J’ai reconnu cette odeur de guerre civile, de sang et de terreur que dégage votre livre ; je l’avais respirée. (…) Combien d’histoires se pressent sous ma plume…
(…) En Aragon, un petit
groupe international de vingt-deux miliciens de tous pays prit, après un léger engagement, un jeune garçon de quinze ans, qui combattait comme phalangiste. Aussitôt prisonnier, tout tremblant d’avoir vu tuer ses camarades à ses côtés, il dit qu’on l’avait enrôlé de force. On le fouilla, on trouva sur lui une carte de phalangiste ; on l’envoya à Durruti, chef de la colonne, qui, après lui avoir exposé les beautés de l’idéal anarchiste, lui donna le choix entre mourir et s’enrôler immédiatement dans les rangs de ceux qui l’avaient fait prisonnier, contre ses camarades de la veille. Durruti donna à l’enfant vingt-quatre heures de réflexion ; au bout de vingt-quatre heures l’enfant dit non et fut fusillé. Durruti était pourtant à certains égards un homme admirable. La mort de ce petit héros n’a jamais cessé de me peser sur la conscience, bien que je ne l’aie apprise qu’après coup.
Ceci encore : dans un village
 [9] que rouges et blancs avaient pris, perdu, repris, reperdu je ne sais combien de fois, les milciens rouges, l’ayant repris définitivement, trouvèrent dans les caves une poignée d’êtres hagards, terrifiés et affamés parmi lesquels trois ou quatre jeunes homme. Ils raisonnèrent ainsi : si ces jeunes hommes, au lieu d’aller avec nous la dernière fois que nous nous sommes retirés, sont restés et ont attendu les fascistes, c’est qu’ils sont fascistes. Ils les fusillèrent donc immédiatement, puis donnèrent à manger aux autres et se crurent très humains.
(....)À Barcelone, on tuait en moyenne, sous forme d’expéditions punitives, une cinquantaine d’hommes par nuit. C’était proportionnellement beaucoup moins qu’à Majorque
 [10], puisque Barcelone est une ville de près d’un million d’habitants (…). Mais les chiffres ne sont peut-être pas l’essentiel en pareille matière. L’essentiel, c’est l’attitude à l’égard du meurtre. Je n’ai jamais vu, ni parmi les Espagnols, ni même parmi les Français venus soit pour se battre, soit pour se promener — ces derniers le plus souvent des intellectuels ternes et inoffensifs — je n’ai jamais vu personne exprimer même dans l’intimité de la répulsion, du dégoût ou seulement de la désapprobation à l’égard du sang inutilement versé. (…) Des hommes apparemment courageux — il en est au moins un dont j’ai de mes yeux constaté le courage — au milieu d’un repas plein de camaraderie, racontaient avec un bon sourire fraternel combien ils avaient tué de prêtres ou de "fascistes" — terme très large. J’ai eu le sentiment, pour moi, que lorsque les autorités temporelles et spirituelles ont mis une catégorie d’êtres humains en dehors de ceux dont la vie a un prix, il n’est rien de plus naturel à l’homme que de tuer. Quand on sait qu’il est possible de tuer sans risquer ni châtiment ni blâme, on tue ; ou du moins on entoure de sourires encourageants ceux qui tuent. Si par hasard on éprouve d’abord un peu de dégoût, on le tait et bientôt on l’étouffe de peur de paraître manquer de virilité. Il y a là un entraînement, une ivresse à laquelle il est impossible de résister sans une force d’âme qu’il me faut bien croire exceptionnelle, puisque je ne l’ai rencontrée nulle part. J’ai rencontré en revanche des Français paisibles, que jusque-là je ne méprisais pas, qui n’auraient pas eu l’idée d’aller eux-mêmes tuer, mais qui baignaient dans cette atmosphère imprégnée de sang avec un visible plaisir. Pour ceux-là je ne pourrai jamais avoir à l’avenir aucune estime.
