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Les Gimenologues
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80ème anniversaire de la Révolution espagnole
Entretien avec les Giménologues
Paru dans La Révolution Prolétarienne de septembre 2016

Cet été, les Giménologues et les éditions Libertalia rééditent les Souvenirs de Gimenez dans un coffret de deux livres et un CD du feuilleton radiophonique, Les Fils de la nuit, pour un prix étonnamment raisonnable. Le premier volume est celui des Souvenirs, et le second, formé de notes et d’annexes, est plus gros que le premier.

Bonjour Myrtille, tu participes à un collectif nommé les Giménologues [1] qui s’est formé à l’occasion de la découverte d’un texte : les Souvenirs de la Guerre d’Espagne d’Antoine Gimenez. Peux-tu nous présenter l’histoire de ce texte et du collectif ?

À l’instigation de Viviane, sa petite-fille, Antoine Gimenez (alias de Bruno Salvadori) rédigea ses souvenirs à Marseille dans les années 1970. Il les fit lire à ses proches, puis les adressa à des éditeurs, sans succès. Quand il mourut en 1982, ses Souvenirs de la guerre d’Espagne furent dupliqués à quelques exemplaires. Des amis libertaires marseillais, Jean-Marc et Jackie, nous suggérèrent un jour de les publier ensemble. Plus tard, nous eûmes la chance de retrouver Viviane, qui avait déménagé à Périgueux, et Fred et Sylvie se joignirent aussi au projet. Puis, en 2003-2004, nous rencontrâmes Ascen, une Espagnole qui vivait à Longo Maï, et qui eut la riche idée de nous proposer la réalisation d’un feuilleton radiophonique dans le cadre de Radio-Zinzine. Avec l’aide technique de Johannes, ce document sonore de 10 heures commença sa vie en 2005.
C’est en préparant collectivement les mises en contexte pour accompagner le récit d’Antoine que commença vraiment notre travail de recherche, qui aboutit en 2006 à la publication des Fils de la nuit. Souvenirs de la guerre d’Espagne (près de 600 pages). En identifiant progressivement les principaux protagonistes du récit, à commencer par les membres du Groupe international de la colonne Durruti, et en recoupant les événements évoqués par Antoine, nous avions accumulé tellement de matériaux que le volume de l’appareil critique intitulé « À la recherche des Fils de la nuit », placé à la suite du texte d’Antoine, prit d’inquiétantes proportions. Et comme cette quête semble sans fin, l’édition 2016 paraît sous la forme de deux volumes de 1000 pages, dont 700 sont désormais dédiées à nos trouvailles, documents et commentaires [2] . Entre-temps la bande des Giménologues s’est agrandie avec la participation des amis clermontois Jacques et Bernard.

Je trouve que l’avantage de souvenirs comme ceux de Gimenez est de rendre vivante la révolution espagnole, de montrer la solidarité et le côté « naturel » de l’engagement des gens. Cela m’a fait penser aux Carnets de Mary Low et Juan Brea. C’est très puissant de ce point de vue.

« En 1936, j’étais ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui un marginal : quelqu’un qui vit en marge de la société et du code pénal. Je croyais être un anarchiste. Je n’étais en réalité qu’un révolté. Mon action de militant se limitait à faire passer la frontière à certaines brochures imprimées en France et en Belgique, sans jamais chercher à savoir comment on pourrait reconstruire une nouvelle société. Mon seul souci était de vivre et de démolir l’édifice existant. C’est à Pina de Ebro, en voyant s’organiser la collectivité, en écoutant les conférences données par certains copains, en me mêlant aux discussions de mes amis, que ma conscience, en sommeil depuis mon départ d’Italie, se réveilla. » (Antoine)

Ce fut passionnant de suivre Antoine au sein des milices anarchistes en Aragon, et notamment à Pina de Ebro [3], poste avancé de la colonne Durruti, où il logea longtemps chez une famille paysanne que nous avons retrouvée. Nous découvrîmes grâce à lui l’existence de ces groupes organisés par les premiers volontaires internationaux au sein des colonnes libertaires, en majorité constitués de Français, d’Italiens, d’Allemands et Autrichiens, de Suisses, etc. dont l’histoire a été recouverte par celle des Brigades Internationales.
Le récit d’Antoine est traversé de personnages amis, amies et amoureuses, anonymes et militants connus, qui s’engagèrent dans le processus révolutionnaire, d’une manière ou d’une autre. Et nous sommes heureux d’avoir pu éclairer et compléter les portraits, parfois très singuliers, de ces hommes et de ces femmes auxquels il a redonné vie un instant :
Georgette Kokoczinski (Mimosa), Augusta Marx, Madeleine Gierth, Pascuala Valero Labarta (La Madre), Giuditta Zanella, Suzanne Hans, Simone Weil, Carlo Scolari, Lorenzo Giua, Louis Berthomieu, Pablo Vagliasindi, Franz Ritter, Ridel (Louis Mercier-Verga), Charles Carpentier, Lucio Ruano, Camillo Berneri, Nils Lätt, Carl Einstein, Paolo Vagliasindi…
Certains personnages ont résisté à l’identification comme Mario, Otto, Marthe, La Calle …

