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« Perplexité intempestive » de Tomás Ibáñez
Sur l’actualité catalaniste du moment

« Perplexité intempestive »
De Tomás Ibáñez [1]

Alors que la Catalogne est en proie à des changements aussi drastiques que ceux qui sont survenus depuis les manifestations « multitudinaires » du 15 mai 2001, il est difficile de ne pas éprouver une certaine perplexité.

Qu’est-il arrivé pour que des secteurs parmi les plus combatifs de la société catalane soient passés du « rodear el Parlament » (encerclement du Parlement catalan) durant l’été 2011, à la défense des institutions de la Catalogne en septembre 2017 ?
Qu’est-il arrivé pour que ces mêmes secteurs qui avaient fait face aux mossos d’escuadra [policiers catalans NdT] sur la place de Catalunya, en leur reprochant leur sauvagerie – comme celles qu’ils ont exercées à l’encontre d’Esther Quintana ou d’Andrés Benítez – applaudissent maintenant ces policiers dans les rues, et craignent qu’ils ne soient dessaisis d’une pleine autonomie ?
Qu’est-il arrivé pour qu’une partie de ces secteurs soient passés de la dénonciation du Govern [gouvernement catalan NdT] du fait de ses mesures politiques antisociales, au vote récent de son budget ?
Et aussi qu’est-il arrivé pour que certains secteurs de l’anarchosyndicalisme qui affirmaient auparavant qu’on n’obtiendrait jamais de libertés en votant, en soient venus à la défense actuelle de cette possibilité pour les citoyens ?

On pourrait largement allonger la liste des questions, et l’on pourrait ajouter de multiples réponses à celles qui ont été formulées ici. En effet, on peut évoquer des facteurs comme l’épuisement du cycle de 1978 [date du vote de la constitution espagnole. NdT], la crise économique, ses coupes sombres et la précarisation, l’installation de la droite au gouvernement espagnol, ses politiques autoritaires et ses restrictions de libertés, la corruption scandaleuse du parti majoritaire, etc.

Cependant, il me semblerait naïf d’exclure de ces réponses celle qui prend en compte, également, la poussée extraordinaire du sentiment nationaliste. Une poussée que les facteurs auxquels je viens de faire allusion ont contribué à renforcer, mais qui a reçu également des doses très importantes de combustible depuis les structures mêmes du gouvernement catalan, à partir de son contrôle des télévisions publiques catalanes. Des années d’excitation persistante de la fibre nationaliste eurent nécessairement des effets importants sur les subjectivités, d’autant plus que les stratégies pour élargir la base de l’indépendantisme nationaliste catalan ont été d’une extraordinaire intelligence, et continuent de l’être. La puissance d’un récit construit à partir du droit à décider – sur la base des urnes, et en exigeant la liberté de voter – fut extraordinaire et réussit à dissimuler parfaitement le fait que c’était tout l’appareil d’un gouvernement qui se mettait en branle pour promouvoir ce récit.

L’estelada (rouge ou bleue) est aujourd’hui sans le moindre doute le symbole chargé d’émotivité derrière lequel les masses se mobilisent. Et c’est précisément cet aspect que ne devraient pas sous-estimer ceux qui, sans être nationalistes, voient dans les mobilisations pour le référendum une occasion, que les libertaires ne devraient pas laisser passer, d’ouvrir des espaces chargés de potentialités, sinon révolutionnaires, du moins porteuses d’une forte agitation sociale. Et ils se lancent ainsi dans la bataille qui oppose les gouvernements de l’Espagne et de la Catalogne.

Ces libertaires ne devraient pas sous-estimer cet aspect car lorsqu’un mouvement de lutte inclut une importante composante nationaliste, et c’est indubitablement le cas dans le conflit actuel, les possibilités d’un changement à caractère émancipateur sont strictement nulles.

J’aimerais partager l’optimisme des camarades qui veulent essayer d’ouvrir des brèches dans la situation actuelle pour permettre des issues émancipatrices, cependant je ne peux fermer les yeux devant l’évidence que les insurrections populaires, et les mouvements pour les droits sociaux ne sont jamais transversaux ; ils se heurtent toujours aux classes dominantes qui se regroupent d’un côté des barricades. Alors que dans les processus d’autodétermination – et le mouvement actuel en est clairement un – une forte composante interclassiste intervient toujours.

Ces processus entraînent une fraternisation entre exploités et exploiteurs en quête d’un objectif qui n’est jamais celui de dépasser les inégalités sociales. Le résultat, corroboré par l’histoire, est que les processus d’autodétermination des nations finissent toujours par reproduire la société de classes, en soumettant à nouveau les classes populaires, après qu’elles aient servi de chair à canon principale dans ces combats.

Cela ne signifie pas qu’on ne doive pas lutter contre les nationalismes dominants ni tenter de les détruire, mais il faut le faire en dénonçant constamment les nationalismes ascendants, au lieu de converger avec eux sous prétexte que cette lutte commune pourrait offrir des possibilités de déborder leurs positions de départ, et d’écarter ceux qui ne visent que la création d’un nouvel État national, soumis à leur contrôle. Personne ne doute que ces compagnons de voyage seront les premiers à nous réprimer dès qu’ils n’auront plus besoin de nous, et nous devrions déjà avoir tiré les leçons des cas où nous leur avons tiré les marrons du feu.