Une telle atmosphère efface aussitôt le but même de la lutte. Car on ne peut formuler le but qu’en le ramenant au bien public, au bien des hommes — et les hommes sont de nulle valeur. Dans un pays où les pauvres sont, en très grande majorité, des paysans, le mieux-être des paysans doit être un but essentiel pour tout groupement d’extrème-gauche ; et cette guerre fut peut-être avant tout, au début, une guerre pour et contre le partage des terres. Eh bien, ces misérables et magnifiques paysans d’Aragon, restés si fiers sous les humiliations, n’étaient même pas pour les miliciens un sujet de curiosité. Sans insolences, sans injures, sans brutalité — du moins je n’ai rien vu de tel, et je sais que vol et viol, dans les colonnes anarchistes, étaient passibles de la peine de mort —, un abîme séparait les homme armés de la population désarmée ; un abîme tout à fait semblable à celui qui sépare les pauvres des riches. Cela se sentait à l’attitude, toujours un peu humble, soumise, craintive des uns, à l’aisance, la désinvolture, la condescendance des autres.
 [11]
On part en volontaire avec des idées de sacrifice, et on tombe dans une guerre qui ressemble à une guerre de mercenaires, avec beaucoup de cruautés en plus et le sens des égards dus à l’ennemi en moins.

(…)Depuis que j’ai été en Espagne, que j’entends, que je lis toutes sortes de considérations sur l’Espagne, je ne puis citer personne, hors vous seul, qui, à ma connaissance, ait baigné dans l’atmosphère de la guerre espagnole et y ait résisté. Vous êtes royaliste, disciple de Drumont — que m’importe ? Vous m’êtes plus proche, sans comparaison, que mes camarades des milices d’Aragon — ces camarades que, pourtant, j’aimais. »

Suite à la publication en octobre 1954 de cette lettre dans Témoins, Louis Mercier réagit dans le numéro suivant de la revue :
« La présentation des incidents, faits et événements correspond-elle à la réalité que Simone Weil a connue lors de son séjour en Espagne ? De l’avis des survivants du groupe international de la colonne Durruti auquel elle appartint, non. L’affaire du jeune phalangiste fait prisonnier par les miliciens internationaux lui a été contée par ces miliciens eux-mêmes qui s’indignaient de ce que le jeune homme eût été fusillé à l’arrière, avec l’approbation, dans l’indifférence, ou sur ordre — la précision n’a jamais été obtenue — de l’état-major de la colonne. Les réactions de Simone Weil furent celles des combattants. Mais la recherche d’une parenté avec Bernanos l’incita à généraliser. Il n’est pas question de nier ou de minimiser les horreurs d’une guerre révolutionnaire, ni de dissimuler les instincts de certains miliciens. Ce qui est indispensable, c’est d’établir un tableau complet des sentiments ou des passions qui purent se donner libre cours, et non pas de juger les révolutionnaires en bloc. » [12]

Près de vingt ans passent encore et, à l’occasion d’un ouvrage collectif des Dossiers H dédié aux Écrivains et la Guerre d’Espagne, dans lequel il signe (en hispanisant son nom cette fois ci !) le chapitre sur Simone Weil, Luis Mercier-Vega revient longuement sur l’affaire :
« (…) il s’agit non pas d’une lettre critiquant le agissements, le comportement, la cruauté ou le crimes du camp républicain, mais d’un jugement absolu sur l’ensemble des révolutionnaires, miliciens espagnols ou étrangers. Or la plupart des faits que Simone dénonce lui ont été rapportés par ses compagnons du Groupe international, eux-mêmes indignés.
Ce qui paraissait un procédé inacceptable, c’était la façon dont elle s’adressait à Bernanos, pour capter sa sympathie, s’en faire un interlocuteur amical, au même niveau, dans le même esprit, fût-ce au détriment de ses anciens camarades. Car l’exécution du jeune phalangiste fait prisonnier à Pina, par exemple, ce sont ses amis Ridel et Carpentier qui la lui ont racontée quand ils l’ont visitée à Sitges, avec beaucoup moins de détails qu’elle en imagine pour toucher son interlocuteur chrétien.
Par contre, quand elle déclare qu’elle a connu « des Français (…) qui baignaient dans cette atmosphère imprégnée de sang avec un véritable plaisir »
 [13], ou « qu’un abîme séparait les hommes armés de la population désarmée », ou encore qu’« on part en volontaire, avec des idées de sacrifice, et on tombe dans une guerre de mercenaires…  » [14], aucun des survivants du groupe international ne peut reconnaître ce qu’il a, plus longtemps que Simone et avec une égale sensibilité, vu et vécu.