Et, pour le dire avec Louis Mercier-Vega (Ridel) :

« C’est un dialogue avec eux, un dialogue avec les morts que nous avons tenté pour que demeure, de leur vérité, de quoi aider les survivants, et les vivants. […]. La preuve nous a été donnée d’une vie collective possible, sans dieu ni maître, donc avec les hommes tels qu’ils sont et dans les conditions d’un monde tel que les hommes le font. » (In « Refus de la légende », 1956).

Nos méthodes et principes de base se sont établis chemin faisant.
Nous avons donné centralement la parole (sachant l’importance de l’oralité chez la plupart des témoins) aux protagonistes de cette histoire, ou à leurs enfants, en recoupant tout ce qui se pouvait – et cela nous a parfois permis de corriger des travaux d’historiens.
Nous avons banni l’approche « misérabiliste » qui consiste à ne les considérer que comme des vaincus – quand eux-mêmes ne le faisaient pas – et voulu insister sur leurs motivations, leurs pratiques, la nature de leur engagement et sur l’analyse qu’ils ont tirée de ce moment vécu.
En un mot, nous tentons d’articuler les histoires singulières et les questions collectives.

Cet été c’est le 80e anniversaire de la révolution espagnole. C’est une révolution qui, je trouve, reste assez peu connue en France, malgré l’importance d’une immigration « rouge » en 1939. Partages-tu cette impression et comment l’expliques-tu ?

Tout à fait, et les différents secteurs de la contre-révolution ont fait en sorte qu’elle soit réduite, voire niée, dénaturée et calomniée. En juillet 1938, Karl Korsch s’inquiétait d’une volonté d’occultation déjà perceptible. Il écrivait en exergue dans sa recension à Collectivisations, l’œuvre constructive de la révolution espagnole :

« Le premier but de ce recueil consiste à briser ce cercle de silence et de déformations grâce auquel une partie essentielle de la nouvelle phase de développement de la révolution espagnole commencée depuis le 19 juillet 1936 a été jusqu’à présent presque complètement cachée aux yeux de la classe ouvrière internationale. »*

Depuis, le travail « d’exhumation [4] » fut colossal du fait de décennies de chape de plomb, de silence, de terreur d’État, de contrevérités, de mensonges, suivies de pactes dits de transition ou de « réconciliation » d’où a surgi la thématique de la guerre fratricide, de la « faute partagée » selon laquelle les combattants des deux côtés auraient lutté pour des idéaux respectables. Après 1975, il s’agissait encore et toujours de discipliner le mouvement ouvrier, de stériliser et domestiquer les mouvements populaires dans les quartiers.

Puis, du côté de l’historiographie « progressiste », on a eu droit à une autre formule à vocation consensuelle : les gouvernants républicains de 1931 furent dans l’incapacité d’appliquer les réformes du fait de la radicalité des extrémistes de droite comme de gauche. La guerre civile résulta de cet échec ; elle fut un conflit pour la défense des valeurs démocratiques bourgeoises (variante de la thèse du strict antifascisme).
Dans ces élaborations libéralo-staliniennes, les activités des organisations anarchistes (syndicales, culturelles, sociales) furent reléguées aux poubelles de l’histoire et qualifiées « d’irrationnelles », de « messianiques », de « terroristes », etc. C’étaient des primitifs, en somme, incapables de se rallier à la modernité dont l’Espagne profitait enfin, après la mort du caudillo.

Mais ces diverses falsifications n’ont pu complètement recouvrir une réalité qui peut se résumer ainsi : cette guerre civile était une guerre sociale. Depuis le milieu du XIX° siècle, en Andalousie, en Catalogne, dans le Levant, une rencontre inédite s’est produite entre une grande partie des classes populaires foncièrement antimilitaristes, anticléricales et antiétatiques, et les idées libertaires portées par une myriade de formations anarchistes s’activant dans les Ateneos ou dans les groupes (souvent) clandestins. Les militants de la CNT – organisation décentralisée, sans permanent et apolitique née en 1910 – vont s’imbriquer intimement dans les réseaux de barriadas barcelonais et dans les pratiques spontanées des habitants résistant dans leur vie quotidienne. Au début du XXe siècle, ces dernières se systématisèrent, combinant action directe et action syndicale. Tout cela engendra une contre-culture populaire, centrée sur le quartier [5],et déboucha sur les tentatives de sortie du capitalisme de l’été 1936.

