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Tierra y Libertad !
La Finca Somonte résistera
Nicholas Bell, Forum Civique Européen

Immense espoir dans un contexte de crise profonde et de chômage, la passionnante aventure lancée par les journaliers agricoles du SOC, qui occupent la Finca Somonte à Palma del Rio dans la province andalouse de Córdoba depuis le 4 mars, vit aujourd’hui sous la menace permanente d’une opération d’expulsion des guardia civil.

Début avril, nous avons partagé pendant trois jours leur quotidien. La ferme Somonte est devenue un lieu de débat, de rencontre, de réflexions, de rêves, de travail aussi, car il y a le grand jardin à planter grâce aux semences et aux plants apportés par des amis solidaires, il y a les canaux d’irrigation à nettoyer, il y a les repas collectifs à préparer pour les occupants ainsi que pour les camarades journaliers, les amis et journalistes espagnols et européens [1] venus les soutenir.

Les « Somontais » commencent à imaginer ce qui pourrait être réalisé sur ce domaine de 400 hectares, terriblement uniforme, un vaste espace ondulant de champs sans haies, semés de céréales ou autres cultures prometteuses, grâce à la politique agricole commune, c’est-à-dire en subventions. La priorité est de revenir à une forme de culture qui privilégie le travail manuel et la mise en valeur de produits de qualité. Lors que nous y étions, l’agronome responsable des cultures à Marinaleda est venu apporter des conseils, suite à un tour de terrain à dix dans un pick-up.

Le village de Marinaleda est un bastion du SOC situé à 50 km de Somonte qui a réussi à créer le quasi plein emploi grâce à une coopérative, « El Humoso », qui cultive de grandes surfaces de légumes et les transforme dans une conserverie industrielle. Pendant très longtemps, cette initiative mise en place par le SOC n’a guère cherché à développer des produits biologiques ou des circuits courts de commercialisation. Elle commence à le faire aujourd’hui. L’aventure de la Finca Somonte pourrait donner l’occasion idéale aux jornaleros du SOC d’imaginer des formes d’agriculture radicalement différentes de celle qui domine dans la région, d’abandonner les monocultures industrielles, de développer une diversité de cultures et aussi d’élevages, de planter des haies et des vergers. Des contacts sont déjà noués avec des praticiens et chercheurs, entre autres à l’université de Córdoba. Pour le moment, il y a le jardin et bientôt un hectare de poivrons qui seront transformés à Marinaleda, et une quarantaine de poules…

Il s’agit tout autant d’une expérience de vie collective, car la trentaine d’occupants, hommes, femmes, familles avec jeunes enfants, tentent de cohabiter dans l’espace réduit d’une maison avec trois chambres. Pour le moment ce sont des matelas par terre et parfois des énervements dans l’air, mais en gros l’ambiance est très conviviale et pleine d’enthousiasme. Lors des assemblées générales quotidiennes l’on prévoit les activités pour le lendemain, on échange des informations, on lit les messages de soutien venus de près ou de très loin, souvent dans d’autres langues. Lorsque nous y étions, il y a eu la visite remarquée d’un délégué du MST, le mouvement des sans terres brésilien qui a expliqué ses actions d’occupations de terres avec l’aide d’un film et laissé son drapeau sur le mur de la salle de réunion.

Même si ces travailleurs ont été exploités dans les champs depuis leur jeunesse, ils ont un profond amour pour le travail de la terre. Ils voudraient enfin pouvoir jouir des fruits de leurs efforts collectifs. Par contre, l’idée de propriété ne les effleure pas, ils la trouvent même aberrante. Récemment, une journaliste française en visite à la finca leur a demandé la valeur de la ferme. « Environ quatre millions et demi d’euros », ont-ils répondu. « Mais alors, je suis certaine que si vous lanciez une collecte vous pourriez trouver les moyens pour l’acheter ». « Mais nous n’avons aucune envie de l’acheter, cette ferme doit rester propriété publique mise à disposition des journaliers travaillant en coopérative ».

Les occupants sont très décidés à réaliser ce rêve, car les journaliers agricoles andalous sont aujourd’hui confrontés à un avenir sans perspectives, à des conditions de vie très dures. Juan risque prochainement de devenir une victime des desahuicios, expulsé de sa maison reprise par la banque à laquelle il n’arrive plus à payer l’hypothèque. Vladimir n’a pu trouver que 22 jours de travail pendant les six derniers mois. Même avec un emploi agricole la situation n’est guère mieux : 40 euros pour six heures et demie de travail…

La situation a été rendue encore plus pénible par le terrible coup de gel qui en février a décimé la récolte d’oranges sur les arbres. Dans la seule zone autour de Palma del Rio la perte est estimée à 100.000 tonnes – ce qui représente 215.000 journées de travail de moins pour les ouvriers locaux.

En même temps, malgré les résultats favorables des élections andalouses du 25 mars qui ont donné une position déterminante à la Gauche Unie, à laquelle appartient le parti du SOC [2], les « Somontais » savent qu’une expulsion est toujours possible. Encore plus depuis le 13 avril, jour où un juge du tribunal de Posadas, une ville entre Palma de Rio et Córdoba, a ordonné le desalojo. Déjà le matin du lundi 16 avril, une voiture de guardia civil est venue annoncer une opération bientôt.

Le SOC a bien sûr lancé un appel urgent à tous ses membres et sympathisants : venez aussi nombreux que possible assurer une présence massive à la ferme, et autrement intervenez auprès du Président du gouvernement andalou, propriétaire de la Finca, en l’appelant à annuler sa demande d’expulsion et à accorder l’usufruit de la ferme à long terme aux journaliers.

Pour envoyer des lettres à Sr. José Antonio Griñan, Presidente del Gobierno de la Junta de Andalucía, il faut aller sur le site :

http://www.juntadeandalucia.es/orga...

Pour exprimer votre soutien aux occupants, écrivez à somontepalpueblo@gmail.com

« Depuis Somonte nous assurons que nous ne nous laisserons pas expulser par les marchands de la corruption et du capitalisme. Somonte résiste et résistera. Devant le déploiement de la force brute des politiciens et des latifundistes nous répondrons avec plus d’occupations, plus de travail et plus de dignité » (Appel du SOC du 15 avril 2012).

Nicholas Bell, FCE