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Article de la revue Argelaga « LEY MORDAZA : LA LEY 1984 »
Sur « La loi organique de sécurité citoyenne », plus connue sous le quolibet de « ley mordaza », littéralement « loi bâillon » [1]

Le premier ministre français Manuel Valls avait parlé de « kyste » pour qualifier l’opposition à la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. C’est tout au contraire la société du capital qui s’est enkystée dans la société humaine, au point d’empêcher en apparence tout passage vers une société débarrassée de la valeur.

Un système en cours d’effondrement engendre à coup sûr de plus en plus de violence, à seule fin de se perpétuer. Les pays actuellement en première ligne sur la voie du collapsus se dotent en conséquence d’un arsenal juridique et policier à faire rougir d’aise les dictateurs du siècle passé. C’est ce qui se produit actuellement en Espagne, et c’est pourquoi nous reproduisons ces deux textes dus aux rédacteurs de la revue Argelaga.

Le premier, que nous donnons en espagnol et en français, nous décrit la crainte, au sein des appareils dirigeants, de voir la situation sociale déboucher dans des troubles graves que l’État démocratique ordinaire ne sera plus capable d’affronter.

Le second, donné ici seulement en espagnol, concerne le versant opposé, mais complémentaire, de la gestion de l’effondrement capitaliste. Comme en Grèce, où la situation est encore plus avancée, une partie des défenseurs du kyste capitaliste sont tentés de jouer la carte du baume citoyenniste, représenté en Espagne par la gauche « radicale » Podemos. Et comme souvent dans l’histoire du mouvement libertaire, une fraction de celui-ci, influencée par les thèses « plateformistes », se verrait bien coiffer les citoyennistes sur le poteau. C’est cette ambition, aussi bien fantaisiste que tout à fait immanente au kyste capitaliste, que les auteurs dénoncent dans leur texte.

En France, pays qui se trouve en deuxième ligne, le législateur prend en quelque sorte les devants, en s’armant de nouvelles lois qui étendent le contrôle à presque tous les aspects de la vie. Et la richesse abstraite accumulée y est encore suffisamment importante pour que la manne sous forme de richesse matérielle soit encore distribuée et que des mouvements sociaux tels que ceux qui sont apparus en Espagne n’aient pas encore vu le jour [2] . Mais c’est l’affaire de quelques mois, maintenant… Et cela pourrait fort bien démarrer à Notre-Dame-des-Landes, précisément, là où se retrouvent de nombreux humains qui cherchent un passage au delà du kyste.

Les Giménologues 18 juillet 2015.


La loi 1984

Le 1er juillet 2015, moment de l’entrée en vigueur de la « ley mordaza » et de la dernière réforme du Code pénal, la monarchie espagnole s’est transformée en un État policier, achevant ainsi une étape de populisme punitif qui démarra dans la décennie des années 90 avec la « ley de la patada en la puerta » [3] et le Code pénal « de la démocratie » en vigueur depuis 1995 : le plus dur en Europe et digne héritier du code franquiste. Ce qui avait été jusqu’à aujourd’hui un État de partitocratie caractérisé par un autoritarisme rampant émanant d’un « pouvoir » législatif qui peu à peu foulait aux pieds les droits et supprimait les libertés, avec la complicité d’un « pouvoir » judiciaire dépendant des partis, est dorénavant un État d’exception déclaré grâce à un système juridique fait à la mesure de l’appareil répressif. La différence n’est pas mince : jusqu’à avant-hier, la partitocratie s’appuyait principalement sur le conformisme des masses ; maintenant, elle le fait avant tout sur « les forces et les corps de sécurité ». Cela veut dire que les problèmes politiques sont de plus en plus considérés comme des problèmes de sécurité, c’est-à-dire des problèmes d’ordre public, que cela soit l’irruption incontrôlable de la question sociale ou l’affaiblissement irrépressible du régime devant les conséquences de la sortie de la Grèce de la zone euro. Il y a au minimum une part significative de la classe dominante qui est prise de panique devant le danger que comporte le développement des conflits sociaux dans les grandes villes et sur le territoire, conséquence directe de la crise économique et du discrédit institutionnel, et qui considère que le renforcement du système des partis qui a conduit à l’apparition de nouvelles options politiques n’est pas suffisant. Une partie de l’oligarchie dirigeante a plus confiance en l’intégration des partis et des coalitions émergentes à l’aide d’une politique d’accords ; une autre croit davantage aux cordons policiers avec carte blanche pour réprimer sans ménagements toutes velléités de protestation et de dissidence. Dans un cas, il suffirait d’appliquer les mécanismes habituels de vigilance et de contrôle du post-franquisme, fortement soutenus par la législation des gouvernements socialistes antérieurs ; dans l’autre, il s’agirait purement et simplement d’un retour à la politique de l’ordre pratiquée par la dictature franquiste.