Dans le sillage des inestimables travaux de Mercier-Vega, Bolloten, Orwell, Vernon Richards, Carlos Semprun-Maura etc., nous sommes ravis de participer, à notre niveau, à l’informel « réseau de partage des données » et à la « fraternité spirituelle des résistants au mensonge [6] » constitués de chercheurs spontanés et d’historiens amateurs et/ou militants, actifs dans les divers centres de documentation et publications libertaires – et même de généalogistes qui nous ont contactés pour nous aider… Il me semble désormais qu’est mis à disposition un matériau conséquent pour une discussion permanente sur le processus révolutionnaire espagnol des années trente, et les diverses contre-révolutions auxquelles il fut confronté.

Les Giménologues publient aussi cette année ¡ A Zaragoza o al charco ! Aragon 1936-1938. Récits de protagonistes libertaires (en co-édition avec l’Insomniaque). Que peux-tu nous en dire ?

Maintenant que les derniers protagonistes ne sont plus là, nous leur rendons hommage en rassemblant dans cette deuxième publication d’autres parcours personnels recueillis entre 2006 et 2010. Car lors de nos nombreuses présentations, nous rencontrâmes des compañeros et compañeras qui confirmèrent la justesse du récit d’Antoine et de nos commentaires, qu’ils enrichirent à leur tour. Ainsi, nous avons relayé les récits d’Engracia Galván, de Petra Gracia, d’Emilio Marco, d’Hélios Peñalver, d’Isidro Benet et d’Antoine, fils de Manolo Valiña.
Ce livre se centre pour l’essentiel sur l’activité des miliciens de la colonne Sur Ebro (conduite par l’anarchiste Antonio Ortiz [7] ), et sur les conditions de la non-reprise de Saragosse. Pour la plupart des hommes et des femmes évoqués dans cet ouvrage, cette capitale a représenté emblématiquement à la fois l’espoir et la déroute du projet communiste libertaire. La paralysie des colonnes devint tout de suite symptomatique d’une guerre qui allait – qui devait – dévorer la révolution.
Le projet d’émancipation qui s’engagea en cette partie de l’Aragon a été confronté à diverses formes de contre-révolution qui entretiendront un climat d’hostilité croissant d’août 1936 à mars 1938 ; le sabotage du front tenu par les milices, l’assassinat de Durruti, l’assaut mené contre les pratiques de socialisation engagées dans les villages, et la tentative d’empoisonnement d’Ortiz et d’Ascaso sont autant de moments forts de cette tragédie.

La révolution espagnole fait toujours débat en milieu militant. Je ne parle pas des défenseurs tardifs du stalinisme, je parle du milieu socialiste et libertaire au sens large. Un débat, je dirais, sur deux points assez précis :
1. la nature réellement communiste et libertaire de l’expérience économique, l’étendue réelle des socialisations autogérées, des poches d’économie plus ou moins non-marchandes, etc.
2. le rôle de la direction de la CNT dans les journées de mai 1937 à Barcelone.
Y a t-il discussion sur ces points de débats au sein des Giménologues ?

Bâtie sur hommes, la Révolution espagnole n’est ni une construction parfaite ni un château de légende. La première tâche nécessaire à notre équilibre est de réexaminer la guerre civile sur pièces et sur faits et non d’en cultiver la nostalgie par nos exaltations. Tâche qui n’a jamais été menée avec conscience et courage, car elle eût abouti à mettre à nu non seulement les faiblesses et les trahisons des autres, mais aussi nos illusions et nos manquements, à nous, libertaires. (Mercier-Vega, 1956)

En 2006 certains nous ont dit que notre travail faisait voler en éclats le tableau figé et hagiographique de l’expérience révolutionnaire espagnole, dressé par une grande partie de l’historiographie libertaire, et que cela leur avait redonné l’envie de se replonger dans cette histoire. C’est bien le meilleur retour que nous ayons eu.