Tomás Ibáñez
Barcelone 26 septembre 2017

(Traduction de Frank Mintz et des Giménologues)
30 septembre 2017.

Perplejidades intempestivas.

Cuando acontecen en Catalunya cambios tan drásticos como los que se han producido desde las multitudinarias manifestaciones del 15 de mayo de 2011 resulta difícil experimentar cierta perplejidad.

¿Que ha podido ocurrir para que algunos de los sectores más combativos de la sociedad catalana hayan pasado de “rodear el Parlament” en el verano del 2011 a querer defender las Instituciones de Catalunya en septiembre del 2017 ?
¿Que ha podido ocurrir para que esos sectores hayan pasado de plantar cara a los mossos d’escuadra en la plaza catalunya, y de recriminarles salvajadas, como las que padecieron Esther Quintana o Andrés Benítez, a aplaudir ahora su presencia en las calles y a temer que no tengan plena autonomía policial ?
¿Que ha podido ocurrir para que parte de esos sectores hayan pasado de denunciar el Govern por sus políticas antisociales a votar hace poco sus presupuestos ? ¿Pero, también, que ha podido ocurrir para que ciertos sectores del anarcosindicalismo hayan pasado de afirmar que las libertades nunca se han conseguido votando a defender ahora que se dé esa posibilidad a la ciudadanía ?

La lista de preguntas se podría ampliar enormemente y se podrían aportar múltiples respuestas a las pocas que aquí se han formulado. En efecto, se pueden aducir factores tales como el agotamiento del ciclo del 78, la crisis económica con sus correspondientes recortes y precarizaciones, la instalación de la derecha en el gobierno español con sus políticas autoritarias y sus recortes de libertades, la escandalosa corrupción del partido mayoritario etc. etc.

Sin embargo me parece que sería ingenuo excluir de esas respuestas la que pasa por tomar en cuenta, también, el extraordinario auge del sentimiento nacionalista. Un auge que, sin duda alguna, han contribuido a potenciar los factores a los que acabo de aludir pero que también ha recibido muy importantes dosis de combustible desde las propias estructuras del gobierno catalán y desde su control de las televisiones públicas catalanas. Varios años de persistente excitación de la fibra nacionalista no podían no tener importantes efectos sobre las subjetividades, tanto más cuanto que las estrategias para ampliar la base del independentismo nacionalista catalán han sido, y siguen siendo, de una extraordinaria inteligencia. La potencia de un relato construido a partir del derecho a decidir, en base a la imagen de las urnas, y a la exigencia de la libertad de votar, era extraordinaria y conseguía disimular perfectamente el hecho de que era todo un aparato de gobierno el que se volcaba en promover ese relato.

Hoy, la estelada (roja o azul) es sin la menor duda el símbolo cargado de emotividad bajo el cual se movilizan las masas, y es precisamente ese aspecto el que no deberían menospreciar quienes sin ser nacionalistas ven en las movilizaciones pro referéndum una oportunidad que los libertarios no deberían desaprovechar para intentar abrir espacios con potencialidades, sino revolucionarias, por lo menos portadoras de una fuerte agitación social, y se lanzan por lo tanto en la batalla que enfrenta los gobiernos de España y de Catalunya.

No deberían menospreciarlo porque cuando un movimiento de lucha incluye un importante componente nacionalista, y este es, sin duda alguna, el caso en el presente conflicto, las posibilidades de un cambio de carácter emancipatorio son estrictamente nulas.

Me gustaría compartir el optimismo de los compañeros que quieren intentar abrir grietas en la situación actual para posibilitar salidas emancipatorias, sin embargo no puedo cerrar los ojos ante la evidencia de que las insurrecciones populares, y los movimientos por los derechos sociales nunca son transversales, siempre encuentran a las clases dominantes formando piña en un lado de las barricadas. Mientras que en los procesos de autodeterminación, y el actual movimiento es claramente de ese tipo, siempre interviene un fuerte componente interclasista.

Esos procesos siempre hermanan a los explotados y a los explotadores en pos de un objetivo que nunca es el de superar las desigualdades sociales. El resultado, corroborado por la historia, es que los procesos de autodeterminación de las naciones siempre acaban reproduciendo la sociedad de clases, volviendo a subyugar las clases populares después de que estás hayan sido la principal carne de cañón en esas contiendas.

Eso no significa que no haya que luchar contra los nacionalismos dominantes y procurar destruirlos, pero hay que hacerlo denunciando constantemente los nacionalismos ascendentes, en lugar de confluir con ellos bajo el pretexto de que esa lucha conjunta puede proporcionarnos posibilidades de desbordar sus planteamientos y de arrinconar a quienes solo persiguen la creación de un nuevo Estado nacional que puedan controlar. Que nadie lo dude, esos compañeros de viaje serán los primeros en reprimirnos en cuanto no nos necesiten, y ya deberíamos estar escarmentados de sacarles las castañas del fuego.

Tomás Ibañez
Barcelona 26 de septiembre de 2017