Le pacte social qui fondait la partitocratie, symbolisé par la loi Corcuera [4], paraît s’être fissuré. Les forces politiques qui prétendent faire passer la « sécurité citoyenne » avant les droits actuels sur la vie privée, le logement, l’accueil de réfugiés, le droit de réunion, de manifestation et d’expression, pourtant eux-mêmes déjà bien réduits, pensent que la situation sociale menace de se détériorer et de dériver vers des conjonctures à la grecque, car le régime est trop vulnérable face aux spéculations financières ; et à mesure que de nouveaux trous surgissent dans le financement, il le sera encore plus. Pour conjurer une crise potentielle avec un autre sauvetage compliqué à l’horizon, comme un Syriza à l’espagnole, elles ont parié sur la ligne dure. Elles considèrent nécessaire d’imposer un « cadre juridique adéquat » et une déréglementation de l’activité policière qui permet une impunité totale lors de pratiques jusque-là illégales et exécutées sans trop de couverture, comme l’avait fait en son temps la loi précédente. On l’autorise même à prendre des sanctions qui incombaient auparavant au juge. Il semble que l’intervention arbitraire et disproportionnée de la police contre les « terceros », c’est-à-dire ceux qui protestent, soit, oligarchiquement parlant, la seule façon de garantir un « fonctionnement normal des institutions » à l’intérieur de la crise et, de la même manière, d’assurer la « tranquillité » des citoyens qui décident dans l’économie et la politique. Pour que la société et l’État continuent d’être dans les mains d’irresponsables et de corrompus, la rue doit rester à la merci des vrais violents : la flicaille.

La « loi bâillon » est la première du genre à définir le concept de « sécurité citoyenne » : c’est « la garantie que les droits et les libertés reconnus et protégés par les constitutions démocratiques peuvent être librement exercés par la citoyenneté ». Le propos s’éclaircit quand on comprend qu’il se réfère au droit d’être d’accord avec les dispositions de l’État et à la liberté de lui obéir. La législation sécuritaire agrandit l’échantillonnage des faits « perturbateurs » et des formes délictueuses dans des termes suffisamment ambigus pour couvrir un secteur important de la population : celui qui manifeste, désobéit, critique les politiques, s’oppose aux expulsions, convoque des actions par internet ; celui qui fait partie des piquets de grève, occupe les maisons, arrête le trafic, photographie les brutalités des forces de l’ordre ; celui qui interfère « dans le fonctionnement des infrastructures critiques », c’est-à-dire qui défend le territoire, y compris le supporteur passionné de football trop bruyant et… celui qui participe à un botellón [5] : la dipsomanie juvénile semble maintenant devenue subversive aux yeux dévots des dirigeants. Dans le panier punitif, on trouve de tout, du fanatique djihadiste au citoyen modeste qui ne se croit pas obligé de montrer sa carte d’identité au premier sbire venu, du pacifiste qui s’enchaîne contre les lignes THT au piéton qui refuse d’être fouillé, de l’immigrant sans papiers à l’insolvable qui résiste pour ne pas abandonner sa maison. Tous sont « infractores » (transgresseurs) et à ce titre figureront dans un registre, quelle que soit la légèreté de l’infraction et le degré de culpabilité, parce que si minimale soit-elle, elle est susceptible d’être considérée comme opposée à l’ordre constitutionnel et, par conséquent, responsable d’apporter son grain de sable à la déstabilisation « des institutions politiques, des structures économiques ou sociales de l’État ».

La « loi bâillon » nous indique que le régime de partitocratie évolue inéluctablement vers une société totalitaire, telle celle dénoncée par Orwell dans son roman « 1984 » : une information unilatérale, un contrôle des masses, une répression de l’activisme social, l’éradication de l’intelligence critique, les néo-langages et les ministères de l’oppression, où n’importe quel signe extérieur de non-conformité peut provoquer de terribles humiliations. Aujourd’hui, Big Brother n’est évidemment pas le Parti, mais l’État partitocratique ; néanmoins, les devises restent les mêmes : « la guerre, c’est la paix », « la liberté, c’est l’esclavage », « l’ignorance, c’est la force ». La « loi bâillon » est un produit typique de la Raison d’État parce qu’avec elle on vise un renforcement du pouvoir qui tend à la conservation du régime au-dessus des sujets appelés « citoyens », quel que soit le moyen employé. De préférence immoraux, arbitraires, violents et illégitimes, puisqu’aux yeux des experts en répression de l’oligarchie dirigeante, ils sont les plus efficaces. Depuis le 1er juillet, la partitocratie est visiblement ce qu’elle était déjà essentiellement : un État policier qui souhaite la bienvenue à son « citoyennisme » avec une expansion pénale parfaitement réglementée sans avoir besoin de recourir au coup d’État.