Tous les Giménologues sont parfaitement en phase avec le constat suivant : non seulement les prolétaires révolutionnaires durent mener une guerre qui allait s’éterniser et les dévorer, mais ils réalisèrent au fil des semaines qu’une partie de leurs leaders étaient en train de différer l’application du communisme libertaire et de renier leurs principes en entrant dès l’automne 1936 dans les gouvernements catalan, puis madrilène. Le Comité Régional de la CNT d’Aragon se retrouva plutôt seul à soutenir la socialisation rurale en cours. On ne peut donc se satisfaire de la thèse d’une partie de l’historiographie anarchiste : toute la CNT-FAI était comme un seul homme derrière le projet communisme libertaire, qui ne succomba que sous les coups de la réaction ou des staliniens.

Dans A Zaragoza, nous abordons dans un gros chapitre les thèmes suivants :
L’apparition au sein de l’AIT du concept de « communisme anarchiste » [ancêtre de celui de communisme libertaire], et comment la formule « À chacun selon ses besoins » remplaça celle « À chacun selon son travail ».
Comment au fil des années et des congrès deux grands courants de l’anarchisme développèrent chacun leur conception du communisme libertaire :
1) Les communalistes (ou ruralistes) considéraient que le capitalisme et l’industrialisme étaient consubstantiels, et que c’était à la commune et non au syndicat de prendre en charge la socialisation. Après l’abolition du salariat, le syndicat qui lui était lié devait disparaître.
2) Le courant anarcho-syndicaliste devenu majoritaire au sein du mouvement libertaire après 1933. Au milieu des années trente, pour certains penseurs de cette tendance tels Abad de Santillan, Juan Peiró, et Horacio Prieto, faire la révolution revenait à adapter l’anarchisme aux exigences de la société industrielle, en lieu et place de la bourgeoisie considérée comme incapable. Partisans de reconduire le syndicat dans la société post-capitaliste, ils allèrent jusqu’à estimer que le communisme libertaire n’était plus un projet tenable face au développement de l’économie, et qu’on pouvait le jeter aux poubelles de l’histoire.

Il nous semble à partir de là que le virage opéré par une partie de la CNT-FAI dès le 20 juillet 1936 à Barcelone, qui se confirmera les mois suivants (maintien de l’Etat, encadrement et limitations des collectivités, désarmement et dissolution des comités révolutionnaires, militarisation des milices etc.), avait été engagé bien avant.

Nous détaillons ensuite concrètement l’ébauche de sortie du capitalisme qui eut lieu en Aragon, seule province sans État, entre juillet 36 et août 37. Dans la plupart des villages un projet émancipateur s’expérimenta à des degrés divers, mais sur une base minimale commune : abolition du salariat, appropriation et mise en commun des terres, outils, bâtiments, semences et cheptel des grands propriétaires. On travailla collectivement les terres et l’on se répartit toute la production en fonction des besoins de chacun. Puis on créa les collectivités sur la base du volontariat.

Nous nous penchons pour finir sur la question : par qui le projet communiste libertaire qui s’expérimenta en Aragon d’août 1936 à mars 1938 a-t-il été entravé, puis anéanti ?

Mai 37. La suite logique de l’abandon du processus révolutionnaire par les leaders CNT-FAI consista à museler leur base récalcitrante. Un cran de plus fut atteint quand les socialo-communistes attaquèrent le Central téléphonique de Barcelone aux mains de la CNT depuis le 19 juillet 1936, et obligèrent la Confédération à se désolidariser officiellement du soulèvement populaire de mai 1937. C’est ainsi que dans la prison Modelo de Barcelone, il finit par y avoir plus « d’antifascistes » que de « fascistes », et ce jusqu’à la fin de la guerre.

Quels enseignements peut-on encore tirer de cette expérience révolutionnaire ? Comment résonne-t-elle aujourd’hui ?

A Zaragoza se clôt avec un deuxième chapitre de notre cru approchant la question de la violence révolutionnaire, objet d’une polémique toujours actuelle en Catalogne où de jeunes libertaires des ateneos sont en prison sous l’inculpation de terrorisme.
On a tenté depuis fort longtemps de réduire la radicalité théorique et pratique du « rêve égalitaire » à l’expression d’une violence aveugle et criminelle spécifique aux anarchistes, spontanée (populace en furie, incontrolados), ou organisée (tueurs et bandits de la CNT-FAI).

Nous rendons compte de la persistance (notamment en Catalogne) de publications journalistiques et universitaires relevant d’une « histoire poubelle » spécifiquement anti-libertaire, qui reprend les stéréotypes de la grande presse du début des années 1930.