Le groupe, ni collectivement, ni par l’intermédiaire d’aucun de ses membres, n’avait participé à un quelconque peloton d’exécution (deux miliciens espagnols furent exclus de ses rangs quand ils reconnurent avoir fait partie antérieurement d’une équipe semblable). »
(Ici, il faut citer le témoignage de Carpentier, qui contredit en partie celui de Mercier :
« Après la prise d’Osera, on est revenu loger à Pina dans la maison du notaire. Ça n’a pas été très joli d’ailleurs : je me suis fâché. J’étais parti pour une raison ou une autre avec Ridel à Caspe, et quand on est revenu, les habitants de Pina avaient condamné le notaire à mort et avaient demandé au groupe international de fusiller le mec, et ils l’avaient fusillé ! Moi je me suis vraiment fâché, j’étais vraiment pas content, je voulais virer des mecs. Martinez et Ridel m’ont supplié. Ridel a dit bon, on passe l’éponge. Mais moi je n’étais pas content, j’ai dit : on est venu pour se battre, pas pour fusiller des gens. Si on prend des prisonniers, on les remet aux Espagnols, ils en font ce qu’ils en veulent, mais nous en aucun cas on ne doit fusiller un type. Qu’on les tue quand on se bat, d’accord, mais jamais on ne doit fusiller un type… »)
Louis Mercier poursuit :
Louis Berthomieux, de même que les délégués des diverses sections, avait constamment protégé les prisonniers ou les ralliés contre les menaces de certains exaltés. [15]
(…)Le souci de « trouver » Bernanos, de créer un langage qui leur fût commun, semble avoir poussé Simone Weil a dépasser ce qu’elle savait d’expérience propre. Ses amis, qui l’avaient acceptée, adoptée, avaient comme elle, sinon avant elle, et dans les conditions même de la guerre civile, sur le terrain, résisté à l’ambiance de violence gratuite.
(…)La phrase des carnets de Simone Weil sur le sang versé par « les nôtres » est antérieure aux crimes et méfaits qu’elle citera dans la lettre à Bernanos (l’exécution du jeune phalangiste, le massacre de civils à Siétamo, par exemple). La milicienne qui réclame son poste de combat connaît les défauts ou les tares du camp en faveur duquel elle s’engage. La complexité des situations de guerre civile interdit donc les jugements en forme de couperet ; mais quand elle s’adresse au romancier catholique, la condamnation qu’elle présente frappe la totalité de ses camarades d’Aragon.
(…)Aussi profond que fût son engagement, aussi bouleversant que fût son témoignage, elle n’appartenait pas naturellement à ces groupes d’hommes et de femmes issus de couches sociales ouvrières et conscients d’y appartenir
 [16].
(…)Paradoxalement, c’est pendant les quelques jours de son passage dans les milices d’Espagne que Simone Weil aurait pu rencontrer des êtres qui, brûlés par leur soif d’absolu, cherchaient comme elle une brèche dans le mur de l’absurde. Voués à la quête d’une société de justice et de liberté, broyés par des régimes de force brutale ou hypocrite, coincés entre leur rêve et leur lucidité, ils partirent combattre en Espagne non pas dans l’espoir du triomphe, mais dans la certitude de pouvoir y mourir sans trahir. »
 [17]

Louis Mercier, trente-sept années plus tard, se dit aussi indigné que Simone Weil par l’exécution du jeune phalangiste et les autres exactions. Mais comme il s’est condamné, suite à son changement d’identité, à parler de son action pendant la Guerre d’Espagne à la troisième personne, il ne va jamais au bout de son témoignage personnel. Et les sentiments du jeune milicien Charles Ridel, ne parviennent jamais vraiment à s’exprimer sous la plume de Louis Mercier, semble-t-il. À ce propos, citons un dernier témoignage, celui de René Ringeas, secrétaire des Jeunesses de L’Union Anarchiste dans les années 30, et ami de Ridel :
« L’histoire du jeune fasciste, je ne l’ai jamais approfondie, parce que je savais que c’était très désagréable à Ridel d’en reparler. Moi, il m’a dit : « Qu’est-ce que tu veux… On n’y pouvait plus rien… ». Mais ça a été pour lui une histoire dont il s’est rappelé jusqu’à la fin de ses jours. Parce qu’ils auraient tous voulu le sauver… Mais ils auraient voulu qu’il participe un peu, ils sentaient bien qu’il était prêt à retourner prendre les armes contre eux… » [18]
Louis Mercier, dans ses commentaires successifs de la lettre à Bernanos, suggère que Simone Weil a rajouté des détails pour émouvoir son interlocuteur chrétien, mais il ne nous dit pas lesquels. Il ne reprend pas les faits par le menu, il ne donne qu’un aperçu assez vague des circonstances de la condamnation à mort du jeune phalangiste (« avec l’approbation, dans l’indifférence, ou sur ordre — la précision n’a jamais été obtenue — de l’état-major de la colonne »). Il ne nous dit pas si, à sa connaissance, Durruti avait bien promis la vie sauve au jeune phalangiste à condition qu’il renie ses convictions, comme l’affirme Simone Weil.