Revue Argelaga, le 6 juillet 2015


Version espagnole

LEY MORDAZA : LA LEY 1984
Source : https://argelaga.wordpress.com/2015/07/06/la-ley-1984/


Deuxième texte

DE LA CASPA EN EL MEDIO LIBERTARIO

Source : https://argelaga.wordpress.com/2015/06/21/de-la-caspa-en-el-medio-libertario/

“Salir del gueto” ha sido una canción entonada con frecuencia en los medios libertarios, lo cual, dada la situación confusa y aguachinada en la que se desenvuelven las luchas sociales, de por sí marginales, no significa más que quien la canta se dispone a dar la espalda a la verdad de las cosas en aras de una sobredosis de activismo. Encerrarse en un veganismo miope, un feminismo meramente gramatical, la lectura de Foucault o el punk no es más que una manera inofensiva de adaptarse a la triste realidad, pero no son mejores el voluntarismo ciego o la militancia orgánica. Eso no lleva a ninguna parte ; es pan para hoy y hambre para mañana. Son tiempos de descomposición sin apenas movilizaciones, sin mayorías lúcidas y furiosas, y no queda otra que analizar bien el presente resaltando las contradicciones susceptibles de ampliar las grietas del sistema y alentar la revuelta. La crisis sigue su propio ritmo, lento y desesperante, abierto a todas las falsas ilusiones, las únicas que por ahora son capaces de agrupar mayorías. Pero cerrar los ojos a la experiencia pasada y apechugar con flagrantes sinsentidos a fin de tener compañía y disfrutar de un sucedáneo de acción no soluciona el problema, sino que lo empeora. La sabiduría popular se equivoca en ese punto : no por ser muchos reiremos más.

Creemos sinceramente que la presencia de anarquistas refractarios en los movimientos sociales contribuye a la radicalización de estos. Si además, se organizan en grupos de afinidad y se federan con mayor o menor formalidad, mejor que mejor. Continúan una tradición histórica que ha sido fructífera. Los espacios autogestionados, las cooperativas sin liberados ni asalariados y las asambleas de barrio son herramientas de lucha necesarias. Pero ¡ay ! Si Teruel existe, el anarquismo de derechas también. Forzoso es reconocer que los resultados de las elecciones municipales del pasado 24 de mayo devolvieron la fe en las instituciones a amplios sectores de la población, más desconfiados con la política durante el 15M. El anarquismo edificante dejó de estar de moda en determinados ambientes alternativos. Una parte considerable de libertarios políticamente correctos ha quedado poco menos que traumatizada al ver que su medio natural, la clase media depauperada e informatizada, los estudiantes y la burocracia vecinal emigraban a otros pantanos. Su reacción no se ha hecho esperar : en multitud de reuniones los envidiosos del éxito ajeno claman contra el “cortoplacismo” ; los generales sin tropa reivindican un “anarquismo social y organizado” con “vocación de mayorías”, y, finalmente, los más originales, sienten voluptuosamente la necesidad de “una gran iniciativa social” que nos lleve a “conquistar juntos una verdadera democracia”. Tal es el caso de los autores del manifiesto Construir un pueblo fuerte para posibilitar otro mundo, verdadero pastiche ciudadanista que ha tenido la virtud de encandilar a unos centenares de firmantes.