« Les travailleurs aragonais prirent leur destin en main au lieu de se limiter à faire fonctionner les usines comme la veille, ou à saisir le manchon de la charrue » (José Borrás)

« À cette époque [années trente], les rythmes de vie faisaient que les barrios, les lieux où l’on vivait, étaient des espaces de sociabilité où l’on affirmait un Nous grâce à l’appui mutuel observé dans tout ce qui touchait la communauté. [Les activités collectives étaient diverses] sans distinguer ni poser de priorité entre la sphère du travail et de la production et celle du territoire ou de la reproduction. » (Pere López, entretien au journal Diagonal en 2013)

L’Espagne fut le seul pays en Europe où s’engagea dans les années trente une lutte frontale à la fois contre le capitalisme, le fascisme et le communisme autoritaire. Nous avons le plaisir cette année de constater que ce ferment révolutionnaire trouvait une certaine résonance en France, notamment à la ZAD de NDDL où nous fûmes deux fois invités pour en parler.

En mai, à Paris, en pleine bagarre contre la « loi travaille ! », l’émission de radio « Sortir du capitalisme » nous a donné la parole, et cet entretien bénéficie depuis d’une assez large écoute sur le net [8]. Il nous semble particulièrement pertinent de mettre en regard l’évolution de la socialisation par le travail au cœur du système capitaliste et l’expérience inédite en 1936 d’abolition du salariat, « au nom de la dignité », où il fut question d’être libre collectivement. Alors même que la valorisation par le travail est en crise et qu’en même temps toute activité devient travail, notre société produit un type d’individu qui ne connaît plus que la liberté pour soi, pour lequel l’existence est une tentative constante d’auto-valorisation.

Voilà la chape de plomb qu’il s’agit de briser une fois pour toutes.
Nous avons pour notre part beaucoup appris en nous immergeant dans ce monde riche et protéiforme de la militancia anarchiste, dans une culture qui a su proposer une intéressante tension entre individu et collectif.

Myrtille je te remercie pour cet entretien.

Ce fut un plaisir Stéphane, merci aussi à toi
(Entretien réalisé par S. J)

* Myrtille se réfère à une « version courte » publiée en allemand en 1938 (en ligne à bataillesocialiste.wordpress.com). Nous publions une traduction inédite d’un texte plus large dans ce numéro de la R.P.

Les Giménologues – ainsi dénommés eux-mêmes par autodérision comme « spécialistes » des écrits d’Antoine Gimenez (dit Bruno Salvadori) sur la révolution espagnole – travaillent depuis des années sur ce sujet grâce à des témoignages « d’en bas » recoupés avec tout ce qui se publie en Espagne, en France et ailleurs.
En ce 80e anniversaire de juillet 1936 qui vit les travailleurs espagnols mettre en échec le pronunciamiento franquiste, ils publient simultanément une nouvelle édition en deux volumes des mémoires de Gimenez, Les Fils de la nuit (Libertalia) et ¡ A Zaragoza o al charco ! – Aragon 1936-1938. Récits de protagonistes libertaires (L’Insomniaque). Le premier volume reprend ses souvenirs, tandis que le volume deux contient un appareil critique exceptionnel, certaines « notes » s’apparentant à de véritables articles de fond et à des mises au point informées sur des thèmes épineux (par exemple la mort de Durruti).
Le second livre, dont nous reprenons deux extraits ici même prolonge ces recherches grâce à de nouveaux témoignages et à des rencontres faites lors des tournées de présentation des Fils de la nuit depuis 2006 : la courte préface résume bien le projet et le passage sur les volontaires français de la Colonne Ortiz illustre la méthode des Giménologues tout en rendant hommage à des combattants internationalistes oubliés qui n’avaient rien à voir avec ceux des Brigades internationales – cette Légion étrangère de Staline en Espagne. (NDLR)


Suivent deux extraits de A Zaragoza o al charco !


Les présentations publiques des Giménologues prévues cet automne :

23 septembre : au CAD, Centre Ascaso Durruti, Montpellier, à 18h30
27 septembre : à la Librairie Torcatis, Perpignan, à 18h
30 septembre : au Cinéma du Mas d’Azil, en Ariège, à partir de 18 h
16 octobre : au salon du livre anarchiste de St Etienne, Bourse du Travail, à partir de 15h
5 novembre, à la librairie Publico, Paris, à 16h30
12 novembre : au CIRA, Centre International de Recherche sur l’Anarchisme de Marseille, à 17h
13 novembre (sous réserve) : au local anarchiste de Toulon, 6 rue Pierre Corneille
19 novembre : à la Librairie La Gryffe, Lyon, à 15h

Pour en savoir plus, voir les flyers et annonces sur le site : gimenologues.org