Par ailleurs, même romancé, le récit de Mathieu Corman, qui lui n’a pas pu avoir connaissance de la lettre de Simone Weil, confirme bien l’existence d’un tel marché, même s’il diffère sensiblement dans le détail.
En lui proposant un marché de ce genre, Durruti paraît manquer de discernement face à ce garçon buté dans son idéal : a-t-il essayé simplement d’imaginer la situation inverse, celle d’un jeune anarchiste mis en demeure par des phalangistes, pour sauver sa peau, de renoncer à reprendre les armes contre eux, voire de rejoindre leur rangs ? En fait, le leader anarchiste est tellement sûr de la justesse de sa cause qu’il se comporte comme un prêtre jésuite sommant un hérétique d’abjurer sa foi, sous peine de mort.
Le texte de Mercier, quoique très imprécis, porterait d’ailleurs à accréditer plutôt la version de Corman, concernant l’attitude de Durruti : en fin de compte, Durruti se serait lavé les mains du sort du jeune garçon (« …dans l’indifférence… »).
Pourquoi Durruti, qui savait se montrer magnanime et avait empêché plus d’une exécution sommaire, a-t-il cette fois-ci fait preuve d’une telle indifférence ?
Bien sûr, il y avait les atrocités commises en face — et là, de la part des défenseurs du Christ-roi, nulle miséricorde n’était à espérer. Si l’on considère la date de la capture du jeune phalangiste, on remarque que cela se passe quelques jours après le massacre de Badajoz, en Andalousie, où le 14 août, légionnaires et phalangistes avaient tués à la mitrailleuse, puis brûlé au pétrole des centaines de prisonniers républicains dans les arènes de la ville.
En outre, la chute de Saragosse aux mains des franquistes était encore toute récente, et chacun savait que la répression contre les anarcho-syndicalistes et les militants de gauche avait été particulièrement féroce (plusieurs milliers de morts). Cela n’incitait pas Durruti et ses miliciens à la clémence. Pour autant, le châtiment de l’adolescent capturé apparaît comme une bien dérisoire application de la loi du Talion.
Que l’on sache, l’adolescent n’est accusé d’aucun crime précis, à part celui d’avoir pris les armes contre la République, pour une cause qu’il croit bonne — chef d’accusation retenu contre bon nombre d’anarchistes espagnols, et contre Durruti lui-même, lors des soulèvements révolutionnaires des années 30 !

Cette histoire, on croit le deviner, a laissé à Louis Mercier un sale goût dans la bouche ; « La mort de ce petit héros n’a jamais cessé de me peser sur la conscience » écrit pour sa part Simone Weil. Mais est-ce seulement à cause de la compassion légitime que chacun peut éprouver pour un garçon de quinze ans mis à mort de sang-froid ?
Car l’exécution du petit phalangiste n’est pas une simple « bavure », il ne s’agit pas d’un acte de cruauté gratuite, d’une vengeance sauvage accomplie dans le feu de l’instant comme il s’en produit couramment dans les guerres civiles, mais d’une sentence appliquée avec l’assurance sincère que donne le sentiment d’agir pour une cause juste. En définitive, c’est au nom d’un idéal présumé plus juste, généreux et humain que celui défendu par ce jeune garçon fanatisé, qu’on le tue. Et c’est bien là l’aspect le plus troublant de ce triste épisode.