En cuanto a imaginación y oficio, no se puede decir que sobre a los redactores, pero, en fin, en la época de la modernidad líquida, lo que importa es la pericia con los SMS y los whatsapps, no el saber escribir frases de más de una línea. Ya con el título aluden al eslogan “otro mundo es posible” de los antiglobis, pero recuérdese que ellos se referían a otra globalización, a otro capitalismo, no a un “modelo rupturista” con el que “reconstruirnos como sociedad libre y soberana” a través de una “democracia libertaria de las personas, no de los mercados”. El análisis de la “transición” es tan simple como el “erase una vez” de los cuentos de hadas : lo más alejado de un balance. “Democracia” es una palabra que se repite ad nauseam, un claro guiño a los indignados del 15M, bien relacionada con “nuestros derechos” y “la defensa de nuestras libertades y bienes comunes” ante una “élite” que “no nos representa”. ¿Qué libertades y qué bienes ? Palabras como “burguesía”, “proletariado”, “conciencia de clase”, “clase dominante”, “explotación”, “miseria”, “revolución”, “anarquía” o “autogestión” están completamente ausentes, lo que es normal si tenemos en cuenta que el manifiesto se dirige a la lumpenburguesía en su mismo idioma, parte de la cual ha preferido votar a los “compañeros” que “están optando por la vía institucional”. Estamos ante un intento de fabricar una “marca” anarquista grata a las clases medias, por eso el lenguaje usado ha sido expurgado de términos que les resulten molestos y violentos. El anarquismo guay de los tiempos líquidos no surge como expresión teórica de la lucha de clases, la revuelta urbana o la defensa del territorio, sino como ideología de la confrontación pacífica “en las calles y plazas” entre entes abstractos como “el pueblo”, “la sociedad” o “la mayoría” (lo que sus “compañeros” políticos llaman “ciudadanía”) y la maligna “élite” o “el 1%”. Ciudadanismo a largo plazo, nada contradictorio con el otro, pues solamente intenta “impulsar la independencia popular”, o sea, ocupar el espacio que aquél ha abandonado al marcharse por sendas electorales.

Bien. Como ya hemos hablado suficiente del guisado, hablemos ahora de los cocineros, pues no son precisamente lo que se dice vírgenes en la escena libertaria. Los impulsores del manifiesto de Apoyo Mutuo son militantes de variado origen, así como quienes lo han suscrito. De alguna forma Apoyo Mutuo representa en el estado español al plataformismo, la corriente más retrógrada del anarquismo, caracterizada ante todo por el fetichismo de la organización, el santo grial del “programa” y el oportunismo sin límites de su práctica. A pesar de arrogarse una genealogía que arranca con el mismísimo Bakunin, este fenómeno de feria nació en Chile hace quince años sacando del desván el tema del “partido anarquista”, centralizado, jerarquizado y disciplinado, con un programa único. Un “comité ejecutivo” se encargaba de “despertar” a las masas desde fuera para que alumbrasen formas de “poder popular”, gracias a una dirección “correcta” que no dudaba en enfangarse con aventuras políticas. Izquierdismo de reminiscencias leninistas, que necesita altos niveles de sectarismo y alucinación para reinterpretar en clave burocrático-vanguardista una realidad muy alejada de los delirios autoritarios plataformiles. Es pues un producto de la desagregación cultural, política, económica y social del capitalismo, verdaderamente hostil al sueño igualitario, cuentista y propio de los fragmentos de clase asociados a la gestión que el sistema expulsa en sus huidas hacia adelante.

El plataformismo es la única corriente dentro del anarquismo que habla de “poder” y justifica sin complejos la férrea necesidad de una burocracia mediadora. La versión española es más light y posmoderna tal como expresa su léxico buenrollista, y su vanguardismo está mejor disimulado en una “red de militantes” y una flexible “hoja de ruta”. Igual que sus mentores, Apoyo Mutuo considera la desorganización como el peor de los males y a los espontaneístas como al gran enemigo. Ignorando cualquier otra consideración, todos los males de la tierra son causados por falta de organización, y lo que es peor, por falta de un “programa común” que impide “actuar conjuntamente”. Hay que “acabar con la dispersión organizativa” y, gracias a una ingeniosa separación entre objetivos parciales y objetivos finales, “desarrollar las estrategias y tácticas que se estimen oportunas”, algo que se traducirá en prácticas reformistas y militantistas de tipo sindicalero, municipalista, asociacionista o parainstitucional. Como es de rigor, Apoyo Mutuo postula la necesidad de una burocracia dirigente a la que denomina “pueblo organizado” que administre el “poder popular”. Ha tenido buenos maestros en los figurones anarquistas que traicionaron la revolución durante la pasada guerra civil ; por eso han de estar por la rehabilitación de la casta libertaria que renunció a todo menos a la victoria de sus renuncias. Revisionismo historiográfico necesario para la mitificación de un pasado con las miserias a buen recaudo : el partido de la verdad convertido en verdad de partido. El manifiesto nos trasmite un mensaje claro : la socialdemocracia libertaria buenista ha venido para quedarse y que se preparen los impresentables críticos de lo orgánico y los desorientados habitantes del gueto. ¡Nada fuera de la “organización”, todo por ella ! ¡Abajo el comunismo libertario ! ¡Viva la “democracia económica y política” !

Revista Argelaga, 20-06-2015.